Jésus miséricordieux, tableau de Vilnius par Eugeniusz Kazimirowski ©æ© faustine-message.com

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Misericordia et misera: «Je suis aimé donc j’existe», une révolution culturelle en marche

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La miséricorde a le premier et donc le dernier mot de l’histoire

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«Je suis aimé donc j’existe» : le pape François indique ainsi la prévenance de l’amour de Dieu, de sa miséricorde, qui précède tout péché et le guérit, et procure une grande joie, dans sa lettre apostolique « Misericordia et misera », publiée ce 21 novembre 2016, pour prolonger la force du Jubilé de la Miséricorde dans la vie de l’Eglise et de la société, après la fermeture de la Porte Sainte, hier, dimanche 20 novembre, à Saint-Pierre. Et si elle a le permier mot, la miséricorde aura aussi le dernier mot de l’histoire. C’est une « révolution culturelle » en marche, la marche des libertés restaurées. Le pape a signé le document dimanche, debout.
De fait, le pape inverse les termes de saint Augustin d’Hippone qui dit, dans son commentaire de l’épisode de la femme adultère rapportée par l’Evangile de  saint Jean : une fois que tous ceux qui voulaient lapider la femme se furent retirés, « il n’en resta que deux, la misère et la miséricorde » (« Relicti sunt duo misera et misericordia », In Ioh. Ev. tr. 33,5 , CCSL XXXVI, 309). Mais le pape François a fait le choix théologique et spirituel de placer en premier la miséricorde : « Misericordia et misera ».
Le premier et le dernier mot
Il explique cette prévenance et donc l’inversion des termes qu’il opère – nous soulignons en italiques cette priorité de la miséricorde -: « C’est là un des contenus fondamentaux de notre foi que nous devons conserver dans toute son originalité : avant la révélation du péché, nous avons celle de l’amour par lequel Dieu a créé le monde et les êtres humains. L’amour est le premier acte par lequel Dieu se fait connaître et vient à notre rencontre. »
Le pape exhorte à cette confiance dans la miséricorde qui a le premier mot et aura donc le dernier mot de l’histoire, et même chaque mot de l’histoire : « Tenons donc ouvert notre cœur à la confiance d’être aimés de Dieu. Son amour nous précède toujours, nous accompagne et demeure à nos côtés malgré notre péché.
Par ces termes « précède », « accompagne » et « demeure » le pape dessine une théologie de l’histoire de la miséricorde : tout le temps de l’histoire est une histoire de la miséricorde, plus forte que le péché. « La grâce nous précède toujours et prend le visage de la miséricorde qui devient efficace dans la réconciliation et le pardon », souligne encore le pape.
Et pour permettre à tous de puiser à la miséricorde, le pape prend différentes décisions: il prolonge le mandat de Missionnaires de la miséricorde, recommande aux prêtres le minsitère de la confession, permet aux fidèles disciples de la Fraternité Saint-Pie X d’y recevoir validement le sacrement de la Réconciliation, et il prolonge la capacité jubilaire de tout prêtre d’absoudre le péché de qui s’est rendu complice d’un avortement.
Il institue une Journée mondiale des pauvres et il demande aussi qu’un Dimanche soit réservé dans l’année à la Parole de Dieu, à écouter aussi dans la lecture, la lectio divina, personnelle.
Le pape insiste sur l’importance du sacrement de la réconciliation dans la vie chrétienne et il rappelle l’autre façon d’obtenir le pardon: l’exercice concret de la charité, synthétisée dans les « oeuvres de miséricorde corporelles et spirituelles ». « C’est un pardon que l’on peut obtenir, d’abord, en commençant à vivre la charité. C’est ce que rappelle aussi l’Apôtre Pierre quand il écrit que : «la charité couvre une multitude de péchés» (1 P 4,8)», fait observer le pape.
Le temps de la miséricorde
« La miséricorde ne peut être une parenthèse dans la vie de l’Église, mais elle en constitue l’existence même, qui rend manifeste et tangible la vérité profonde de l’Évangile. Tout se révèle dans la miséricorde ; tout se résout dans l’amour miséricordieux du Père » écrit le pape François.
C’est donc tout le temps humain qui est investi par la miséricorde, et pas seulement le temps d’un jubilé. C’est ce qui inspire au pape François cette grande litanie du Temps de la miséricorde : « Voici venu le temps de la miséricorde. Chaque journée de notre route est marquée par la présence de Dieu qui guide nos pas avec la force de la grâce que l’Esprit répand dans le cœur pour le modeler et le rendre capable d’aimer. Voici venu le temps de la miséricorde pour tous et pour chacun, pour que personne ne puisse penser être étranger à la proximité de Dieu et à la puissance de sa tendresse. Voici venu le temps de la miséricorde pour que ceux qui sont faibles et sans défense, loin et seuls, puissent accueillir la présence de frères et sœurs qui les tireront du besoin. Voici venu le temps de la miséricorde pour que les pauvres sentent se poser sur eux le regard respectueux mais attentif de ceux qui, ayant vaincu l’indifférence, découvrent l’essentiel de la vie. Voici venu le temps de la miséricorde pour que tout pécheur ne se lasse jamais de demander pardon et sente la main du Père qui accueille toujours et serre contre lui. »
Une transformation personnelle
Le pape souligne la transformation opérée dans chacun par l’expérience de la miséricode: « La miséricorde est cette action concrète de l’amour qui, en pardonnant, transforme et change la vie. »
