Bolivie: 23 h 15 (17h15 heure locale), le pape François est arrivé à La Paz (nom qui vient de Notre Dame de La Paz, de la Paix), à l’aéroport le plus haut du monde, « El Alto », à 4 000 m.
Des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées pour accueillir le pape. Une bonbonne d’oxygène était prévue dans la voiture du pape. Et le président Morales a réduit son discours de 15 mn à 5 mn pour ménager son hôte. Celui-ci ne passera qu’environ 4 heures à La Paz et il reprendra l’avion pour aller dormir à Santa Cruz, dans la plaine.
A la descente d’avion, le président a offert au pape un collier traditionnel de son ethnie, contenant des feuilles de coca. Après les hymnes nationaux et la présentation des délégations, les enfants, la foule qui scande « Fran-cis-co », les discours. Le pape porte un manteau, et sur la papamobile, une écharpe et un long poncho blanc cassé. Puis ce sera, après 16km, la rencontre au palais présidentiel et la rencontre avec les autorités civiles dans la cathédrale de La Paz.
Le président appelé le pape « frère pape François », le « pape des pauvres ». Il voit en lui un nouveau saint François d’Assise, l’avocat des plus nécessiteux, celui qui vient « soutenir la libération de notre peuple » : « Qui trahit un peuple trahit Dieu, qui trahit le pauvre trahit le pape François ». Il a conclu : « Vive notre pape François ! »
Dans son discours le pape a admiré la rare beauté des paysages, mais aussi des populations aux 36 langues locales et « l’unité » du pays « dans la diversité ».
Le pape a recommandé « un esprit de collaboration citoyenne, de dialogue et de participation des individus et des acteurs sociaux dans les questions qui intéressent tout le monde ».
Il a mis en garde contre toute exclusion : « Le progrès intégral d’un peuple comprend la croissance des personnes dans les valeurs et la convergence sur des idéaux communs qui réussissent à unir les volontés sans exclure ni rejeter personne. »
Il a rappelé l’importance du rôle de l’Eglise au service des plus petits, avant de rappeler cette exigence inhérence à la foi: « On ne peut pas croire en Dieu Père sans voir un frère en toute personne, et on ne peut pas suivre Jésus sans donner sa vie pour ceux pour qui il est mort sur la croix. »
Il a particulièrement insisté sur la place des jeunes et des personnes âgées avant d’invoquer Notre Dame de Copacabana « reine de la Bolivie ».
Voici le discours complet du pape.
Discours du pape François à l’aéroport El Alto
Monsieur le Président,
Distinguées Autorités,
Frères dans l’épiscopat,
Chers frères et sœurs,
Au commencement de cette visite pastorale, je désire adresser mon salut à tous les hommes et à toutes les femmes de Bolivie, avec mes meilleurs souhaits de paix et de prospérité. Je remercie le Président de l’État Plurinational de Bolivie pour l’accueil chaleureux qu’il m’a réservé et pour ses courtoises paroles de bienvenue. Je remercie aussi Mesdames et Messieurs les Ministres et les Autorités de l’État, des Forces Armées et de la police nationale, qui ont eu la bonté de venir me recevoir. À mes frères dans l’épiscopat, aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux fidèles chrétiens, à toute l’Église pèlerine en Bolivie, je veux exprimer mes sentiments de fraternelle communion dans le Seigneur. Je porte dans mon cœur particulièrement les enfants de cette terre qui pour de multiples raisons ont dû chercher “une autre terre” qui les accueille, un autre lieu où notre mère les rende féconds et leur donne une possibilité de vie.
Je suis heureux de me trouver dans ce pays d’une beauté singulière, béni par Dieu dans ses diverses régions : le haut-plateau, les vallées, les terres amazoniennes, les déserts, les lacs incomparables ; le préambule de sa Constitution l’a scellé de façon poétique : « Dans des temps immémoriaux, des montagnes se dressèrent, des fleuves se déplacèrent, des lacs se formèrent. Notre Amazonie, notre Chaco, notre haut-plateau, nos plaines et nos vallées se couvrirent de plantes et de fleurs », et cela me rappelle que « le monde est plus qu’un problème à résoudre, il est un mystère joyeux que nous contemplons dans la joie et dans la louange » (Encyclique Laudato si’, n. 12). Mais surtout une terre bénie dans ses habitants, avec sa réalité culturelle et ethnique bigarrée, qui constitue une grande richesse et un appel permanent au respect mutuel et au dialogue : peuples autochtones millénaires et peuples autochtones contemporains ; que de joie nous donne de savoir que le castillan apporté dans ces terres coexiste aujourd’hui avec 36 idiomes autochtones, se mélangeant – comme le rouge et le jaune le font dans les fleurs nationales de kantuta et patujú – pour donner beauté et unité dans la diversité. Dans cette terre et dans ce peuple s’est enracinée avec force l’annonce de l’Évangile, qui au long des années a éclairé la vie commune, contribuant au développement du peuple et promouvant la culture.
