Amoris laetitia, ZENIT - HSM

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La «joie de l’amour» et l’épreuve des tempêtes, en neuf chapitres

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La famille, pour progresser dans l’amour, exhortation du pape François

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C’est à la lumière de l’amour et même de la « joie de l’amour » que le pape François a choisi de parler de la famille dans le monde d’aujourd’hui et c’est cela qui donne le ton du document publié ce vendredi 8 avril : Amoris laetitia.
C’est cette vocation à la joie et à l’amour qui est réaffirmée et proposée comme fil conducteur de l’accompagnement pastoral, pour une croissance dans l’amour, même à travers les tempêtes, en cultivant ce que le pape appelle « la logique de la miséricorde pastorale ». Le pape lit la réalité de la famille aujourd’hui et sa vocation-mission à la « lumière de Pâques » : dans le Christ, il n’y a pas de vendredis saints qui ne conduisent à la joie de Pâques. Le document du pape François ouvre toutes les situations, même la mort, à l’espérance.
Il indique sa façon de regarder le mariage chrétien : « Je voudrais contempler le Christ vivant présent dans tant d’histoires d’amour, et invoquer le feu de l’Esprit sur toutes les familles du monde » (n. 59).
Et que cet amour est appelé à grandir : « Le don de l’amour divin qui se répand sur les époux est en même temps un appel à un développement constant de ce bienfait de la grâce » (n. 134).
La clef du document est certainement le temps : temps pour la préparation au mariage, temps pour mûrir, temps ensemble, temps pour grandir, temps pour guérir, temps pour se réconcilier, temps pour Dieu. Sous le signe de l’Année de la miséricorde pour « intégrer tous ».
La beauté de la famille
Amoris laetitia est une exhortation apostolique « post-synodale » parce qu’elle noue la gerbe de deux synodes – d’octobre 2014 et octobre 2015, l’un « extraordinaire », l’autre « ordinaire » –, mais aussi d’une consultation du peuple de Dieu, et d’un « inter-synode » d’un an, marqué notamment par les catéchèses du mercredi sur la famille.
C’est dire s’il y avait matière : le document se déploie en plus de 250 pages, et 325 « numéros » répartis en neuf chapitres. Le pape François lui-même explique le plan de son document au paragraphe 6.
Le pape part, comme le souhaitaient les pères du synode, de la beauté du projet divin sur la famille à la lumière de la bible (ch. 1 – A la lumière de la Parole), confronté à la réalité (ch. 2 – La réalité et les défis de la famille), et à la vocation de la famille chrétienne (ch. 3 – Le regard posé sur Jésus : la vocation de la famille) : « ce bref chapitre recueille une synthèse de l’enseignement de l’Église sur le mariage et la famille », explique le pape.
Puis il se concentre sur « L’amour dans le mariage » qui est un amour de charité destiné à grandir (ch . 4) : « Nous ne pourrions pas encourager un chemin de fidélité et de don réciproque si nous ne stimulions pas la croissance, la consolidation et l’approfondissement de l’amour conjugal et familial » (n. 89). Il commente l’hymne de saint Paul sur l’amour – un vrai petit traité de l’amour chrétien –, avec ses implications d’ « amabilité », de « courtoisie », de « bénédiction », de « pardon », y compris à soi-même, de « dialogue » et d’ « écoute », de « souplesse », de « gestes de prévenance », « d’érotisme le plus sain » et de « tendresse » : « C’est une affection plus profonde, avec la décision du cœur qui engage toute l’existence ».
Un amour qui « devient fécond » (ch. 5) : « Le don d’un nouvel enfant que le Seigneur confie à un papa et à une maman commence par l’accueil, continue par la protection tout au long de la vie terrestre et a pour destination finale la joie de la vie éternelle » (n. 166) et « tout enfant est dans le cœur de Dieu, depuis toujours, et au moment où il est conçu, se réalise l’éternel rêve du Créateur»  (n. 168). Le pape s’adresse à la femme enceinte : un passage à lire (n. 171).
