« L’Offrande à l’Amour Miséricordieux, comme centre de la vie et de la doctrine de sainte Thérèse de Lisieux »: c’est le titre de cette conférence du P. François-Marie Léthel, ocd, que nous publierons en sept épisodes, avec l’aimable autorisation de l’auteur.
« Déclarée Docteur de l’Eglise par le saint Pape Jean-Paul II, la petite Thérèse est le grand Docteur de la Miséricorde pour tout le Peuple de Dieu, et son Offrande à l’Amour Miséricordieux est à la fois le centre et le point culminant de son enseignement », écrit d’emblée le P. Léthel.
L’auteur souhaite « faire comprendre l’importance de cette offrande à l’Amour Miséricordieux, qu’il convient de faire personnellement, pour vivre dans la plus grande profondeur la grâce de cette année sainte de la Miséricorde ».
Ici il fait observer que l’Acte d’Offrande à l’Amour miséricordieux « est la plus belle expression du christocentrisme trinitaire de Thérèse ».
Nous avons publié le premier volet mardi 26 avril 2016, le deuxième volet mercredi, 27 avril, le 3e le jeudi 28 et le 4e, vendredi 29 avril, le 5e, hier, lundi 3 mai. Voici donc le 6e volet consacré à l’offrande de sainte Thérèse à l’Amour miséricordieux. Le 7e et dernier volet sera publié demain, mercredi, 4 mai.
II/ « Se jeter dans vos bras et accepter votre Amour Infini… »:
L’Amour comme don total de soi-même à l’Amour Miséricordieux de Jésus dans la Trinité
a/ Le récit de l’Offrande (Conclusion du Manuscrit A) [30 avril]
b/ L’Acte d’Offrande
Dans son récit, Thérèse vient de nous donner la clef de lecture de son Acte d’Offrande à l’Amour Miséricordieux, de cette admirable prière de Consécration à la Miséricorde Infinie qu’elle offre à tout le Peuple de Dieu. Il convient de la citer intégralement pour ne pas en briser l’unité et la dynamique. Les numéros ont été ajoutés pour faciliter le commentaire:
Offrande de moi-même
comme Victime d’Holocauste
à l’Amour Miséricordieux du Bon Dieu
(1) O mon Dieu ! Trinité Bienheureuse, je désire vous Aimer et vous faire Aimer, travailler à la glorification de la Sainte Eglise en sauvant les âmes qui sont sur la terre et en délivrant celles qui souffrent dans le purgatoire. Je désire accomplir parfaitement votre volonté et arriver au degré de gloire que vous m’avez préparé dans votre royaume, en un mot, je désire être Sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu d’être vous-même ma Sainteté.
(2) Puisque vous m’avez aimée jusqu’à me donner votre Fils unique pour être mon Sauveur et mon Epoux, les trésors infinis de ses mérites sont à moi, je vous les offre avec bonheur, vous suppliant de ne me regarder qu’à travers la Face de Jésus et dans son Coeur brûlant d’Amour.
(3) Je vous offre encore tous les mérites des Saints (qui sont au Ciel et sur la terre) leurs actes d’Amour et ceux des Saints Anges ; enfin je vous offre, ô Bienheureuse Trinité ! L’Amour et les mérites de la Sainte Vierge, ma Mère chérie, c’est à elle que j’abandonne mon offrande la priant de vous la présenter. Son Divin Fils, mon Epoux Bien-Aimé, aux jours de sa vie mortelle, nous a dit : « Tout ce que vous demanderez à mon Père, en mon nom, il vous le donnera ! » Je suis donc certaine que vous exaucerez mes désirs ; je le sais, ô mon Dieu ! plus vous voulez donner, plus vous faites désirer. Je sens en mon coeur des désirs immenses[1] et c’est avec confiance que je vous demande de venir prendre possession de mon âme. Ah ! je ne puis recevoir la Sainte Communion aussi souvent que je le désire, mais, Seigneur, n’êtes-vous pas Tout-Puissant ?… Restez en moi, comme au tabernacle, ne vous éloignez jamais de votre petite hostie.
(4) Je voudrais vous consoler de l’ingratitude des méchants et je vous supplie de m’ôter la liberté de vous déplaire, si par faiblesse je tombe quelquefois qu’aussitôt votre Divin Regard purifie mon âme consumant toutes mes imperfections, comme le feu qui transforme toute chose en lui-même……
(5) Je vous remercie, ô mon Dieu ! de toutes les grâces que vous m’avez accordées, en particulier de m’avoir fait passer par le creuset de la souffrance. C’est avec joie que je vous contemplerai au dernier jour portant le sceptre de la Croix ; puisque vous avez daigné me donner en partage cette Croix si précieuse, j’espère au Ciel vous ressembler et voir briller sur mon corps glorifié les sacrés stigmates de votre Passion…
(6) Après l’exil de la terre, j’espère aller jouir de vous dans la Patrie, mais je ne veux pas amasser de mérites pour le Ciel, je veux travailler pour votre seul Amour, dans l’unique but de vous faire plaisir, de consoler votre Coeur Sacré et de sauver des âmes qui vous aimeront éternellement.
(7) Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes oeuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même. Je ne veux point d’autre Trône et d’autre Couronne que Vous, ô mon Bien-Aimé !
(8) A vos yeux le temps n’est rien, un seul jour est comme mille ans, vous pouvez donc en un instant me préparer à paraître devant vous…
(9) Afin de vivre dans un acte de parfait Amour, je m’offre comme victime d’holocauste à votre Amour miséricordieux, vous suppliant de me consumer sans cesse, laissant déborder en mon âme les flots de tendresse infinie qui sont renfermés en vous et qu’ainsi je devienne Martyre de votre Amour, ô mon Dieu!
