« Saint Jean-Paul II nous l’avait rappelé avec ces paroles gravées sur la dalle en l’honneur des victimes de la misère posée sur le Parvis de cette Basilique de Saint-Jean du Latran en octobre 2000, pendant le Grand Jubilé : « Jamais plus la discrimination, l’exclusion, l’oppression, le mépris des pauvres et des derniers » », rappelle Mgr Dal Covolo.
Voici la traduction de l’homélie prononcée par Mgr Enrico Dal Covolo, Recteur de l’Université du Latran, en la basilique du Latran, à Rome, à l’occasion de la célébration eucharistique en mémoire des victimes de la misère, le 17 octobre 2015.
Homélie de Mgr Dal Covolo
Frères et sœurs,
Nous célébrons aujourd’hui le 29ème dimanche du temps ordinaire et comme toujours les textes proposés par l’Église s’adaptent parfaitement à la célébration, ce 17 octobre, de la Journée mondiale du refus de la misère.
Cette journée, créée par le Serviteur de Dieu, Père Joseph Wresinski en octobre 1987, a pour objectif de mettre au centre de notre attention de notre préoccupation, les victimes de la faim, de l’ignorance, de la violence : les victimes de la misère.
Né lui-même dans une famille aux prises avec la pauvreté et la précarité, le père Joseph Wresinski a voulu devenir prêtre de Jésus Christ pour se faire serviteur des pauvres, des derniers, de son peuple, le peuple de la misère.
Les textes du jour nous le disent clairement : « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude », nous dit l’Évangile selon Marc.
Le Psaume proclamait que « le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes ».
Dans la Lettre aux Hébreux, Paul écrit que « nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché ».
Chers frères et sœurs, tel est le mystère de notre foi : Dieu le Tout-Puissant s’est abaissé jusqu’à rejoindre notre condition humaine, Il a été « éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché ». Il a épousé la condition humaine, il s’est fait le Serviteur Souffrant.
Comme le disait le Pape François dans son message pour le Carême 2014, « Il s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté » : cette définition de Jésus que l’on trouve dans la seconde lettre de Saint Paul aux Corinthiens était le titre de ce Message du Pape.
Ce message du Pape François réfléchit sur le mystère de la pauvreté du Christ qui s’est fait homme « pour nous devenir semblable en tout, excepté le péché ». Son amour, sa compassion, sa tendresse sont des traits que chaque chrétien devrait choisir et adopter comme style de vie. En particulier face aux misères humaines, – il en présente trois types, dont le premier est « la misère matérielle appelée communément pauvreté et qui frappe tous ceux qui vivent dans une situation contraire à la dignité de la personne humaine : ceux qui sont privés des droits fondamentaux et des biens de première nécessité comme la nourriture, l’eau et les conditions d’hygiène, le travail, la possibilité de se développer et de croître culturellement. Face à cette misère, l’Église offre son service, sa diakonia, pour répondre aux besoins et soigner ces plaies qui enlaidissent le visage de l’humanité. Nous voyons dans les pauvres et les laissés-pour-compte le visage du Christ ; en aimant et en aidant les pauvres nous aimons et nous servons le Christ ».
Parlant du Jeudi Saint et de la dernière Cène, le père Joseph Wresinski méditait ainsi le lavement des pieds: « Voilà que le Christ se met à genoux et se fait le plus petit d’entre les siens. Il se fait le serviteur de ces hommes qu’ils a choisis, de ces hommes qui portent en eux des aspirations de changement, de transformation de société, de structures…Il leur lave les pieds en leur faisant comprendre que le monde ne s’écroulera, que le monde ne changera… que dans la mesure où ils seront les humbles serviteurs, les serviteurs des pauvres ».
C’est ce que nous disent les textes du jour, ce qu’ils nous annoncent en préfigurant le récit du Jeudi Saint et le lavement des pieds.
Se faire le serf, le serviteur de Dieu et des hommes, et en particulier des préférés du Seigneur, des plus petits, des désespérés, des abandonnés. Telle est notre vocation, là où nous sommes, dans nos quartiers, nos écoles, notre université, nos familles.
Saint Jean-Paul II nous l’avait rappelé avec ces paroles gravées sur la dalle à l’honneur des victimes de la misère posée sur le Parvis de cette Basilique de Saint-Jean du Latran en octobre 2000, pendant le Grand Jubilé :
« Jamais plus la discrimination, l’exclusion, l’oppression, le mépris des pauvres et des derniers. »
Le Pape François nous conduit avec courage dans la même direction.
Mercredi dernier à la fin de l’audience générale, parlant du 17 octobre, Journée mondiale du refus de la misère il a dit : « Cette journée se propose d’accroître les efforts en vue d’éliminer la pauvreté extrême et la discrimination, et d’assurer que chacun puisse pleinement exercer ses droits fondamentaux. Nous sommes tous invités à faire nôtre cette intention, afin que la charité du Christ touche et soulage nos frères et sœurs les plus pauvres et laissés-pour-compte. »
En octobre 2014, dans son discours à l’occasion de la rencontre des Mouvements Populaires à Rome, il avait souligné ainsi ce que devrait être notre attitude à l’égard des pauvres :
« Les pauvres non seulement subissent l’injustice, mais ils luttent également contre elle ! Ils ne se contentent pas de promesses illusoires, d’excuses ou d’alibis. Ils n’attendent pas non plus les bras croisés l’aide d’ONG, des programmes d’aide ou des solutions qui n’arrivent jamais ou qui, si elles arrivent, le font en ayant tendance soit à anesthésier, soit à apprivoiser, et cela est plutôt dangereux. Vous sentez que les pauvres n’attendent plus et veulent être acteurs ; ils s’organisent, étudient, travaillent, exigent et surtout pratiquent la solidarité si spéciale qui existe entre ceux qui souffrent, entre les pauvres, et que notre civilisation semble avoir oubliée, ou tout au moins a très envie d’oublier. »
Tel est le service que les pauvres attendent de nous : nous mettre à l’école de leur humanité. Apprendre d’eux ; les considérer conne des frères et des citoyens à part entière. Non pas les objets de notre lutte mais des sujets acteurs de leur et de notre commune libération.
Le père Joseph Wresinski disait encore : « Pour sauver tous les hommes, Jésus Christ a voulu les rejoindre dans leur humanité. Dans leur humanité la plus authentique qui ne soit pas encombrée de richesses, d’argent, d’honneur. Il devait prendre corps dans l’humanité la plus dépouillée de ce qui n’est pas elle, de tout pouvoir économique, politique et religieux. Cette humanité-là, ce sont les plus pauvres et non les riches qui la possèdent. En eux, l’essentiel n’est pas entamé. C’est pourquoi le Christ pouvait s’y incarner sans peine. »
Chers frères et sœurs, écoutons la parole de Notre Seigneur et alors la prophétie d’Isaïe deviendra une réalité :
« Par suite de ses tourments, il verra la lumière, la connaissance le comblera. Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. »
Ainsi soit-il.
© Traduction de Jean Tonglet