“C’était à pleurer”, confie le pape François aux journalistes admis sur le vol papal, et alors que trois familles de réfugiés ont pu quitter Lesbos avec le pape sur un Airbus A320 de l’Alitalia. Il décrit des dessins d’enfants réfugiés où un enfant se noie et où le soleil pleure. Il invite à arrêter le trafic des armes, mais aussi à mettre en place « des politiques d’accueil, d’intégration, de travail, de croissance, de réforme de l’économie” de façon à construire des “ponts” et non des “murs” en Europe.
Le pape François a tenu sa traditionnelle conférence de presse sur l’avion du retour de Lesbos à Rome, ce samedi après-midi, 16 avril.
Le pape a rappelé que le critère de choix des familles réfugiées accueillies au Vatican a été qu’elles avaient leurs papiers en ordre et pouvaient partie : pas de critère religieux.
Il a aussi averti de ne faire “aucune spéculation politique” sur ce voyage humanitaire.
Une éducation à l’intégration
Il a fait observer, à une question sur “l’intégration” que c’était une expression “oubliée” dans la “culture” actuelle: aujourd’hui, il y a des “ghettos”… et “certains des terroristes sont “des enfants et des petits enfants nés en Europe”. “Qu’est-ce qui s’est passé?” a demandé le pape avant de répondre: “Il n’y a pas eu de politique d’intégration, et cela est fondamental. Aujourd’hui, l’Europe doit reprendre cette capacité qu’elle a toujours eue d’intégrer. Nous avons besoin d’une éducation à l’intégration.”
Fermer les frontières ne résout rien
A propos du renforcement des frontières en Europe, comme “fin du rêve européen”, le pape a répondu: “Je ne sais pas. Mais je comprends quel es gouvernements et aussi les peuples qui ont une certaine peur. Nous devons avoir une grande responsabilité dans l’accueil et une des choses dont on doit assumer la responsabilité c’est d’intégrer ces gens au milieu de nous. J’ai toujours dit que construire des murs n’est pas une solution. Nous devons faire des ponts. Mais les ponts se construisent avec intelligence, par le dialogue et l’intégration. Je comprends une certaine peur. Mais fermer les frontières ne résout rien, parce que cette fermeture, à la longue, fait du mal à son propre peuple. L’Europe doit d’urgence de faire des politiques d’accueil, d’intégration, de travail, de croissance, de réforme de l’économie, et toutes ces choses qui sont des ponts qui nous conduiront à ne pas faire de murs.”
Arrêter le trafic des armes
Le pape a confié: “Mais après ce que nous avons vu dans ce camp de réfugiés, c’était à pleurer. » Le pape a montré et commenté les dessins des enfants réfugiés de Lesbos : « les enfants veulent la paix, parce qu’ils souffrent ». Et il a montré un dessin où l’on voit un enfant qui se noie : « Cela, a-t-il dit, les enfants l’ont dans le cœur et il faudra du temps pour élaborer cela. Sur un dessin, il y a le soleil qui pleure : le soleil aussi est capable de pleurer… et à nous aussi une larme nous fera du bien. »
“L’Europe peut-elle accueillir toute la misère du monde?”, a demandé un journaliste. “C’est vrai, a répondu le pape, que certains fuient les guerres et que d’autres fuient la faim. Et cela parce qu’on exploite la terre et parce qu’on vend des armes. J’inviterais les trafiquants d’armes à passer une journée dans ce camp et je crois que pour eux ce serait salutaire. En Syrie, par exemple : qui donne les armes aux différents groupes ? »
La mer en sera changée
Et à une question sur la valeur de ce voyage, le pape a répondu par une phrase de Mère Teresa de Calcutta à qui on disait: tant d’efforts, tant de travail, seulement pour aider les gens à mourir? ‘Une goutte dans la mer. Mais après cette goutte, la mer ne sera plus la même.’ « Il s’agit d’un petit geste, mais ce sont ces petits gestes que nous devrions tous faire pour tendre la main à ces gens. »
Pour ce qui concerne l’austérité, le pape a évoqué « le gâchis » : « Avec un repas, on pourrait apaiser la faim. Et chez nous, combien de gâchis sans le vouloir ! C’est la culture du gâchis. Vivons avec un peu d’austérité ! »
A propos des migrants latino-américains, le pape a souligné qu’il s’agissait d’une solution analogue : “Ils fuient la faim. C’est un problème mondial” dont le pape a parlé aux évêques mexicains, en leur demandant de prendre soin des réfugiés.
Le vrai problème à propos de la famille
Enfin, à propos de son exhortation apostolique post-synodale sur la famille, Amoris laetitia, et si la discipline de l’Eglise sur les personnes mariées sacramentellement de façon valide, puis divorcées et remariées civilement, le pape a répondu : “Je peux dire que oui, mais ce serait une réponse trop petite. Je vous recommande de lire la présentation qu’en a fait le cardinal Schönborn, qui est un grand théologien, c’est là que votre question aura une réponse.”
Puis le pape a fait observer que les media ont “donné trop d’importance à la question de la communion des divorcés-remariés” et que cela l’a attristé “parce que l’on ne se rend pas compte que le problème important n’est pas là, on ne se rend pas compte que dans le monde entier la famille est en crise, qu’elle est la base de la société. On ne se rend pas compte quel es jeunes ne veulent plus se marier, on ne s’aperçoit pas de baisse de la natalité en Europe – c’est à pleurer – on ne s’aperçoit pas du manque de travail, qui oblige les papas et les mamans à faire deux travaux, et les enfants grandissent tout seuls, et ils n’apprennent pas à grandir dans le dialogue avec leur papa et leur maman.”
En mémoire des naufragés noyés en Mer Egée, L'Osservatore Romano
Cinq heures à Lesbos: quand l’enfant se noie, même le soleil pleure
Conférence de presse dans l’avion du retour