« Le rôle joué par les migrants contribue au développement économique et social des sociétés d’accueil », explique le Saint-Siège.
« Migrants et villes : Nouveaux partenariats pour gérer la mobilité » : c’était le thème de l’intervention de Mgr Silvano M. Tomasi, observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’ONU et d’autres organisations internationales à Genève, le 27 octobre 2015, à Rome, à l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM).
L’accueil des migrants est une preuve de la bonne santé d’une démocratie, a fait observer Mgr Tomasi : « Lorsque les politiques régissant la mobilité humaine et la cohabitation interethnique affirment les droits humains fondamentaux, les migrants deviennent la « preuve vivante » de la qualité d’une démocratie. »
Voici notre traduction intégrale de ce document important, sous de nombreux aspects à contre-courant.
A.B.
Discours de Mgr Tomasi
Madame la Présidente,
La délégation du Saint-Siège soutient les objectifs de cette Conférence de haut niveau sur les migrants et les villes, une préoccupation opportune. L’urbanisation est un phénomène mondial qui a connu une croissance exponentielle au cours des dernières décennies. Plus de 54 pour cent des personnes dans le monde vivaient dans les zones urbaines en 2014. On estime que ce nombre va pratiquement doubler pour atteindre quelque 6,4 milliards en 2050, transformant une grande partie du monde en une ville mondiale. Pour la première fois dans l’histoire humaine, la densité de la population dans les zones urbaines dépasse la population dans les zones rurales. En général, les milieux urbains constituent un facteur d’attraction, offrant une promesse de progrès économique, d’ascension sociale, d’un meilleur accès à l’emploi, ainsi que de meilleures possibilités de formation et des soins de santé améliorés. Ce changement démographique fournit des défis et des possibilités pour les migrants comme pour les villes d’accueil, sur les plans culturel, social et économique.
Dans de nombreuses villes, les migrants ont été relégués dans des lieux confinés. Dans les pays avec un écart important entre les riches et les pauvres, l’espace public est souvent réservé aux fameuses communautés fermées. Ces zones fonctionnent comme une forme de « barrière » sociale exclusive, une sorte d’enclave pour les classes aisées qui s’abritent à l’intérieur de murs de protection contre l’insécurité causée par les inégalités sociales. Dans ces zones, le niveau de vie, y compris les équipements et les infrastructures civiles, n’est pas comparable à celui que vivent les personnes en dehors de ces murs. Cette situation requiert une remise en question de la relation entre la ville et les migrants à la fois en termes d’espace urbain et de leurs interactions avec d’autres groupes sociaux. Par conséquent, il est nécessaire de concevoir une nouvelle politique publique visant à développer des relations durables entre les habitants dans les espaces urbains.
Les centres urbains constituent les plus grands centres de l’économie du monde. Ce sont les endroits où l’on trouve la plupart des industries, des investissements et des innovations, ainsi que les possibilités d’emploi à tous les niveaux. En fait, la plupart des nations riches sont à prédominance urbaine. Il existe donc une forte association entre l’ampleur de la croissance économique et l’augmentation du niveau d’urbanisation, qui est intrinsèquement liée à la migration. En conséquence, les communautés urbaines peuvent être décrites à travers le concept de « super-diversité », en raison des origines migratoires hétérogènes de leur population et d’autres types de diversité socio-culturelle, favorisant souvent la compétitivité économique et le bien-être commun. Les flux migratoires ne fournissent pas seulement une main-d’œuvre bon marché pour soutenir le fonctionnement quotidien des économies urbaines ; ils apportent également de nouveaux entrepreneurs, de nouveaux contributeurs à un contexte social en constante évolution.
Le rôle joué par les migrants contribue au développement économique et social des sociétés d’accueil. En outre, il faut mettre davantage l’accent sur leur engagement civique et leur participation au travail volontaire au sein des organisations tant ethniques qu’à caractère général. De cette manière, leur contribution produit un impact positif sur leur propre émancipation et bien-être. Leur implication dans la vie sociale et civile de la communauté urbaine facilite leur intégration et leur permet de redonner au pays hôte ce qu’ils ont reçu. La réciprocité est respectée et les migrants peuvent se sentir plus appréciés et accueillis, tandis que leur participation à la vie publique a également un impact positif sur la cohésion sociale. La présence de migrants parmi le personnel des organisations à caractère général leur permet de mieux se faire les médiateurs des valeurs culturelles, de promouvoir le dialogue interculturel et d’apporter davantage d’expertise linguistique ; elle favorise les contacts internationaux et la coopération avec les pays d’origine. De plus, une telle implication permet aux communautés locales et aux nouveaux arrivés d’interagir en étant impliqués ensemble dans des questions d’intérêt commun et en développant une activité interethnique, interreligieuse et interculturelle. Cela leur permet aussi de faire face au changement social et de reconnaître les possibilités résultant d’une société qui embrasse la diversité culturelle. Cette expérience favorise une attitude d’ouverture à d’autres cultures à la fois dans la population de la société d’accueil et dans les communautés ethniques. Cela conduit au développement d’un sentiment de confiance mutuelle qui contribue à un processus d’intégration dynamique à double sens, nécessaire à la création d’une citoyenneté partagée.
Grâce à leur perception des problèmes publics et à leur engagement social, les migrants eux-mêmes peuvent participer à la conception d’une nouvelle politique publique de la ville. Les gouvernements devraient profiter des occasions qu’offrent les migrants pour comprendre la réalité des périphéries et devraient apprécier leur contribution à la cohésion sociale. Le principe de subsidiarité reconnaît le rôle que jouent les migrants lorsqu’ils cherchent à contribuer au bien commun dans un esprit de fraternité, de liberté et d’égalité.
Madame la Présidente,
Lorsque les politiques régissant la mobilité humaine et la cohabitation interethnique affirment les droits humains fondamentaux, les migrants deviennent la « preuve vivante » de la qualité d’une démocratie. Des politiques de soutien des migrants, en particulier ceux qui sont acceptés pour des raisons humanitaires, offrent une occasion extraordinaire de réfléchir aux valeurs sur lesquelles se fonde la démocratie, valeurs qui méritent d’être transmises comme un héritage aux générations futures. En d’autres termes, ces politiques constituent une occasion unique d’améliorer le respect des droits humains et les principes fondamentaux de la civilisation, dans une perspective plus universelle.
En conclusion, les migrants offrent l’occasion, surtout en milieu urbain, d’approfondir le sens de la citoyenneté, fondée sur une perspective qui met l’accent sur sa dimension participative. La contribution de chaque personne devient précieuse dans la construction d’une citoyenneté « à partir d’en-bas » : la dignité inhérente à chaque être humain en reçoit une nouvelle pertinence. Comme le déclare le pape François, « le caractère multiculturel des sociétés contemporaines » demande « qu’on approfondisse et qu’on renforce les valeurs nécessaires pour garantir la coh
abitation harmonieuse entre les personnes et entre les cultures. À cet effet, ne peut suffire la simple tolérance, qui ouvre la voie au respect des diversités et qui met en route des parcours de partage entre des personnes d’origines et de cultures différentes… Une action plus incisive et efficace est nécessaire, qui s’appuie sur un réseau universel de collaboration, fondé sur la défense de la dignité et de la centralité de chaque personne humaine » (Message pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés 2014).
Je vous remercie, Madame la Présidente.
© Traduction de Zenit, Constance Roques