Card. Christoph Schönborn O.P., ZENIT - HSM

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«Lisez d’abord les chapitres 4 et 5!», par le card. Schönborn

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La confiance du pape François dans le mariage et la famille

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Pour le cardinal Schönborn, le grand message du nouveau document c’est que le pape François exprime sa « confiance dans le mariage et la famille ». Et il invite pour cela à lire d’abord les chapitres 4 et 5, avant de pouvoir envisager les cas particuliers.
Le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, a présenté l’exhortation apostolique post-synodale du pape François sur la famille, Amoris laetitia, à la presse, ce vendredi 8 avril au Vatican.
Une confiance fondamentale
Le cardinal Schönborn a souligné que le grand message du texte c’est que le pape dit sa « confiance dans le mariage et la famille » et c’est « important pour la société d’aujourd’hui ». Il a encouragé les couples mariés à expliquer le texte et à témoigner.
Et il a invité à lire en premier les chapitres 4 et 5 comme centraux au document : il faut proposer la « croissance » et « l’approfondissement » de l’amour conjugal. Il faut « parler de l’amour familial », ce qui donne au pape une « grande joie » communiquée dans le document. Des chapitres « plus importants », a fait observer le cardinal, que les « patates chaudes » des situations délicates.
Le pape évoque, a-t-il expliqué, le « bonheur comme chemin de l’homme ». Et comment l’Eglise va affronter les blessures de l’amour humain pour accompagner pastoralement les situations complexes : le pape s’appuie amplement sur les deux synodes pour « accompagner » et « intégrer » les « fragilités ».
Discernement, conscience et responsabilité
Pour ce qui est des « questions délicates », le cardinal Schönborn a souligné que le pape « n’innove pas » dans ce document sur le point des divorcés remariés dans ce sens qu’il s’inscrit « dans la grande tradition prudentielle de l’Eglise » et de la « prudence » que tout prêtre, tout évêque « doit exercer ».
Il a cité le cardinal Joseph Höffner (1905-1987) qui disait : « Voyez avec votre confesseur ». Et d’expliquer : « Il y a la responsabilité de chacun, on ne peut jouer avec les sacrements… Le pape parle beaucoup de la conscience : comment êtes-vous devant Dieu avec votre conscience ? Vous ne pouvez pas jouer avec Dieu. »
Il cite aussi deux exemples proposés par saint Jean-Paul II : celui d’un « couple remarié » dont le premier mariage est « définitivement rompu » et qui sont « en conscience convaincus » qu’il n’était « pas valide ». Et un autre « qui a rompu un mariage valide par légèreté » : c’est « une autre situation morale devant Dieu, la communauté, leur conscience ».
Il a aussi insisté sur la « formation des consciences », pour comprendre le « discernement personnel » demandé par le pape François.
L’archevêque de Vienne a par ailleurs souligné que ce document est un exemple du « développement organique de la doctrine », alliant « innovation et continuité » : ce que le pape François « développe » était « implicite » dans Familiaris consortio de saint Jean-Paul II. Il invite à lire le discours du pape Benoît XVI sur « l’herméneutique de la continuité » (22 décembre 2005).
Il y a de vraies « nouveautés, mais pas de « ruptures », « comme n’est pas une rupture ce qu’a fait le pape Jean-Paul II de « considérer l’homme et la femme » ensemble comme « image de Dieu », pas de « rupture » mais « développement ». Il s’est référé au bienheureux cardinal Newman.
L’aide de l’Eglise
A propos de la situation des personnes mariées religieusement, puis divorcées et remariées, il a fait observer : « En ce qui concerne les divorcés remariés au civil, [le Pape] déclare : « J’accueille les considérations de beaucoup de Pères synodaux, qui ont voulu signaler que (…) la logique de l’intégration est la clef de leur accompagnement pastoral (…) ils ne doivent pas se sentir excommuniés, mais ils peuvent vivre et mûrir comme membres vivants de l’Église, la sentant comme une mère qui les accueille toujours… » (AL 299) »
