Ecole pour les enfants réfugiés en Jordanie © Wikimedia Commons DFID - UK Department for International Development

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Une réponse désordonnée et inadéquate à la migration

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Le Saint-Siège invite à redresser la barre (traduction complète)

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Les sociétés ont répondu aux migrations de façon « désordonnée et inadéquate » à cause d’une « rhétorique de la division et de l’alarmisme », déplore le Saint-Siège qui indique des pistes pour redresser la barre.

Le P. Gabriele F. Bentoglio, sous-secrétaire – « numéro deux » – du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement, est en effet intervenu au 8e Forum mondial sur la migration et le développement (Istanbul,15 octobre 2015).

Voici notre traduction intégrale de son intervention, prononcée en anglais.

A.B.

 

Déclaration du P. Bentoglio

Monsieur le Président,

Messieurs et Mesdames les intervenants et participants,

La délégation du Saint-Siège tient à exprimer sa gratitude envers la Turquie pour son engagement et sa direction dans la tâche difficile de présider le 8e Forum mondial sur la migration et le développement.

Monsieur le Président,

Nous nous trouvons actuellement à un tournant. Le Programme 2030 pour le développement durable, récemment adopté, est un signe clair que la communauté internationale a fait un effort remarquable pour se rassembler en tant que réelle famille de nations, déclarant son engagement pour éradiquer la pauvreté. Tout en reconnaissant avec succès « la contribution positive des migrants pour la croissance inclusive et le développement durable »[1], la Déclaration, avec le Programme d’action d’Addis-Abeba, reconnaît aussi que « la migration internationale est une réalité multidimensionnelle de la plus grande importance pour le développement des pays d’origine, de transit et de destination ».[2]

En s’efforçant d’ « assurer une migration sûre, ordonnée et régulière incluant le plein respect des droits humains et le traitement humain des migrants indépendamment de l’état de la migration, des réfugiés et des personnes déplacées »[3], l’Agenda 2030 a créé une base solide pour agir sur la migration et le développement. Mais ce succès a un prix : des milliers de vies ont été perdues ces dernières années. En dépit de ces tragédies, le monde – en particulier dans les pays développés – a été consumé par une rhétorique de la division et de l’alarmisme au sujet des réfugiés et des migrants, mélangeant souvent à tort les deux termes dans les médias et les discours publics. Ceci a inévitablement mené à une réponse désordonnée et inadéquate à la migration.

Monsieur le Président,

Le principal défi qui nous attend est d’assurer un suivi et un examen appropriés afin de respecter les engagements de l’Agenda 2030. À cet égard, le Saint-Siège souhaite faire trois remarques :

1 – Le nombre croissant de migrants est l’évidence tangible de la distribution injuste des ressources de la terre, qui sont destinées à être équitablement partagées par tous. Souvent, les migrants partent dans l’espoir d’assurer à leur famille une vie décente, loin de la pauvreté, de la faim et de l’exploitation. Mais un parcours migratoire n’est pas un voyage d’agrément : c’est un acte de foi. De nombreux migrants se déplacent à grands frais personnels, dans l’espoir de construire une nouvelle vie. Voilà pourquoi il est primordial que les droits humains des migrants, indépendamment de leur statut migratoire, soient pleinement respectés. En même temps, il existe un besoin parallèle d’aider les pays d’origine des migrants et des réfugiés. La mondialisation de la solidarité, la coopération internationale, et la répartition équitable des biens de la terre seront essentielles pour éliminer ces inégalités qui conduisent les gens à abandonner leur terre et leur culture indigènes.

2 – Il n’y a pas stratégie de migration réussie et durable sans une politique d’intégration parallèle et intégrée, articulée autour de la personne humaine comme sujet principal responsable du développement. Bien que l’afflux de migrants et de réfugiés remette sérieusement en cause les différentes sociétés qui les acceptent, la dignité de la personne humaine a toujours préséance sur les intérêts partisans et les considérations économiques. Comme le pape François l’a rappelé dans son message pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés 2016, « en ce moment dans l’histoire humaine, marquée par de grands mouvements de migration, l’identité n’est pas une question secondaire. Ceux qui émigrent sont obligés de changer certaines de leurs caractéristiques les plus distinctives et, qu’ils le veuillent ou non, même ceux qui les accueillent sont également contraints de changer ».[4] Il ne faut pas craindre les migrants. Ce sont des bâtisseurs de ponts entre les cultures, apportant un travail acharné, de l’énergie et de nouvelles idées. Alors que les nouveaux arrivants ont le droit de préserver leur identité culturelle, ils ont aussi les responsabilités de respecter le patrimoine culturel du pays d’accueil et de rechercher  le bien commun.[5] À la lumière du suivi et de l’examen de l’Agenda 2030, comment pouvons-nous veiller à ce que la migration et l’intégration deviennent mutuellement enrichissantes, ouvrant des perspectives positives pour les communautés, et prévenant le risque de discrimination, de racisme, de nationalisme extrême ou de xénophobie ?

3 – Trop souvent, de jeunes professionnels instruits, en particulier les femmes, se forcent à accepter un travail peu qualifié dans les pays développés afin d’être en mesure d’émigrer. Ce faisant, ils négligent leurs talents ainsi que les efforts et les ressources investies dans leur éducation, uniquement pour compenser le manque de main-d’œuvre dans les économies développées. Beaucoup d’autres sont victimes de pratiques de recrutement contraires à l’éthique, tombant dans le trafic ou la contrebande. Ce qu’il advient de ces nombreux jeunes est profondément affligeant. Il faut créer davantage de canaux légaux et d’opportunités bénéficiant à la fois aux pays d’accueil et au pays d’origine. Cela pourrait se faire en fournissant des programmes d’échange flexibles de travail temporaire ou en augmentant l’investissement dans les bourses pour que les étudiants aillent dans des nations plus riches acquérir des connaissances scientifiques ou une formation professionnelle. Cela leur permettrait de répondre efficacement aux besoins de leur terre natale. En tout cas, la dignité de la personne humaine a toujours la préséance.

Monsieur le Président,

Ceci est un moment déterminant pour l’évolution du Forum mondial sur la migration et le développement. Fidèle à sa nature de processus volontaire, informel, non-contraignant et dirigé par le gouvernement, le Forum mondial sur la migration et le développement pourrait servir dans ce processus comme plate-forme efficace pour le partage des expériences nationales et des leçons apprises sur la mise en œuvre des engagements liés à la migration dans l’Agenda 2030, en tenant compte des différentes réalités nationales, des capacités et des niveaux de développement. La migration ne peut pas être réduite à ses aspects politiques et législatifs ou à ses implications économiques. « Il est important de voir les migrants non seulement sur la base de leur statut régulier ou irrégulier, mais surtout comme des personnes dont la dignité doit être protégée et qui sont susceptibles de contribuer au progrès et au bien-être général ».[6]

Je vous remercie, Monsieur le Président.

© Traduction de Zenit, Constance Roques

 


[1] Déclaration, n. 29 (4 octobre 2015)

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Message du pape François pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié, 17 janvier 2016 (4 octobre 2015).

[5] Cf. Ibid.

[6] Ibid.

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ZENIT Staff

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