Elle transforme les personnes de l’intérieur et donc leur histoire et même la société, en restaurant la liberté humaine: « La miséricorde renouvelle et libère car elle est la rencontre de deux cœurs: celui de Dieu qui vient à la rencontre de celui de l’homme. »
« Je suis aimé, donc j’existe ; je suis pardonné, donc je renais à une vie nouvelle ; il m’a été fait miséricorde, donc je deviens instrument de miséricorde », insiste le pape. Il exprime encore cette transformation opérée par la miséricorde divine : « L’œuvre la miséricorde de Dieu qui change, convertit, et transforme notre cœur. » Il invite à refuser « une justice qui vient seulement des normes » pour « croire en la force qui jaillit de la grâce divine ».
En quelque sorte, la grâce se révèle  irrésistible : « Précisément, Dieu nous fait comprendre son immense amour face à notre être pécheur. La grâce est la plus forte et dépasse toute résistance possible, car l’amour est vainqueur de toute chose (cf. 1 Co 13,7). »
Et cette miséricorde invite à faire de même, car elle le rend possible : « Dieu seul pardonne les péchés, mais il nous demande aussi d’être prêts à pardonner les autres comme lui-même nous pardonne : «Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs » (Mt 6,12). Quelle tristesse quand nous restons enfermés en nous-mêmes et incapables de pardonner ! La rancœur, la colère, la vengeance prennent alors le dessus, nous rendant la vie malheureuse et vain l’engagement joyeux pour la miséricorde. »
Car la miséricorde reçue c’est au contraire une joie immense:  « La miséricorde suscite la joie, car le cœur s’ouvre à l’espérance d’une vie nouvelle. La joie du pardon est indicible, mais elle transparait en nous chaque fois que nous en faisons l’expérience. »
C’est même l’antidote au désespoir: « L’avenir semble être l’otage de l’incertitude qui ne permet pas la stabilité. C’est ainsi qu’apparaissent souvent des sentiments de mélancolie, de tristesse et d’ennui, qui peu à peu peuvent conduire au désespoir. Nous avons besoin de témoins d’espérance et de véritable joie, pour chasser les chimères qui promettent un bonheur facile fait de paradis artificiels. Le vide profond ressenti par beaucoup peut être comblé par l’espérance que nous portons dans le cœur et par la joie qui en découle. Nous avons tant besoin de reconnaître la joie qui se révèle dans un cœur touché par la miséricorde.»
Une révolution culturelle de la miséricorde
Ce qui se passe au niveau des cœurs transforme aussi la société c’est pourquoi le pape invite à construire une véritable « culture de la miséricorde » : « Nous sommes appelés à faire grandir une culture de la miséricorde, fondée sur la redécouverte de la rencontre des autres : une culture dans laquelle personne ne regarde l’autre avec indifférence ni ne détourne le regard quand il voit la souffrance des frères. Les œuvres de miséricorde sont «artisanales». »
C’est une « révolution culturelle » : « C’est pour cela que nous pouvons donner naissance à une véritable révolution culturelle, précisément à partir de la simplicité des gestes qui savent rejoindre le corps et l’esprit, c’est-à-dire la vie des personnes. »
Le pape indique quatre piliers de cette révolution dans la vie des personnes : « La culture de la miséricorde s’élabore dans la prière assidue, dans l’ouverture docile à l’action de l’Esprit, dans la familiarité avec la vie des saints et dans la proximité concrète des pauvres. C’est un appel pressant à ne pas mal interpréter où il est déterminant de s’engager. La tentation de faire la «théorie de la miséricorde» est surmontée dans la mesure où celle-ci est notre vie quotidienne de participation et de partage. »
« Le caractère social de la miséricorde exige de ne pas rester inertes et de chasser l’indifférence et l’hypocrisie, afin que les plans et les projets ne demeurent pas lettre morte » dit le pape qui invite à la créativité en la matière : « Le moment est venu de donner libre cours à l’imagination de la miséricorde pour faire naître de nombreuses œuvres nouvelles, fruits de la grâce. »
C’est comme signe de cette révolution culturelle en marche que le pape institue uen Journée mondiale des pauvres.
Elle exagère, qu’ils exagèrent
La fécondité de la miséricorde fait qu’elle « exagère », se réjouit le pape: « Efforçons-nous donc de donner des formes concrètes à la charité, et en même temps intelligence aux œuvres de miséricorde. Cette dernière possède une action inclusive, c’est pourquoi elle tend à s’élargir comme une tache d’huile et ne connait pas de limite. En ce sens, nous sommes appelés à donner un visage nouveau aux œuvres de miséricorde que nous connaissons depuis toujours. De fait, la miséricorde exagère; elle va toujours plus loin, elle est féconde. »
Et, au moment où la liturgie de l’Avent va faire entendre l’invitation du prophète Isaïe « Consolez, consolez mon peuple », le pape François insiste sur cette oeuvre de la miséricorde consolatrice confiée spécialement aux prêtres et aux confesseurs dont la prédication « sera d’autant plus féconde que le prêtre aura fait l’expérience en lui-même de la bonté miséricordieuse du Seigneur ». Il leur indique cette voie « royale » : « Vivre la miséricorde est donc la voie royale pour en faire une véritable annonce de consolation et de conversion dans la vie pastorale. » Une invitation en quelque sorte à ce que les prêtres imitent dans la pastorale Dieu lui-même dont la miséricorde « exagère ».

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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