« Les droits d’auteur classiques ne peuvent pas être maintenus dans ce monde moderne du numérique », estime Mgr Tomasi.
Mgr Silvano M. Tomasi, représentant permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies et d’autres organisations internationales à Genève est en effet intervenu lors de la 55e série de réunions des Assemblées de l’Organisation mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), à Genève, le 5 octobre 2015.
« Le système des droits de la propriété intellectuelle d’aujourd’hui est construit sur des concepts de protection anciens et traditionnels, conçus pour l’époque d’avant la révolution technologique », constate Mgr Tomasi.
Il ajoute : « Les droits d’auteur classiques ne peuvent pas être maintenus dans ce monde moderne du numérique et l’approche unique des règles relatives aux brevets n’est plus viable étant donné les complexités inter-industries du nouveau développement des technologies. »
Il suggère une direction : « L’Organisation est appelée à faire face à de grands défis et à offrir un espace pour combler le fossé entre l’approche axée sur le commerce, qui prévaut, et les implications plus larges de la réglementation de la propriété intellectuelle. En ce sens, le renouvellement du mandat pour le Comité intergouvernemental sur la propriété intellectuelle et les ressources génétiques, connaissances traditionnelles et folklore (IGC) pourrait représenter un signal fort. »
Voici notre traduction intégrale de l’intervention de Mgr Tomasi.
A.B.
Déclaration du Saint-Siège
Monsieur le Président,
La délégation du Saint-Siège tient à vous féliciter pour votre élection à la présidence de l’Assemblée générale. Nous nous félicitons aussi pour les deux nouveaux vice-présidents et nous remercions le président et le vice-président sortants pour tout leur travail acharné au cours de l’année écoulée. Ma délégation est certaine que, sous votre direction, nous serons en mesure d’atteindre un résultat positif pendant cette session, comme nous l’avons fait lors des précédentes.
Permettez-moi aussi d’exprimer notre gratitude au directeur général et au secrétariat pour la préparation de ces assemblées et pour les résultats importants obtenus par l’OMPI ces dernières années, en particulier en ce qui concerne le travail sur les services mondiaux de la propriété intellectuelle. La croissance régulière des demandes et l’élargissement des membres ne peuvent être maintenus sans des réponses appropriées à l’évolution des demandes du monde réel.
Le contexte dans lequel la propriété intellectuelle (PI) fonctionne dans le monde contemporain est largement différent de celui dans lequel la PI est née. Le nouveau contexte a changé la position de la PI à la fois dans l’économie et dans la société. Au cours des dernières décennies, le centre de la création de richesse s’est déplacé des immobilisations corporelles ou du capital physique aux actifs incorporels ou au capital intellectuel ou, comme l’appelle l’OCDE, au capital fondé sur la connaissance.
Nous vivons dans une économie mondiale de la connaissance et la clé du progrès futur consiste à exceller à transformer ce que nous découvrons et apprenons en de nouveaux produits et technologies commercialisables. Comme le montrent clairement les Rapports mondiaux sur la propriété intellectuelle, l’adaptation de l’innovation et l’utilisation de ces nouvelles technologies sont les principaux moteurs de la croissance au sein des économies internationales.
À travers des investissements privés et publics, nous continuons de voir des progrès scientifiques incroyables dans la compréhension et l’utilisation des ressources biologiques, et dont l’application revêt une grande valeur sociale et un potentiel pour améliorer la vie des personnes, en particulier dans le domaine médical, pharmaceutique ou agricole. Pour continuer d’inciter à de telles innovations et pour diffuser largement les bénéfices de ces innovations, un juste cadre légal pour la protection de la propriété intellectuelle joue un rôle essentiel.
Toutefois, alors que nous reconnaissons la valeur de la protection de la propriété intellectuelle, l’objectif de ces droits doit toujours être mesuré en relation avec des principes plus élevés de justice dans le service du bien commun.
Quoi qu’il en soit, de nos jours, les fruits du progrès scientifique, au lieu d’être mis au service de l’ensemble de la communauté humaine, sont répartis de telle sorte que les inégalités ont en fait augmenté. La loi du profit seul ne peut pas être appliquée à ce qui est essentiel pour le combat contre la faim, la maladie et la pauvreté.
L’OMPI apporte aussi une contribution importante au partage et à la diffusion d’informations à travers son travail lié à l’infrastructure mondiale de la PI. La contribution apportée à la société par l’invention à breveter ne consiste pas seulement dans l’invention en tant que telle, mais aussi dans la fourniture d’informations techniques relatives à cette invention. Le système de brevet mondial a besoin d’améliorations continuelles vers une plus grande transparence et efficacité. Les entreprises internationales peuvent être prises au dépourvu quant à l’existence des droits de brevet dans différents marchés, tandis que les inventeurs et les chercheurs ont besoin d’avoir accès à une base de données complète et bien organisée. Une base de données complète réduirait les coûts de la recherche pour les inventeurs et pour les bureaux d’examen.
Alors que l’OMPI a besoin de suivre les principes et les objectifs énoncés dans la Convention de l’Organisation, cela doit se faire d’une manière qui continue de répondre à l’évolution constante des réalités de la communauté internationale. Cela signifie que l’Organisation doit continuer de travailler au service du monde réel, qui est formé d’innovateurs, de créateurs et en particulier des utilisateurs du système de la PI et des informations sur la PI. Le secrétariat et les États membres devraient relancer le travail normatif d’une manière fonctionnelle et responsable qui puisse être acceptée à l’intérieur du système et grâce auquel nous pouvons nous acquitter de nos responsabilités en tant que membres de la communauté mondiale.
Le système des droits de la propriété intellectuelle d’aujourd’hui est construit sur des concepts de protection anciens et traditionnels, conçus pour l’époque d’avant la révolution technologique. Les droits d’auteur classiques ne peuvent pas être maintenus dans ce monde moderne du numérique et l’approche unique des règles relatives aux brevets n’est plus viable étant donné les complexités inter-industries du nouveau développement des technologies. L’Organisation est appelée à faire face à de grands défis et à offrir un espace pour combler le fossé entre l’approche axée sur le commerce, qui prévaut, et les implications plus larges de la réglementation de la propriété intellectuelle. En ce sens, le renouvellement du mandat pour le Comité intergouvernemental sur la propriété intellectuelle et les ressources génétiques, connaissances traditionnelles et folklore (IGC) pourrait représenter un signal fort.
Monsieur le Président,
En conclusion, permettez-nous de vous assurer que vous pouvez compter sur l’esprit et le soutien constructifs du Saint-Siège pendant les assemblées.
Monsieur le Président, je vous remercie.
© Traduction de Zenit, Constance Roques