« Prions les uns pour les autres : nous sommes frères ! », exhorte le pape François dans son message aux religions.
Le pape François a en effet voulu que cette audience générale soit une « audience interreligieuse » ce mercredi 28 octobre, place Saint-Pierre, à l’occasion du 50e anniversaire de la déclaration conciliaire Nostra Ætate sur les relations de l’Église catholique avec les religions non chrétiennes. C’était aussi à un jour près le 29e anniversaire de la Rencontre des religions pour la paix voulue par saint Jean-Paul II, le 27 octobre 1986, à Assise.
Le pape cite Paul VI, et dix points de Nostra aetate, mais aussi la rencontre du saint pape Jean-Paul II à Casablanca (Maroc) avec les jeunes musulmans, le 19 août 1985 et la première Rencontre des religions pour la paix à Assise, le 27 octobre 1986.
Le pape a noté la « transformation » des relations avec les juifs en disant : « La véritable transformation qu’a connu, au cours de ces cinquante années, le rapport entre chrétiens et juifs inspire une gratitude particulière envers Dieu. L’indifférence et l’opposition se sont changées en collaboration et bienveillance. D’ennemis et étrangers, nous sommes devenus amis et frères. »
Pour repousser la tentation du fondamentalisme, le pape recommande de « regarder les valeurs positives que vivent et proposent les religions et qui sont source d’espérance ».
Pour le Jubilé, il suggère : « Le Jubilé extraordinaire de la miséricorde qui nous attend est une occasion propice pour travailler ensemble dans le champ des œuvres de charité. »
Et surtout, il recommande la clef de la prière : « Chers frères et sœurs, en ce qui concerne l’avenir du dialogue interreligieux, la première chose que nous ayons à faire est de prier. Et prier les uns pour les autres : nous sommes frères ! Sans le Seigneur, rien n’est possible ; avec lui, tout le devient ! »
Voici notre traduction intégrale des paroles prononcées par le pape François en italien.
A.B.
Catéchèse du pape François
Chers frères et sœurs, bonjour !
Dans les audiences générales, il y a souvent des personnes ou des groupes appartenant à d’autres religions ; mais aujourd’hui, cette présence est tout à fait particulière, pour rappeler ensemble le cinquantième anniversaire de la déclaration du concile Vatican II, Nostra aetate, sur les rapports de l’Église catholique avec les religions non chrétiennes.
Ce thème tenait beaucoup à cœur au pape Paul VI qui, dès la fête de Pentecôte de l’année précédant la fin du concile, avait institué le Secrétariat pour les non-chrétiens, aujourd’hui Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.
C’est pourquoi j’exprime ma gratitude et j’adresse chaleureusement la bienvenue aux personnes et aux groupes de diverses religions, qui ont voulu aujourd’hui être présents, et spécialement à ceux qui sont venus de loin.
Le concile Vatican II a été un temps extraordinaire de réflexion, de dialogue et de prière pour renouveler le regard de l’Église catholique sur elle-même et sur le monde. Une lecture des signes des temps, en vue d’une mise à jour orientée par une double fidélité : fidélité à la tradition ecclésiale et fidélité à l’histoire des hommes et des femmes de notre temps.
En effet, Dieu, qui s’est révélé dans la création et dans l’histoire, qui a parlé par les prophètes et, de manière définitive, en son Fils fait homme (cf. He 1,1), s’adresse au cœur et à l’esprit de tous les êtres humains qui cherchent la vérité et les voies pour la pratiquer.
Le message de la déclaration Nostra aetate est toujours actuel. J’en rappelle brièvement quelques points :
– l’interdépendance croissante des peuples (cf. 1) ;
– la recherche humaine du sens de la vie, de la souffrance, de la mort… interrogations qui accompagnent toujours notre cheminement (cf. 1) ;
– l’origine commune et le destin commun de l’humanité (cf. 1) ;
– l’unicité de la famille humaine (cf. 1) ;
– les religions en tant que recherche de Dieu et de l’Absolu, à l’intérieur des différentes ethnies et cultures (cf. 1) ;
– le regard bienveillant et attentif de l’Église sur les religions : elle ne rejette rien de ce qu’il y a de beau et de vrai en elles (cf. 2) ;
– l’Église regarde avec estime les croyants de toutes les religions, appréciant leur engagement spirituel et moral (cf. 3) ;
– l’Église, ouverte au dialogue avec tous, est en même temps fidèle aux vérités en lesquelles elle croit, à commencer par celle qui affirme que le salut offert à tous a son origine en Jésus, unique Sauveur, et que l’Esprit-Saint est à l’œuvre, source de paix et d’amour.
Nombreux ont été, au cours de ces cinquante dernières années, les événements, les initiatives, les rapports institutionnels ou personnels avec les religions chrétiennes et il est difficile de les rappeler tous. Un événement d’une importance particulière a été la Rencontre d’Assise du 27 octobre 1986, voulue et promue par saint Jean-Paul II qui, un an plus tôt, il y a donc trente ans, s’était adressé aux jeunes musulmans à Casablanca en souhaitant que tous les croyants en Dieu favorisent l’amitié et l’union entre les hommes et entre les peuples (19 août 1985). La flamme allumée à Assise s’est étendue dans le monde entier et constitue un signe permanent d’espérance.