Comme hôte et pèlerin, je viens pour confirmer la foi des croyants en Jésus Christ ressuscité, pour que nous qui croyons en Lui, pendant notre pèlerinage en cette vie, nous soyons témoins de son amour, ferment d’un monde meilleur, et nous collaborions à la construction d’une société plus juste et solidaire.
La Bolivie fait des pas importants pour inclure d’amples secteurs dans la vie économique, sociale et politique du pays ; elle dispose d’une constitution qui reconnaît les droits des individus, des minorités, de l’environnement, et elle a des institutions sensibles à ces réalités. Tout cela demande un esprit de collaboration citoyenne, de dialogue et de participation des individus et des acteurs sociaux dans les questions qui intéressent tout le monde. Le progrès intégral d’un peuple comprend la croissance des personnes dans les valeurs et la convergence sur des idéaux communs qui réussissent à unir les volontés sans exclure ni rejeter personne. Si la croissance est seulement matérielle, on court toujours le risque de revenir à créer de nouvelles différences, que l’abondance de certains se construise sur les manques des autres. C’est pourquoi, au-delà de la transparence institutionnelle, la cohésion sociale demande un effort dans l’éducation des citoyens.
Ces jours-ci, j’aimerais encourager la vocation des disciples du Christ à communiquer la joie de l’Évangile, à être sel de la terre et lumière du monde. La voix des Pasteurs, qui doit être prophétique, parle à la société au nom de la mère Église, à partir de son option préférentielle et évangélique pour les laissés-pour-compte. La charité fraternelle, expression vivante du commandement nouveau de Jésus, s’exprime dans des programmes, des œuvres et des institutions qui cherchent la promotion intégrale de la personne, ainsi que le soin et la protection des plus vulnérables. On ne peut pas croire en Dieu Père sans voir un frère en toute personne, et on ne peut pas suivre Jésus sans donner sa vie pour ceux pour qui il est mort sur la croix.
À une époque où si souvent on tend à oublier ou à confondre les valeurs fondamentales, la famille mérite une attention spéciale de la part des responsables du bien commun, parce qu’elle est la cellule fondamentale de la société, qui apporte des liens solides d’union sur lesquels se fonde la vie humaine en commun et, à travers la procréation et l’éducation de ses enfants, assure le renouvellement de la société.
L’Église ressent aussi une préoccupation particulière pour les jeunes qui, engagés dans la foi et dans de grands idéaux, sont une promesse d’avenir, « sentinelles qui annoncent les premiers feux de l’aurore et le nouveau printemps de l’
Évangile » (Message pour la XVIIIème Journée mondiale de la jeunesse, n. 6). Prendre soin des enfants, faire en sorte que la jeunesse s’engage sur de nobles idéaux est une garantie d’avenir pour une société. Une société qui trouve sa propre réassurance quand elle valorise et estime ses personnes âgées et en prend soin ; quand elle fait le choix de donner vie à une ‘‘culture de la mémoire’’ qui garantit aux personnes âgées non seulement la qualité de la vie dans leurs vieux jours mais la chaleur, comme l’exprime bien votre Constitution.
Monsieur le Président, chers frères, merci d’être ici. Ces journées nous permettront d’avoir de véritables moments de rencontre, de dialogue et de célébration de la foi. Je le fais, heureux de me trouver dans cette patrie qui se définit pacifique, qui promeut la culture de la paix et le droit à la paix.
Je place cette visite sous la protection de la très sainte Vierge de Copacabana, Reine de la Bolivie, et je lui demande de protéger tous ses enfants. Merci beaucoup et que le Seigneur vous bénisse. Jallalla Bolivia !
[Texte original: Espagnol]© LEV