(10) Que ce martyre après m’avoir préparée à paraître devant vous me fasse enfin mourir et que mon âme s’élance sans retard dans l’éternel embrassement de Votre Miséricordieux Amour.
(11) Je veux, ô mon Bien-Aimé, à chaque battement de mon coeur vous renouveler cette offrande un nombre infini de fois, jusqu’à ce que les ombres s’étant évanouies je puisse vous redire mon Amour dans un Face à Face Eternel !
Du point de vue théologique et spirituel, cette prière est d’une richesse inépuisable. Elle synthétise tout ce que nous avons vu précédemment, et nous n’en donnerons qu’un très bref commentaire. Il faut surtout la prier souvent, et si possible renouveler tous les jours au moment de la Communion les paroles essentielles de l’Offrande (9) indiquées en italique.
Cet Acte d’Offrande est la plus belle expression du christocentrisme trinitaire de Thérèse. Après l’invocation initiale à toute la Trinité (1), notre Sainte s’adresse successivement au Père qui a donné son Fils Unique (2), à Jésus dans les Mystères de l’Eucharistie, de sa Passion, de sa Face et de son Coeur (3-8), à l’Esprit-Saint comme « feu de l’Amour » et « flots d’infinies tendresse » (9). Elle s’offre tout entière par les mains de Marie à qui « elle abandonne son offrande » (3). Elle se donne tout entière comme « holocauste » au Feu de l’Esprit-Saint et dans ce Feu, elle se donne à Jésus dans l‘Eglise son Epouse. Par Jésus elle se donne au Père comme Enfant dans le Fils Unique. Elle se donne au Père, par Jésus dans l’Esprit-Saint: offrande baptismale, offrande trinitaire dont le centre est toujours Jésus. Cette prière est une magnifique illustration du symbole baptismal, de notre Credo où Jésus est contemplé au centre de la Trinité entre le Père et l’Esprit-Saint.
On remarque dès le début (1) l’expression des deux plus grands désirs de Thérèse: Sauver les âmes qui sont sur la terre (c’est-à-dire toutes les âmes) et être Sainte, les deux désirs inséparables qui sont l’objet de son espérance.
Thérèse appelle Jésus: « Mon Epoux » (2 et 3) et « mon Bien-Aimé » (7 et 11). Cette réalité de l’Amour sponsal du Christ est fondamentale chez elle, exprimée surtout dans la perspective de la vie consacrée, comme par exemple dans sa Prière au jour de la Profession, publiée dans l’Histoire d’une âme juste avant cet Acte d’Offrande. Or, ici, dans l’Acte d’Offrande, la perspective de l’amour sponsal est plus profonde et plus large; elle concerne tous les baptisés, hommes ou femmes, mariés ou consacrés. Toute âme est réellement rachetée et épousée par Jésus dans la grâce du baptême, et toute âme est appelée vivre pleinement cette grâce jusqu’au « mariage spirituel » de la sainteté (cf. St Jean de la Croix, Cantique B, str 23).
La brève référence à Marie dans l’offrande de Thérèse est en réalité essentielle, et pour en comprendre l’importance, il convient de se référer à la Consécration de saint Louis-Marie de Montfort. Marie est nommée dans notre Credo, au coeur du Mystère de l’Incarnation. C’est par Elle et en Elle que le Père nous a donné son Fils Unique par l’action de l’Esprit-Saint. Saint Louis-Marie met en lumière cette place unique de Marie dans le mouvement descendant de l’Incarnation et dans le mouvement ascendant de notre divinisation. De façon plus explicite que Thérèse, il situe sa Consécration dans la perspective baptismale, et comme elle, il se réfère à l’Eucharistie. Sa symbolique de l’esclavage d’amour correspond exactement à celle de l’holocauste à l’amour. Ces deux fortes expressions bibliques se réfèrent également au Sacrifice de la Croix, de Celui qui « a pris la condition d’esclave pour notre amour » (cf. Phil 2, 7-8, repris dans le Traité de la Vraie Dévotion, n. 72)[2].
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NOTES
[1] Thérèse avait d’abord écrit « infinis », mais ce mot a été malheureusement censuré par un « théologien » consulté par la Prieure, alors qu’il était parfaitement juste (dans la lumière de Ste Catherine et de St Thomas).
[2] Dans sa très belle Lettre aux Familles Montfortaines du 8 décembre 2003, saint Jean-Paul II explique très clairement ce symbole de l’esclavage d’amour. Malheureusement, le manuscrit autographe du Traité est incomplet, et il manque la formule de Consécration qui devait se trouver à la fin. A sa place, on publie toujours la formule de Consécration que saint Louis-Marie avait placé à la fin de son premier grand traité: l’Amour de la Sagesse Eternelle (n. 223-227). On peut lui préférer la grande prière de renouvellement de la Consécration dans le Secret de Marie (n. 66-69) adressée successivement à Jésus, à l’Esprit-Saint et à Marie. Mais la meilleure expression est sans doute la formule très brève, continuellement recopiée par Karol Wojtyla, depuis l’âge de 20 ans jusqu’à sa mort, et qui se trouve vers la fin du Traité, comme préparation à la sainte Communion: « Totus tuus ego sum et omnia mea tua sunt. Accipio Te in mea omnia. Praebe mihi cor tuum, Maria – Je suis tout à toi et tout ce qui est à moi est à toi. Je te prends pour tout mon bien. Donne-moi ton cœur, O Marie » (Traité de la vraie dévotion à Marie, n. 266).
Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face @Carmel de Lisieux
Thérèse, Docteur de la Miséricorde Infinie (6/7)
L’Acte d’offrande à l’Amour miséricordieux