Le Jourdain @ WIKIMEDIA COMMONS - Jean Housen

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Baptême de Jésus, Fils de Dieu et notre frère à tous

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Méditation de Mgr Follo sur le Baptême de Jésus

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Baptême de Jésus, Fils de Dieu et notre frère à tous
Année C – 10 janvier 2016
 
Rite romain
Is 40, 1-5 ; 9-11 ; Ps 103 ; Tt 2, 1-14 ; 3, 4-7 ; Lc 3, 15-16 ; 21-22
Rite ambrosien
Is 55, 4-7 ; Ps 28 ; Eph 2, 13-22 ; Lc 3, 15-16 ; 21-22
 
1)  Baptême de joie et de miséricorde
Avec la fête du Baptême de Jésus, la liturgie de ce dimanche prolonge l’Épiphanie (c’est-à-dire la manifestation) du Christ. Suite au mystère de l’Épiphanie où le Fils de Dieu se manifesta petit enfant aux mages venus l’adorer à Bethléem, aujourd’hui nous sommes appelés à faire mémoire du Christ adulte, baptisé par Jean le Baptiste. Le Christ « fut baptisé, il est vrai, comme homme ; mais prit sur lui les péchés comme Dieu ; non parce qu’il avait besoin de purification, mais pour apporter la sainteté par les eaux mêmes du baptême » (Saint Grégoire de Naziance, Oraison, 29, 19-20).
Cette épiphanie de Jésus a comme témoin non seulement Jean le Baptiste, les disciples de ce dernier, et les pécheurs qui étaient venus recevoir un baptême de pénitence, mais aussi la Sainte Trinité : le Père (l’Aimant) – la voix venue d’en haut – révèle Jésus comme le Fils Unique (l’Aimé) consubstantiel au Père, et tout cela se réalise en vertu de l’Esprit Saint (l’Amour) qui descend sur le Messie sous forme de colombe.
En effet, au moment où, Jésus, sorti de l’eau du Jourdain, est recueilli en prière, l’Esprit Saint descend sur lui comme une colombe et, le ciel s’ouvrant, on entend la voix du Père, qui, d’en haut, dit à Jésus : « Toi, tu es mon fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie » (Luc 3, 22). La traduction italienne emploie le mot « complaisance »[1] qui correspond à quelque chose de profond ; je ne crois pas qu’on puisse la réduire à une sorte de convergence des sentiments ou bien à une identité d’opinions. La « complaisance » de Dieu, c’est vraiment le Père qui se reflète dans le Fils et qui s’identifie à lui.
La première conséquence « pratique » pour nous sera de faire nôtre la prière par laquelle le prêtre commence la prière de ce dimanche : « Dieu éternel et tout-puissant, quand le Christ fut baptisé dans le Jourdain et que l’Esprit Saint reposa sur lui, tu l’as désigné comme ton Fils bien-aimé ; accorde à tes fils adoptifs, nés de l’eau et de l’Esprit, de persévérer toujours dans “ta joie amoureuse et bienveillante”.[2] » De cette manière, la fête du Baptême de Jésus ne sera pas seulement pour nous un moment où nous nous mettrons à l’écoute de son Évangile de joie, mais aussi une invitation à être témoin du Christ dans une existence vécue dans la joie, parce que dans le Fils, nous sommes fils nous aussi, nous sommes aimés et pardonnés.
 
2)  Épiphanie de la Trinité
Selon saint Jérôme, il y a trois raisons qui expliquent pourquoi le Christ s’est fait baptiser par Jean. « La première, parce que étant né homme comme les autres, il devait respecter la Loi avec justice et humilité. La seconde, pour démontrer par son baptême, l’efficacité du baptême de Jean. La troisième, pour montrer la venue de l’Esprit Saint lors du baptême des croyants, les eaux du Jourdain ayant été sanctifiées par la descente de la colombe » (Commentaire de Matthieu 1, 3, 13).
Mais il est important de garder à l’esprit aussi, deux autres enseignements que l’on peut retirer de cette fête. D’abord, en se faisant baptiser par Jean avec d’autres pécheurs, Jésus a déjà commencé à prendre sur lui le poids de la faute de toute l’humanité, comme Agneau de Dieu qui « enlève » (littéralement qui « prend sur lui ») le péché du monde (cf. Jn 1, 29). Et enfin, par son baptême dans le Jourdain, Jésus nous révèle le Père, le Fils et le Saint Esprit qui descendent parmi les hommes et manifestent leur amour riche de miséricorde qui pardonne et recrée.
L’événement du baptême du Christ[3] est donc non seulement la révélation de sa filiation divine et de son incarnation mais aussi la révélation de la Trinité : « Le Père dans la voix, le Fils dans l’homme, l’Esprit dans la colombe » (saint Augustin, In Io. Ev. Tr. 6,5) A ce sujet, saint Chromace d’Aquilée dit : « Quel grand mystère dans ce baptême céleste ! Le Père se fait entendre du ciel, le Fils apparaît sur terre, le Saint Esprit se manifeste sous forme de colombe : on ne peut pas parler, en effet, de vrai baptême et de vraie rémission des péchés là où il n’y a pas la vérité de la Trinité, et on ne peut pas non plus accorder la rémission de péchés là où on ne croit pas à la Trinité parfaite » (Discours 34, 1-3).
Voici donc une seconde conséquence « pratique » : faisons nôtre la prière de saint Hilaire de Poitiers : « Conserve intacte cette foi pure qui est en moi, jusqu’à mon dernier soupir, donne-moi aussi cette voix de ma conscience, afin que je reste toujours fidèle à ce que j’ai professé dans mon retour à la vie, quand j’ai été baptisé dans le Père, le Fils et le Saint Esprit » (De la Trinité, XII, 57, CCL 62/A, 627). Quand une personne est baptisée au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, elle est plongée en Dieu. Et « qui est plongé en Dieu est vivant parce que Dieu – dit le Seigneur – est un Dieu non pas des morts mais des vivants et s’il est le Dieu de ceux-ci, il est le Dieu des vivants ; les vivants sont vivants parce qu’ils sont dans la mémoire, dans la vie de Dieu. C’est précisément ce qui arrive dans notre condition de baptisés : nous devenons insérés dans le nom de Dieu, de sorte que nous appartenons à ce nom et Son Nom devient notre nom et nous aussi nous pourrons, avec notre témoignage, être des témoins de Dieu, signes de qui est ce Dieu, nom de ce Dieu » (Benoît XVI, Lectio Divina, 11 juin 2012).
 
