« Une société qui ferait de la place seulement aux personnes pleinement fonctionnelles, totalement autonomes et indépendantes, ne serait pas une société digne de l’homme ». C’est ce qu’a affirmé le pape François devant les membres de la communauté italienne de Capodarco qu’il a reçus le 25 février 2017. Fustigeant la « discrimination sur la base de l’efficacité », le pape les a remerciés d’être « du côté » des personnes handicapées et défavorisées : « vous contribuez à rendre la société meilleure ».
Le pape a rencontré quelque 2600 personnes, handicapées et volontaires de cette association fondée en 1966 par un prêtre italien, dans la salle Paul VI du Vatican. Dans la foule très enthousiaste qui lançait des fréquents « Vive le pape ! », une longue bannière proclamait : « Pape François, tu es spécial comme nous ».
« La qualité de la vie au sein d’une société se mesure, en bonne partie, par la capacité à inclure ceux qui sont plus faibles et nécessiteux », a déclaré le pape durant la rencontre. Une inclusion qui ne doit pas être perçue « comme quelque chose d’extraordinaire, mais de normal ».
Il a longuement plaidé pour la participation de la personne avec des fragilités physiques, psychiques ou morales, à la vie de la société, en faisant écho à l’oeuvre de l’association en ce sens. Et de saluer leur engagement à promouvoir « l’action personnelle et directe des personnes handicapées elles-mêmes », en dépassant « l’attitude de pitié et assistancialiste ».
Le pape a souligné aussi la « place privilégiée » de ces “petits” marqués par des handicaps mentaux ou physiques, ou par des blessures de l’âme », dans l’Eglise : ce sont « des témoins particuliers de la tendresse de Dieu, desquels nous avons beaucoup à apprendre ». Il a conclu la rencontre en saluant une par une chacune des personnes handicapées présentes, se penchant sur les fauteuils roulants, bénissant et échangeant quelques paroles avec l’une ou l’autre, durant une demi-heure.
Voici notre traduction complète du discours que le pape a prononcé :
Discours du pape François
Chers frères et sœurs,
Je suis heureux de notre rencontre et heureux de ce que j’ai entendu, très heureux, et je vous salue tous avec affection. Je remercie de tout cœur Don Franco Monterubbianesi, fondateur de votre Communauté, et Don Vinicio Albanesi, actuel président, pour leurs paroles ; et je vous remercie vous, d’avoir offert vos témoignages.
La Communauté de Capodarco, structurée autour de nombreuses réalités locales, a célébré l’an dernier son 50e anniversaire. Avec vous, je remercie le Seigneur pour le bien accompli en ces années au service des personnes handicapées, des mineurs, de ceux qui vivent des situations de dépendance et de malaise, et de leurs familles. Vous avez choisi d’être du côté de ces personnes moins protégées, pour leur offrir accueil, soutien et espérance, dans une dynamique de partage. De cette façon vous avez contribué et vous contribuez à rendre la société meilleure.
La qualité de la vie au sein d’une société se mesure, en bonne partie, par la capacité à inclure ceux qui sont plus faibles et nécessiteux, dans le respect effectif de leur dignité d’hommes et de femmes. Et la maturité s’atteint lorsque une telle inclusion n’est pas perçue comme quelque chose d’extraordinaire, mais de normal. La personne avec un handicap et des fragilités physiques, psychiques ou morales, doit aussi pouvoir participer à la vie de la société et être aidée dans la mise en œuvre de ses potentialités dans des dimensions variées. C’est seulement quand sont reconnues les droits des plus faibles, qu’une société peut dire qu’elle est fondée sur le droit et sur la justice. Une société qui ferait de la place seulement aux personnes pleinement fonctionnelles, totalement autonomes et indépendantes, ne serait pas une société digne de l’homme. La discrimination sur la base de l’efficacité n’est pas moins déplorable que la discrimination sur la base de la race ou du revenu ou de la religion.
Ces dernières décennies, votre Communauté a vécu constamment une écoute attentive et affectueuse de la vie des personnes, en s’efforçant de répondre aux besoins de chacun en tenant compte de leurs capacités et de leurs limites. Votre approche des plus faibles dépasse l’attitude de pitié et assistancialiste, pour favoriser la participation active de la personne qui a des difficultés dans un contexte communautaire non fermé sur soi mais ouvert à la société. Je vous encourage à poursuivre sur ce chemin, qui voit en premier plan l’action personnelle et directe des personnes handicapées elles-mêmes. Face aux problèmes économiques et aux conséquences négatives de la globalisation, votre Communauté cherche à aider ceux qui se trouvent dans l’épreuve à ne pas se sentir exclus ou marginalisés, mais, au contraire, à marcher en première ligne, en portant le témoignage de l’expérience personnelle. Il s’agit de promouvoir la dignité et le respect de tout individu, en faisant sentir aux “vaincus par la vie” la tendresse de Dieu, Père aimant de chacune de ses créatures.
Je veux encore remercier pour le témoignage que vous donnez à la société, en l’aidant à découvrir toujours plus la dignité de tous, à partir des plus petits, des plus défavorisés. Les institutions, les associations et les différentes agences de promotion sociale sont appelées à favoriser l’inclusion effective de ces personnes. Vous travaillez dans ce but avec générosité et compétence, avec l’aide courageuse de familles et de volontaires, qui nous rappellent la signification et la valeur de toute existence. En accueillant tous ces “petits” marqués par des handicaps mentaux ou physiques, ou par des blessures de l’âme, vous reconnaissez en eux des témoins particuliers de la tendresse de Dieu, desquels nous avons beaucoup à apprendre et qui ont une place privilégiée aussi dans l’Eglise. De fait, leur participation à la communauté ecclésiale ouvre la voie à des relations simples et fraternelles, et leur prière filiale et spontanée nous invite tous à nous tourner vers notre Père céleste.
Votre Association a eu son origine dans les pèlerinages aux sanctuaires de Lourdes et de Lorette, où don Franco eut l’intuition d’une façon de valoriser les ressources humaines et spirituelles inhérentes à toute personne porteuse de handicap. Dans votre activité, si précieuse pour l’Eglise et pour la société, la Vierge Mère vous a toujours accompagnés et elle continue à le faire, en vous aidant à retrouver chaque fois de nouvelles énergies et à conserver toujours le style de l’Evangile, la tendresse, l’attention, la proximité, et aussi le courage, l’esprit de sacrifice, parce qu’il n’est pas facile de travailler dans le domaine du handicap personnel et social.
Chers frères et sœurs, je vous remercie encore pour votre visite. Je vous bénis et je vous accompagne par la prière, pour que vos communautés continuent à cheminer avec joie et avec espérance. Et vous aussi, s’il vous plaît, priez pour moi. Merci !
Et je vous invite à prier notre Mère, qui donne de la force aux mamans, aux femmes, à vous, à nous tous qui travaillons. [Ave Maria]
Traduction de Zenit, Anne Kurian