Un médecin italien en soins palliatifs conteste le projet de loi italien sur le bio-testament, en particulier du fait de la question de l’objection de conscience et d’autre part du droit à la nutrition et à l’hydratation: il voit le danger d’une dérive vrs l’euthanasie. L’Osservatore Romano lui a donné la parole dans son édition quotidienne en italien du 27 avril 2017 .
« Bien que respectant une décision légitime du patient, obliger un médecin à agir contre sa propre conscience à un moment aussi délicat serait une vraie violence », affirme le médecin en soins palliatifs Ferdinando Cancelli commentant le projet de loi italien sur le bio-testament ou D.A.T (dispositions anticipées de traitement) adopté par la Chambre des députés, le 20 avril dernier, par 326 voix pour. Le texte du projet doit encore être approuvé par le Sénat.
Ferdinando Cancelli considère comme « vraiment confus et incomplet » l’article 1 du projet de loi ou « la nutrition et l’hydratation artificielles » « sont considérées comme des traitements sanitaires » « et donc, dans l’esprit du projet de loi, demandent l’autorisation du patient ».
« L’objection de conscience, jamais citée expressément dans le texte est sans doute plus problématique, un nœud fondamental qu’on ne saurait négliger, explique le médecin et cite à ce propos l’alinéa 6 de l’article 1 : « Le médecin est tenu à respecter la volonté du patient de refuser tout traitement ou de l’interrompre. »
Cette « première partie de l’alinéa 6 » pourrait « être contraignante pour le personnel médical », estime Ferdinando Cancelli: « Si la loi devait être approuvée en l’état, et un patient sous ventilation artificielle devait me demander de débrancher la machine qui le maintient en vie, je serais obligé de le faire à moins d’enfreindre la loi ».
« Toute personne ayant fait l’expérience de ce que signifie dans la réalité éteindre un ventilateur mécanique, poursuit le médecin, sait que c’est un geste que l’on ne peut obliger personne à faire. Il est utile encore une fois de rappeler que même au Royaume-Uni où la loi sur la fin de vie est la loi en vigueur, l’objection de conscience est prévue dans ces cas-là. »
« La liberté et l’autonomie, rappelle-t-il, ne peuvent aller à sens unique, à moins de trahir cette alliance sur laquelle se fonde la « relation de soin et de confiance » entre le patient et son médecin. »
A propos de la nutrition et de l’hydratation artificielles, Ferdinando Cancelli explique « comment ça se passe aujourd’hui dans la pratique clinique quotidienne » : « En tant que médecin, je ne me permettrais jamais d’alimenter ou d’hydrater un patient « capable d’agir » sans lui expliquer avant le sens de ce que je lui propose et sans avoir écouté ce qu’il en pense. En cas de refus, ce qui n’est arrivé d’ailleurs que de rares fois dans ma carrière, j’essaie d’expliquer le plus clairement possible au patient et, s’il est d’accord, à ses proches, « les conséquences d’une telle décision » si la durée de sa vie en dépend. »
Ferdinando Cancelli examine aussi la deuxième partie de l’article 1 qui dit que « le patient ne peut exiger des traitements qui vont contre la loi, contre la déontologie professionnelle, ou contre les bonnes pratiques cliniques et leur assistance » et que, face à de telles demandes, le médecin « n’a pas d’obligations professionnelles ».
« Cette deuxième partie est perçue par certains comme une référence voilée à l’objection de conscience, mais ce n’est pas le cas, estime Ferdinando Cancelli. Elle réaffirme encore une fois ce qui se pratique déjà aujourd’hui professionnellement. Si un patient demande par exemple une chimiothérapie qui s’avérerait absolument inefficace, dans son cas, le médecin n’a aucune « obligation professionnelle » de la lui prescrire. »
La possibilité pour le patient de renoncer à tous les soins, y compris l’hydratation et la nutrition – ce qui conduit à une mort certaine -, est contestée par les médecins catholiques depuis le début de la discussion du projet de loi sur le bio-testament.
Rappelons que la promotion du principe de « l’autodétermination » et son détachement du contexte de la protection de la vie représentent une « première étape vers la légalisation de l’euthanasie », pour le Saint-Siège qui défend une vision « plus large » de cette question, fondée sur la protection de la dignité humaine et de la plénitude de la vie, comme le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat l’avait indiqué en février dernier.
Avec une traduction d’Océane Le Gall
L'Osservatore Romano du 27 avril 2017
Bio-testament italien: l'objection de conscience en question
Tribune dans L’Osservatore Romano