3)  Baptême et Consécration
La mission du Christ se résume en ceci : nous faire baptiser dans l’Esprit Saint pour nous libérer de l’esclavage de la mort et « nous ouvrir le ciel », c’est-à-dire l’accès à la vraie vie qui sera « une immersion toujours nouvelle dans l’immensité de l’être, tandis que nous sommes simplement comblés de joie » (Benoît XVI, Spe salvi, 12).
Nous pourrions donc dire que le baptême suffit pour être de bons chrétiens et qu’une nouvelle consécration, comme celle des vierges consacrées dans le monde, n’est pas nécessaire. A ce sujet, le pape François précise : « Nous sommes tous consacrés à Lui par le Baptême. Nous sommes tous appelés à nous offrir au Père avec Jésus et comme Jésus, en faisant un don généreux de notre vie, en famille, au travail, au service de l’Eglise, dans les œuvres de miséricorde. Cependant, cette consécration est vécue d’une manière particulière par les religieux, les moines, les laïcs consacrés, qui par la profession des vœux appartiennent à Dieu entièrement et exclusivement. Cette appartenance au Seigneur permet à ceux qui la vivent de façon authentique d’offrir un témoignage spécial à l’Évangile du Royaume de Dieu. Totalement consacrés à Dieu, ils sont totalement livrés aux frères, pour apporter la lumière du Christ là où les ténèbres sont les plus épaisses et pour répandre son espérance dans les cœurs découragés » (2 février 2014).
Si ensuite nous regardons les vierges consacrées dans le monde, nous voyons qu’elles « sont un signe de Dieu dans les différents domaines de la vie, elles sont un levain pour la croissance d’une société plus juste et fraternelle, elles sont une prophétie de partage avec les petits et les pauvres. Comprise et vécue ainsi, la vie consacrée nous apparaît comme elle est réellement : un don de Dieu, un don de Dieu à l’Église, un don de Dieu à son Peuple ! Toute personne consacrée est un don pour le Peuple de Dieu en chemin » (idem, cf. Rituel de consécration des vierges, n° 25 : « Chères filles, recevez ce voile, signe de votre consécration ; n’oubliez jamais que vous êtes vouées au service du Christ et de son corps qui est l’Église »).
L’Église et le monde ont besoin de ce témoignage de l’amour et de la miséricorde de Dieu. Les consacrés, les religieux, les religieuses sont le témoignage que Dieu est bon et miséricordieux. C’est pour cela que le pape François a voulu une année dédiée à la vie consacrée (30 novembre 2014 – 2 février 2016).
Celui qui se consacre, s’engage à montrer et à anticiper dans sa propre vie, cette façon de vivre, cette forme d’humanité dont nous vivrons tous au Paradis. En attendant, sur cette terre, nous avons besoin de témoins qui montrent qu’il est possible de donner entièrement sa vie au Christ, pour que Dieu se révèle et que s’accomplisse sa mission d’amour et de miséricorde.
L’amour consacré dans la virginité c’est « garder les bras ouverts à tous sans jamais les refermer pour enserrer quelqu’un à soi » (Fr. Roger de Taizé), c’est fermer les bras pour joindre les mains en prière et confier à Dieu les personnes qu’on aime. En effet, la virginité est une valeur quand c’est un amour chaste qui ouvre à l’Amour et qui est illuminé par l’Amour. Grâce à l’exemple des personnes vierges, les familles auront leurs portes et leurs cœurs grands ouverts à l’amour.
 