Il affirme le droit de l’enfant à un papa et une maman, (n. 172). Et il affronte la question de se sentir “orphelin” (n. 173). Et il indique les limites du “féminisme” quand il nie la maternité (n. 173).
Il affirme la complémentarité de la figure maternelle et paternelle (n. 184). Il évoque l’adoption (n. 179). Il lance un avertissement “aux familles qui demeurent indifférentes à la souffrance des familles pauvres” (n. 186), invitant les familles à “s’ouvrir”, dans la logique de l’eucharistie, avec un passage important sur les grands-parents et sur la relation entre frères, car “la famille introduit la fraternité dans le monde !” (n. 194).
La logique de la « miséricorde pastorale »
Pour accompagner la famille et soutenir cette mission, le pape souligne les points clefs de la pastorale (ch.6) : accompagner les fiancés dans une « initiation au mariage » (n. 207) et à la connaissance mutuelle (n. 210), dans une « pastorale du lien (n. 211), éclairant le « sens du consentement » (n. 214), conduisant à la « prière ensemble » (n. 216) les premières années de mariage, pour surmonter les « fragilités » et « compléter » les fiançailles, « éclairer les crises » notamment en aidant à « communiquer », accompagner aussi quand il y a eu « rupture », ou que les situations sont « complexes », mais aussi affronter la mort. Une vision toujours dynamique, sous le signe de la « maturation », du « réalisme » et de l’espérance : le pape met en garde contre « l’eau stagnante » (n. 219) et recommande la « négociation » : « À chaque nouvelle étape de la vie matrimoniale, il faut s’asseoir pour renégocier les accords, de manière qu’il n’y ait ni vainqueurs ni perdants mais que les deux gagnent” (n. 220). Il invite à se donner du temps (n. 224) et à entretenir “une série de rites quotidiens partagés” (n. 226) comme le baiser du matin ou la bénédiction du soir, les fêtes, la prière familiale.
Avec une grande modestie : « Notre devoir est de coopérer pour les semailles : le reste, c’est l’œuvre de Dieu » (n. 200), et avec une “conversion missionnaire” (n. 201). Et pas sans le “pardon” dans le couple ni une “sereine humilité” (n. 236), ou même un “processus de libération” de sa propre histoire (n. 240).
Une séparation peut devenir “inévitable” mais on ne peut l’envisager que « comme un remède extrême après que l’on [a] vainement tenté tout ce qui était raisonnablement possible pour l’éviter” (n. 241, p. 183). Mais elle n’est pas le dernier mot du chemin : l’accompagnement pastoral est nécessaire pour surmonter l’échec (n. 242, p. 184). Et “Il est important de faire en sorte que les personnes divorcées engagées dans une nouvelle union sentent qu’elles font partie de l’Église. (…) Il faut encourager leur participation à la vie de la communauté” (n. 243). Pour les déclarations de nullité le pape rappelle l’allègement des procédures qu’il a apportées et il demande qu’elles soient mises en oeuvre (n. 244). Il demande aussi que la « première préoccupation » en cas de séparation ou de divorce, soient les enfants (n. 245).
Le pape indique la voie pastorale : « Le divorce est un mal, et l’augmentation du nombre des divorces est très préoccupante. Voilà pourquoi, sans doute, notre tâche pastorale la plus importante envers les familles est-elle de renforcer l’amour et d’aider à guérir les blessures, en sorte que nous puissions prévenir la progression de ce drame de notre époque” (n. 246).
Un chapitre entier est consacré à l’éducation des enfants, à « renforcer » (ch.7) : formation morale, le rôle des sanctions, le « réalisme patient » que suppose l’éducation, ou encore l’éducation sexuelle et la transmission de la foi. Parmi les pères du synode de 2014, le cardinal archevêque de Paris, André Vingt-Trois, avait insisté sur le soutien concret nécessaire dans ce domaine. « L’éducation intégrale des enfants est à la fois un « grave devoir » et un « droit primordial » des parents (…). L’école ne se substitue pas aux parents mais leur vient en aide », affirme le pape (n. 84).
