Le Saint-Siège renouvelle son appel à « œuvrer pour un monde sans armes nucléaires » et il encourage les États à ratifier le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.
C’est le coeur de la déclaration Mgr Janusz S. Urbanczyk, représentant permanent du Saint-Siège auprès de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (CTBTO), faite à Vienne, le 13 juin. Il a participé à la commémoration du vingtième anniversaire du Traité.
« Afin de répondre adéquatement aux défis du XXIe siècle, il est essentiel de remplacer la peur et la méfiance par une éthique de la responsabilité », a déclaré Mgr Janusz S. Urbanczyk.
Tout en félicitant les États qui ont décidé de ratifier le traité, le Saint-Siège « souhaite réitérer son appel aux autres États dont la ratification est nécessaire pour que le traité entre en vigueur , a souligné Mgr Urbanczyk: le temps est venu de faire preuve d’une direction courageuse et d’un sens élevé de la responsabilité politique au service du bien commun ».
Le Traité « est l’une des pierres angulaires de l’architecture juridique soigneusement mise en place pour contrôler la menace mondiale posée par les armes nucléaires », a ajouté le représentant permanent du Saint-Siège.
Voici notre traduction de l’intervention du représentant du Saint-Siège.
Marina Droujinina
Déclaration de Mgr Janusz S. Urbanczyk
Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire exécutif, Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous transmettre les salutations de Sa Sainteté le pape François qui, en s’adressant à l’Assemblée générale des Nations Unies, le 25 septembre 2015, a exhorté la communauté internationale à « œuvrer pour un monde sans armes nucléaires, en appliquant pleinement l’esprit et la lettre du Traité de non-prolifération, en vue d’une prohibition totale de ces instruments ». Le pape François a ajouté : « Une éthique et un droit fondés sur la menace de destruction mutuelle – et probablement de toute l’humanité – sont contradictoires et constituent une manipulation de toute la construction des Nations Unies, qui finiraient par être des ‘nations unies par la peur et la méfiance’ ».
Afin de répondre adéquatement aux défis du XXIe siècle, il est essentiel de remplacer la peur et la méfiance par une éthique de la responsabilité, favorisant ainsi un climat de confiance qui valorise le dialogue multilatéral grâce à une coopération cohérente et responsable entre tous les membres de la communauté internationale. Les normes énoncées dans la Charte des Nations Unies, le droit humanitaire, les conventions de contrôle des armements, et d’autres éléments du droit international représentent un mode de réalisation juridique indispensable de cette éthique globale de la responsabilité.
Le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires est l’une des pierres angulaires de l’architecture juridique soigneusement mise en place pour contrôler la menace mondiale posée par les armes nucléaires et pour passer progressivement et de toute urgence vers un monde exempt de telles armes. Le Saint-Siège est très heureux de participer à cette commémoration du vingtième anniversaire de l’ouverture du traité à la signature.
Comme le précise le préambule du traité, en freinant le développement et l’amélioration des armes nucléaires, l’interdiction des essais « constitue une mesure efficace de désarmement et de non-prolifération nucléaire dans tous ses aspects …. [Et] une étape significative dans la réalisation d’un processus systématique pour parvenir à un désarmement nucléaire. » Quand le Saint-Siège a ratifié le TICE le 18 juillet 2001, il a réitéré son point de vue de longue date selon lequel l’interdiction des essais nucléaires (cf. TICE, art.1) et du développement d’armes nucléaires, le désarmement et la non-prolifération « sont étroitement liés et doivent être réalisés aussi rapidement que possible sous un contrôle international efficace. » Plus précisément, l’entrée en vigueur du TICE est un complément essentiel aux efforts pour imposer et renforcer le traité de non-prolifération (TNP), ainsi que la mise en œuvre du régime de vérification du TICE. Il ne faut pas oublier que le TICE est un instrument important pour protéger l’environnement de l’utilisation irresponsable de notre progrès technologique et scientifique sans précédent. (1)
Monsieur le Président,
malheureusement, contrairement aux buts du TICE, les États qui possèdent maintenant des armes nucléaires dépensent des sommes énormes sur les principaux nouveaux programmes de modernisation qui risquent de porter atteinte aux mesures de non-prolifération et de désarmement, ainsi qu’à la sécurité et la stabilité internationales. La logique de la peur, de la domination et du propre intérêt qui anime ces efforts de modernisation nous ramène aux jours sombres de la guerre froide.
En outre, comme l’a dit le pape François dans son message à la Conférence de Vienne, le 7 décembre 2014 : « Les dépenses sur les armes nucléaires dilapident la richesse des nations. Hiérarchiser ces dépenses est une erreur et une mauvaise répartition des ressources qui seraient mieux investies dans les domaines du développement humain intégral, de l’éducation, de la santé et de la lutte contre l’extrême pauvreté. » Des milliards sont gaspillés chaque année pour produire et développer des armes nucléaires nouvelles ou améliorées. Comment ces dépenses sont-elles compatibles avec les objectifs du TICE et du TNP, et avec les buts de non-prolifération nucléaire et de désarmement nucléaire?
Aujourd’hui, tout en félicitant les États qui ont décidé de ratifier le traité, ma délégation souhaite réitérer son appel aux autres États dont la ratification est nécessaire pour que le traité entre en vigueur, le temps est venu de faire preuve d’une direction courageuse et d’un sens élevé de la responsabilité politique au service du bien commun et de la promotion d’une véritable culture de la paix.
Deux décennies représentent une trop longue attente pour la mise en œuvre de ce traité d’une importance capitale. Prendre les mesures urgentes et nécessaires à l’entrée en vigueur du TICE serait l’un des meilleurs moyens de renforcer le régime de non-prolifération nucléaire et de créer les conditions pour un progrès beaucoup plus spectaculaire vers le désarmement nucléaire. L’entrée en vigueur du présent Traité mettra en place une pièce essentielle d’une structure globale pour soutenir un monde exempt d’armes nucléaires et garantir une coopération en matière de sécurité fondée sur une éthique de la responsabilité. Nous ne pouvons pas simplement mettre de côté cette entreprise à cause du temps qui passe.
Au contraire, la stabilité du régime de non-prolifération mondiale – même sans l’adhésion universelle à ce traité – peut être mise en danger si nous ne pouvons pas honorer nos engagements ni établir une matrice toujours plus large et profonde d’accords juridiquement contraignants qui réduisent les tensions entre les États et soutiennent des façons d’interagir au niveau international en matière de sécurité et de paix. Le TICE est par excellence un de ces accords.
En conclusion, je voudrais réitérer l’importance que le Saint-Siège donne à l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, et vous assurer, Monsieur le Président, ainsi que la communauté internationale, du « soutien moral total du Saint-Siège à l’acte solennel de ratification en tant qu’aspect indispensable de la réalisation concrète d’une culture de la vie, de la paix et de la prospérité qui peuvent assurer un avenir meilleur ». (2)
Je vous remercie, Monsieur le Président.
NOTES
- Cf. pape François, Lettre encyclique Laudato si’ sur le soin de notre maison commune, no. 104.
- Intervention de Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les Relations avec les États, Conférence IX en vue de faciliter l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, New York, 29 septembre 2015
© Traduction de Zenit, Constance Roques