 
Lecture patristique
Saint Hippolyte (+ 236)
Sermon sur la sainte Théophanie 6-9
PG 10, 858-859.
 
Dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l’eau ; voici que les cieux s’ouvrirent, et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour » (Mt 3,16-17).
 
Voyez, mes bien-aimés, combien nous aurions subi la perte de biens nombreux et importants, si le Seigneur avait cédé à l’invitation de Jean et n’avait pas reçu le baptême. Auparavant les cieux étaient fermés, notre patrie d’en haut était inaccessible. Après être descendus au plus bas, nous ne pouvions plus regagner les hauteurs. Le Seigneur n’a pas été seul à recevoir le baptême. Il a renouvelé le vieil homme et il lui a confié de nouveau le sceptre de l’adoption divine. Car aussitôt les cieux s’ouvrirent. Les réalités visibles se sont réconciliées avec les invisibles ; les hiérarchies célestes ont été comblées de joie ; sur la terre les maladies ont été guéries ; ce qui était demeuré caché s’est révélé ; ce que l’on rangeait parmi les ennemis est devenu amical. Car vous avez entendu l’évangéliste vous dire : les cieux eux-mêmes s’ouvrirent, pour les trois merveilles que voici. Il fallait ouvrir au Christ, l’Époux, les portes de la chambre nuptiale. Semblablement, comme l’Esprit descendait sous la forme d’une colombe et que la voix du Père retentissait en tout lieu, il fallait que s’élèvent les portes du ciel (cf. Ps 23,7). Et voici que les cieux s’ouvrirent et qu’une voix se fit entendre, qui disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour.« 
Ce Fils bien-aimé, qui apparaît ici-bas, ne s’est pourtant pas séparé du sein du Père : il est apparu sans apparaître. Ce qui apparaissait était différent, car, à ce qu’il semblait, le baptiseur était supérieur au baptisé. C’est pourquoi le Père envoya l’Esprit Saint sur le baptisé. Car, de même que, dans l’arche de Noé, la colombe a manifesté l’amour de Dieu pour les hommes, ainsi maintenant, l’Esprit, descendant sous cette apparence, pareil à celle qui apportait une pousse d’olivier, s’est arrêté au-dessus de celui à qui il rend témoignage. Pourquoi ? Pour que l’on constate avec certitude que c’est bien la voix du Père, et que l’on ajoute foi à la prédiction prophétique annoncée longtemps auparavant. Quelle prédiction ? La voix du Seigneur domine les eaux, le Dieu de la gloire déchaîne le tonnerre, le Seigneur domine la masse des eaux (Ps 28,3). Que dit cette voix ? Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour.
Je vous en prie, écoutez-moi attentivement : je veux remonter à la source de la vie et contempler la source d’où jaillissent les guérisons. Le Père de l’immortalité a envoyé dans le monde son Fils vivant, son Verbe. Celui-ci est venu vers l’homme pour le laver dans l’eau et dans l’Esprit. Il l’a fait renaître pour rendre incorruptibles son âme et son corps, il a éveillé en nous son souffle de vie, il nous a revêtus d’une armure incorruptible.
Je proclame donc, avec la voix du héraut : Venez, toutes les tribus des nations, au bain de l’immortalité ! Par ce joyeux message, je vous annonce la vie, à vous qui demeurez encore dans la nuit de l’ignorance. Venez de la servitude à la liberté, de la tyrannie à la royauté, de la corruption à l’incorruptibilité. Vous voulez savoir comment ? Par l’eau et par l’Esprit Saint, cette eau par laquelle l’homme régénéré est vivifié, cet Esprit, ton Défenseur, envoyé pour toi, afin de montrer que tu es Fils de Dieu.
 
 


[1] Dans le verbe « se complaire » comme dans le substantif « complaisance », il y a l’idée de joie. C’est comme si Dieu disait : « Toi, mon fils, tu me plais, je te regarde et je suis heureux. » Il se réalise ensuite ce dont Isaïe avait eu l’intuition, la jubilation de Dieu pour moi, pour toi, « comme la fiancée fait la joie du fiancé, ainsi tu seras la joie de ton Dieu » (Isaïe, 62, 5). Voir aussi la note 2.
 
[2] Je traduis par « joie » le mot beneplacitum parce qu’en latin, elle ne veut pas seulement dire « complaisance » ; tant et si bien que la traduction officielle liturgique emploie le terme « amour ». Beneplacitum est la traduction du mot grec eudochia qui a ces différentes significations : 1. Bonne volonté, intention bienveillante, bienveillance. 2. Délice, plaisir, satisfaction. 3. Désir.
On la trouve neuf fois dans le Nouveau Testament et à chaque fois traduite avec des nuances diverses selon le contexte mais toujours en lien avec celles citées.
 
[3] Messie en grec se traduit par « Christ » et en italien par « Oint », mais n’oublions pas que Jésus ne fut pas oint avec de l’huile à la manière des rois et des grands prêtres d’Israël mais par l’Esprit Saint.
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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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