« Le synode est un travail de famille » : c’est la conviction du cardinal Ouédraogo à mi-parcours du synode sur la famille.
Le cardinal Philippe Ouédraogo, archevêque de Ouagadougou (Burkina-Faso), l’a partagée lors du point presse du mercredi 14 octobre 2015, au Vatican. Il était l’un des invités de ce rendez-vous quotidien avec la presse, qui jalonne les travaux du synode, avec deux présidents de leurs Conférences épiscopales, le cardinal Vincent Nichols, archevêque de Westminster (Grande-Bretagne) et le cardinal Ruben Salazar Gomez, archevêque de Bogota (Colombie).
Le cardinal burkinabé a confié d’emblée qu’ « en venant à ce synode, je me sens vraiment en famille ». Il a cité un proverbe de la savane africaine : « A la palabre de famille est convié tout membre de la famille ; au travail de famille doit s’impliquer tout membre de la famille ». Il a également cité cet autre proverbe africain : « C’est ensemble que nous soulèverons le toit ».
Reconnaissant les « divergences, ambigüités et préoccupations » manifestées à travers les interventions et les échanges, il a aussi mis en lumière le rôle et la mission du pape, en « père de famille » : « Dans ce contexte là, le synode est vraiment la palabre de famille, où le père de famille, le pape, écoute tous ses enfants et essaie de dire une parole. Sa mission essentielle, c’est de confirmer ses frères et sœurs dans la foi, de sauvegarder la communion ecclésiale. Il faillirait à sa mission, s’il n’arrivait pas à donner une direction, au moins pour les chrétiens, les croyants… Et cela pourrait aussi contribuer au bien de l’humanité. »
« C’est parce qu’il aura écouté le monde entier, à travers ce qui se dit dans les groupes linguistiques, que le pape pourra réaliser un document acceptable », a-t-il souligné. Il a indiqué le chemin du synode : « une écoute fidèle des uns et des autres, dans la recherche de la vérité, avec beaucoup d’humilité ».
Le cardinal africain l’a rappelé : la difficulté de ce synode « chance pour l’Eglise mais aussi pour le monde », réside dans la diversité des cultures et des défis : polygamie en Afrique ou en Asie, mariages mixtes dans les pays à majorité musulmane, divorcés remariés en Europe, « où on est préoccupé et même pris aux tripes par la question de leur admission à l’eucharistie et à la pénitence ». A ce propos, il note que l’Instrument de travail, où cette question est très présente, a surtout été rédigé « par des occidentaux et avec un regard et des préoccupations occidentales ». « Nous sommes tous fils et filles de notre mère », a-t-il commenté.
Au sujet de la polygamie, il a fait remarquer qu’ « en Europe aussi, il y a la polygamie » : « Chez nous, c’est la polygamie simultanée, et chez vous, où certains en sont à leur troisième ou quatrième expérience, c’est la polygamie successive ! Certains me contestent mais c’est un peu cela ! » Pour l’archevêque, la question qui se pose aux Eglises d’Afrique confrontées à ce défi c’est: « Quelle réponse donner aux polygames qui se présentent à l’Eglise pour être baptisés ? ».
« Pour pouvoir être vraiment des pasteurs au service du peuple de Dieu et au service du monde », l’Eglise « doit tenir compte de ces différences culturelles » mais aussi dire clairement de la « finalité » et les « propriétés » du mariage : « bien des époux, procréation, éducation des enfants, unicité et indissolubilité » : « A partir de la Bible et du Magistère, nous avons face à nous des traits communs qui concernent toutes les Eglises ». Il a souhaité que l’Eglise – en citant le pape François – « cet hôpital de campagne ou chacun vient avec ses problèmes », « n’oublie pas sa mission de bon samaritain » et qu’elle soit « cette maison à la porte largement ouverte » dont parle le pape.
Se faisant la voix des pasteurs africains, il a également affirmé : « Nous ne sommes pas venus pour épouser les valeurs ou les non valeurs culturelles de uns et des autres, mais nous sommes venus ensemble pour contempler Jésus Christ et à partir de l’Evangile, nous recentrer vraiment à fond sur l’essentiel de ce que veut Dieu. Il est très important qu’on nous précise et au monde l’essentiel du dessein, du plan de Dieu sur la famille ».
A propos de la « colonisation idéologique » dont a parlé le pape François et d’autres intervenants du synode (cf. Zenit du 13 octobre) et des pressions qui s’exercent sur les pays pauvres dans des domaines tels que la contraception, l’avortement, le gender, l’euthanasie ou l’homosexualité, sujet sur lequel il a confié être intervenu le matin même au synode, le cardinal africain a également lancé cet appel au respect des peuples et des nations pauvres : « Les pauvres sont très faibles. Nous essayons de respecter les autres. Comment, en retour, surtout vous les hommes des médias, pouvez-vous aider les pauvres que nous sommes, pour qu’on nous respecte ? »
Le cardinal Ouédraogo a conclu son intervention en citant le pape Jean XXIII : « L’Evangile ne change pas, mais nous pouvons le comprendre mieux » car l’Eglise est « semper reformanda », c’est à dire « toujours en aggiornamento ».