Le huitième chapitre sera certainement celui qui attirera en priorité les commentaires, comme il les a mobilisés avant, pendant et après les synodes : « Accompagner, discerner, et intégrer la fragilité ». Les pères du synode de 2015 avaient notamment insisté sur le « discernement » des situations. Le pape évoque la « gradualité » au niveau du chemin pastoral, puis le « discernement » des situations dites « irrégulières », un adjectif mis entre guillemets : le pape a déjà dit qu’il n’aimait pas beaucoup cette expression et il s’en est expliqué. Il évoque aussi les « circonstances atténuantes dans le discernement pastoral », puis le rapport entre « normes » et « discernement », pour développer la « logique de la miséricorde pastorale ».
Lors de la présentation du Rapport final, le 24 octobre 2015, le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, avait fait remarquer notamment que le travail des pasteurs consiste justement à « discerner » : « Le document, par ailleurs, parle de différentes situations de la famille avec une grande affection mais le mot clef c’est le mot ‘discernement’, avec une invitation à penser qu’il n’y a pas de ‘noir’ ou ‘blanc’, un simple ‘oui’ ou ‘non’, c’est à discerner. » Le cardinal Schönborn rappelait que c’est le mot qu’emploie Jean-Paul II dans Familiaris consortio (n° 84) où le saint pape souligne « l’obligation pour les pasteurs, par amour de la vérité, d’exercer un discernement ».
Un cas particulier
On se demandera : justement, qu’en est-il des divorcés-remariés et de l’accès à la communion dont il a été tellement question ? Réponse dans ce chapitre 8. Le pape ne change pas les normes canoniques. La réponse se trouve au n. 300, avec comme mot clef ce fameux « discernement » : « Si l’on tient compte de l’innombrable diversité des situations concrètes, comme celles mentionnées auparavant, on peut comprendre qu’on ne devait pas attendre du Synode ou de cette Exhortation une nouvelle législation générale du genre canonique, applicable à tous les cas. Il faut seulement un nouvel encouragement au discernement responsable personnel et pastoral des cas particuliers. »
Le n. 305 précise le besoin de l’aide de l’Eglise que ressentent certains couples divorcés remariés en distinguant entre péché objectif et responsabilité, « imputabilité », et toujours dans une perspective de croissance dans l’amour : « À cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église. »
Et dans la note 351: il leur faut « l’aide de l’Eglise », même « dans certains cas » l’aide des sacrements. Le confessionnal ne doit pas être une « salle de torture » et l’eucharistie est la « nourriture pour les faibles ».
D’emblée, au premier chapitre, le document avait rappelé l’indissolubilité du mariage sacramentel valide, mais en insistant sur la façon de présenter la beauté du sacrement: « L’indissolubilité du mariage (‘‘Ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer’’, Mt 19, 6), ne doit pas avant tout être comprise comme un “ joug” imposé aux hommes, mais bien plutôt comme un “don” fait aux personnes unies par le mariage. […]. La condescendance divine accompagne toujours le chemin de l’homme, par sa grâce elle guérit et transforme le cœur endurci en l’orientant vers son origine, à travers le chemin de la croix. Les Évangiles font clairement ressortir l’exemple de Jésus qui […] a annoncé le message concernant la signification du mariage comme plénitude de la révélation qui permet de retrouver le projet originel de Dieu (cf. Mt 19, 3) ». » (n. 62).
L’amour « exclusif et libre »
Le neuvième et dernier chapitre parle de la « spiritualité matrimoniale et familiale » : une « communion surnaturelle », la prière « à la lumière de Pâques », la « spiritualité de l’amour exclusif et libre », une spiritualité « de l’attention, de la consolation et de l’encouragement » qui est aussi la note caractéristique du pape François.
Le document s’achève par une prière à la Sainte famille. Elle porte la date du 19 mars 2016 : c’est la solennité de saint Joseph.
Elle est placée sous le signe de l’humilité : « Parfois (…) les soi-disant plus évolués dans la famille deviennent arrogants et insupportables. L’attitude d’humilité apparaît ici comme quelque chose qui fait partie de l’amour, car pour pouvoir comprendre, excuser, ou servir les autres avec le cœur, il est indispensable de guérir l’orgueil et de cultiver l’humilité » (n. 98).

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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