La réponse du pape aux situations de rupture est, a-t-il précisé, au n. 300, avec cet appel au « discernement » et non à un changement canonique : « Si l’on tient compte de l’innombrable diversité des situations concrètes, comme celles mentionnées auparavant, on peut comprendre qu’on ne devait pas attendre du Synode ou de cette Exhortation une nouvelle législation générale du genre canonique, applicable à tous les cas. Il faut seulement un nouvel encouragement au discernement responsable personnel et pastoral des cas particuliers. »
Avec la “vérité “et la “charité” de l’Evangile, le document rejette, le “rigorisme”, a souligné l’archevêque. Et pour l’accès à la communion eucharistique des divorcés remariés, il a redit, qu’il n’y a pas, « comme le disait Benoît XVI », de « recettes simples ». Le pape François s’inscrit dans la ligne de Jean-Paul II dans Familiaris consortio: le “discernement” est nécessaire pour trouver les “voies possibles”.
Le cardinal Schönborn a proposé cette autre clef de lecture du document : « l’expérience des pauvres ». Et il s’en est expliqué : « Dans la vie des familles pauvres, on fait l’expérience de cela : les petits pas sur le chemin de la vertu plus grands que le succès vertueux de qui vit dans des situations confortables. C’est l’expérience de vie du pape François et pour nous un appel à la conversion. »
Au n. 305 l’exhortation dit : « À cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église. »
Et la note 351 précise sur cette expression « aide de l’Eglise » : « Dans certains cas, il peut s’agir aussi de l’aide des sacrements. Voilà pourquoi, « aux prêtres je rappelle que le confessionnal ne doit pas être une salle de torture mais un lieu de la miséricorde du Seigneur » : Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 44 : AAS 105 (2013), p. 1038. Je souligne également que l’Eucharistie « n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles » (Ibid., n. 47 : p. 1039). » bL’archevêque de Vienne a attiré l’attention sur la notion d’« imputabilité »: conscience et responsabilité.
Le cardinal viennois s’est dit frappé par le fait que « tous lisent cette note ». Pourquoi le document s’exprime-t-il sur ce sujet dans une note ? Il a répondu : « Le pape veut donner une vision d’ensemble et ne pas se fixer sur un point important, mais particulier : une réflexion sur un point particulier ne peut pas ‘tomber du ciel’. »
Un événement linguistique, pas seulement
Il a souligné la nouveauté du « changement de ton » de l’Eglise catholique : « Pour moi, Amoris laetitia est avant tout un ‘événement linguistique’, comme l’avait été Evangelii gaudium. Quelque chose a changé dans le discours ecclésial. Ce changement de langage était déjà perceptible lors du chemin synodal. Entre les deux sessions synodales d’octobre 2014 et d’octobre 2015, on peut reconnaître clairement combien le ton est devenu plus riche d’estime, ou combien on a accueilli simplement les différentes situations de vie, sans les juger ou les condamner immédiatement. Amoris Laetitia offre une continuité à cette tonalité linguistique. »
Il a ajouté immédiatement : « Evidemment, il ne s’agit pas que d’une option linguistique, mais d’un profond respect face à tout homme qui n’est jamais, en premier lieu, ‘un cas problématique’ dans une ‘catégorie’, mais une personne unique, avec son histoire et son parcours avec et vers Dieu. Dans Evangelii gaudium, le Pape François disait que nous devrions enlever nos chaussures devant le terrain sacré de l’autre (EG 36). Ce comportement fondamental traverse toute l’Exhortation. Et c’est aussi la raison d’être plus profonde de deux autres mots clés : discerner et accompagner. Ces paroles ne sont pas valables seulement pour les ‘soi-disant situations irrégulières’ (le Pape François souligne ce ‘soi-disant’), mais elles sont valables pour tous les hommes, pour tous les mariages et pour toutes les familles. En effet, tous sont en en chemin, et tous ont besoin de ‘discernement’ et d’ ‘accompagnement’. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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