La véritable transformation qu’a connu, au cours de ces cinquante années, le rapport entre chrétiens et juifs inspire une gratitude particulière envers Dieu. L’indifférence et l’opposition se sont changées en collaboration et bienveillance. D’ennemis et étrangers, nous sommes devenus amis et frères.
Le concile, avec la déclaration Nostra aetate, a tracé la voie : « oui » à la redécouverte des racines juives du christianisme ; « non » à toutes les formes d’antisémitisme et condamnation de toutes les injures, discriminations et persécutions qui en découlent. La connaissance, le respect et l’estime mutuels constituent la voie qui, si elle vaut de manière spécifique pour les relations avec les juifs, vaut de même pour les relations avec les autres religions. Je pense en particulier aux musulmans qui, comme le rappelle le concile, « adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes » (Nostra aetate, 5). Ils se réfèrent à la paternité d’Abraham, vénèrent Jésus comme prophète, honorent sa Mère virginale, Marie, attendent le jour du jugement et pratiquent la prière, l’aumône et le jeûne (cf. ibid.).
Le dialogue dont nous avons besoin ne peut qu’être ouvert et respectueux, et il se révèle alors fructueux. Le respect réciproque est la condition et, en même temps, le but du dialogue interreligieux : respecter le droit des autres à la vie, à l’intégrité physique et aux libertés fondamentales, c’est-à-dire la liberté de conscience, de pensée, d’expression et de religion.
Le monde nous regarde, nous, les croy
ants, nous exhorte à collaborer entre nous et avec les hommes et les femmes de bonne volonté qui ne professent aucune religion, il nous demande des réponses effectives sur de nombreux thèmes : la paix, la faim, la misère qui afflige des millions de personnes, la crise de l’environnement, la violence, en particulier celle qui est commise au nom de la religion, la corruption, la dégradation morale, les crises de la famille, de l’économie, de la finance et surtout de l’espérance. Nous, croyants, n’avons pas de recettes pour ces problèmes, mais nous avons une grande ressource : la prière. Et nous, croyants, nous prions. Nous devons prier. La prière est notre trésor, dans lequel nous puisons selon nos traditions respectives, pour demander les dons auxquels l’humanité aspire.
À cause de la violence et du terrorisme, une attitude de soupçon ou carrément de condamnation des religions s’est répandue. En réalité, bien qu’aucune religion ne soit exempte du risque de déviations fondamentalistes ou extrémistes chez des individus ou dans des groupes (cf. Discours au Congrès des États-Unis, le 24 septembre 2015), il faut regarder les valeurs positives que vivent et proposent les religions et qui sont source d’espérance. Il s’agit d’élever son regard pour aller au-delà. Le dialogue basé sur le respect confiant peut porter des semences de bien qui, à leur tour, deviennent des germes d’amitié et de collaboration dans de nombreux domaines, et surtout dans le service des pauvres, des petits, des personnes âgées, dans l’accueil des migrants, dans l’attention à ceux qui sont exclus. Nous pouvons cheminer ensemble en prenant soin les uns des autres et de la création. Tous les croyants de toutes les religions. Ensemble, nous pouvons louer le Créateur qui nous a donné le jardin du monde à cultiver et à garder comme un bien commun, et nous pouvons réaliser des projets partagés pour combattre la pauvreté et assurer à tous les hommes et toutes les femmes des conditions de vie dignes.
Le Jubilé extraordinaire de la miséricorde qui nous attend est une occasion propice pour travailler ensemble dans le champ des œuvres de charité. Et dans ce domaine, où compte surtout la compassion, peuvent s’unir à nous beaucoup de personnes qui ne se sentent pas croyantes ou qui sont à la recherche de Dieu et de la vérité, des personnes qui mettent au centre le visage de l’autre, en particulier le visage du frère ou de la sœur dans le besoin. Mais la miséricorde à laquelle nous sommes appelés embrasse toute la Création, que Dieu nous a confiée pour que nous en soyons les gardiens et non les exploiteurs ou, pire encore, les destructeurs. Nous devrions toujours nous proposer de laisser le monde meilleur que lorsque nous l’avons trouvé (cf. Laudato si’, 194), en partant de l’environnement dans lequel nous vivons, des petits gestes de notre vie quotidienne.
Chers frères et sœurs, en ce qui concerne l’avenir du dialogue interreligieux, la première chose que nous ayons à faire est de prier. Et prier les uns pour les autres : nous sommes frères ! Sans le Seigneur, rien n’est possible ; avec lui, tout le devient ! Puisse notre prière, chacun selon sa tradition, adhérer pleinement à la volonté de Dieu qui désire que tous les hommes se reconnaissent comme frères et vivent comme tels, formant la grande famille humaine dans l’harmonie des diversités.
© Traduction de Zenit, Constance Roques</em>