« Entrer plus profondément dans le mystère de Jésus, pour saisir sa bonté et sa miséricorde », c’est ce que le pape François propose dans la catéchèse qu’il a donnée en italien lors de l’audience générale de ce mercredi 7 septembre 2016, place Saint-Pierre.
Le pape a invité à lever les éventuels obstacles à la réception de cette miséricorde: « Nous, chrétiens, nous croyons dans le Dieu de Jésus-Christ et notre désir est de grandir dans l’expérience vivante de son mystère d’amour. Engageons-nous donc à n’opposer aucun obstacle à l’action miséricordieuse du Père, mais demandons le don d’une foi grande pour devenir nous aussi signes et instruments de miséricorde. »
Voici notre traduction complète de la catéchèse du pape François sur la miséricorde.
AB
C’est la miséricorde qui sauve (cf. Mt 11,2-6)
Chers frères et sœurs, bonjour !
Nous avons écouté un passage de l’Évangile de Matthieu (11,2-6). L’intention de l’évangéliste est de nous faire entrer plus profondément dans le mystère de Jésus, pour saisir sa bonté et sa miséricorde. L’épisode est le suivant : Jean-Baptiste envoie ses disciples à Jésus – Jean était en prison – pour lui poser une question très claire : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » (v.3). C’était vraiment un moment d’obscurité… Jean Baptiste attendait avec anxiété le Messie et, dans sa prédication, il en avait tracé un portrait vigoureux, comme un juge qui allait enfin instaurer le Royaume de Dieu et purifier son peuple, récompensant les bons et châtiant les mauvais. Il prêchait ainsi : « Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu » (Mt 3,10). Maintenant que Jésus a commencé sa mission publique avec un style différent, Jean souffre parce qu’il se trouve dans une double obscurité : dans l’obscurité de la prison et d’une cellule, et dans l’obscurité du cœur. Il ne comprend pas ce style de Jésus et veut savoir si c’est vraiment lui le Messie ou s’il doit en attendre un autre.
Et la réponse de Jésus semble, à première vue, ne pas correspondre à la demande de Jean-Baptiste. Jésus, en effet, dit « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! » (vv. 4-6). Là, l’intention du Seigneur Jésus devient claire : il répond qu’il est l’instrument concret de la miséricorde du Père, qu’il va vers tous, apportant la consolation et le salut et qu’il manifeste ainsi le jugement de Dieu. Les aveugles, les boiteux, les lépreux, les sourds retrouvent leur dignité et ne sont plus exclus par leur maladie, les morts reviennent à la vie tandis que la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Et cela devient la synthèse de l’agir de Jésus qui rend ainsi visible et tangible l’action même de Dieu.
Le message que l’Église reçoit de ce récit de la vie du Christ, est très clair. Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour punir les pécheurs ni pour anéantir les méchants. C’est à eux au contraire qu’est adressée l’invitation à la conversion afin que, voyant les signes de la bonté divine, ils puissent retrouver le chemin du retour. Comme le dit le psaume : « Si tu retiens les fautes, Seigneur Seigneur, qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne. » (130,3-4).
La justice, que Jean-Baptiste mettait au centre de sa prédication, se manifeste en Jésus en premier lieu comme la miséricorde. Et les doutes du Précurseur ne font qu’anticiper la perplexité que Jésus suscitera par la suite par ses actions et ses paroles. On comprend alors la conclusion de la réponse de Jésus qui dit : « Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute (ou de scandale, ndlt) » (v.6) Scandale signifie ‘obstacle’. Jésus avertit d’un danger particulier : si l’obstacle à croire se trouve surtout dans ses actions de miséricorde, cela signifie qu’on a une fausse idée du Messie. Heureux en revanche ceux qui, devant les gestes et les paroles de Jésus, rendent gloire au Père qui est dans les cieux.
L’avertissement de Jésus est toujours actuel : aujourd’hui encore, l’homme construit des images de Dieu qui l’empêchent de goûter sa présence réelle. Certains se taillent une foi « bricolée » qui réduit Dieu dans l’espace limité de leurs désirs et de leurs convictions. Mais cette foi n’est pas une conversion au Seigneur qui se révèle ; au contraire, elle l’empêche de provoquer notre vie et notre conscience. D’autres réduisent Dieu à une fausse idole : ils utilisent son saint nom pour justifier leurs intérêts ou carrément la haine et la violence. Pour d’autres encore, Dieu n’est qu’un refuge psychologique où être rassuré dans les moments difficiles ; il s’agit d’une foi repliée sur elle, imperméable à la force de l’amour miséricordieux de Jésus qui pousse vers les frères. D’autres encore considèrent le Christ simplement comme un bon maître d’enseignements éthiques, un parmi tant d’autres dans l’histoire. Enfin, il y en a qui étouffent la foi dans un rapport purement intimiste avec Jésus, supprimant son impulsion missionnaire capable de transformer le monde et l’histoire. Nous, chrétiens, nous croyons dans le Dieu de Jésus-Christ et notre désir est de grandir dans l’expérience vivante de son mystère d’amour.
Engageons-nous donc à n’opposer aucun obstacle à l’action miséricordieuse du Père, mais demandons le don d’une foi grande pour devenir nous aussi signes et instruments de miséricorde.
© Traduction de Zenit, Constance Roques
Audience du 7 septembre 2016 © L'Osservatore Romano
Entrer profondément dans le mystère de Jésus, de sa bonté (traduction complète)
« Engageons-nous donc à n’opposer aucun obstacle à l’action miséricordieuse du Père »