« Un trou noir » qui engloutit la vie, une « gifle » aux promesses et aux sacrifices « que l’on a joyeusement remis à la vie que nous avons fait naître » : ce sont les paroles utilisées par le pape François à l’audience générale de la semaine dernière, le mercredi 17 juin (« Le travail de l’amour de Dieu, plus fort que le travail de la mort »), pour décrire la souffrance qu’éprouvent les parents à la mort d’un enfant.
Andreana Bassanetti, mère d’une jeune fille qui s’est ôté la vie, était présente à l’audience et elle a pu embrasser le pape. Elle avait naguère rencontré Benoît XVI et auparavant saint Jean-Paul II. Elle a fondé l’association italienne « Figli in cielo » (« Enfants au ciel »). Elle confie au micro de Radio Vatican en italien comment la découverte de Dieu l’a arrachée de l’état d’anéantissement dans lequel elle était tombée et sa rencontre avec le pape François.
« Nous avons senti la forte étreinte de ce pape extraordinaire qui dit toujours de merveilleuses choses et qui aujourd’hui nous a parlé. Et les choses qu’il a dites sont au fond les choses que nous vivons à l’intérieur de l’Eglise, cherchant à évangéliser notre douleur et notre deuil. Nous sentions cette étreinte et, grâce au ciel, j’ai eu l’occasion de la sentir aussi avec le Saint-Père, une bonne étreinte qui va au-delà de nous, qui serre dans ses mains bras la terre et le ciel. »
« Je suis psychothérapeute donc j’ai l’habitude de suivre les jeunes adolescents, ce qui est la période la plus difficile. Et je croyais avoir tout fait correctement avec ma fille et l’autre garçon. Or Camilla, c’est le nom de ma fille, était très fragile, et elle prenait sur elle tous les problèmes des autres, elle n’osait pas réagir. C’était l’éternelle discussion entre nous. Je lui disais toujours qu’elle devait se défendre. Imaginez, à 21 ans elle avait écrit dans son journal intime : « Je n’ai jamais offensé quiconque ». Donc sa première expérience affective ne s’est pas super bien passée, elle a commencé à moins manger, je voyais apparaître chez elle tous ces symptômes que l’on me raconte généralement durant les thérapies. Je me suis inquiétée et je l’ai confiée à un psychologue que je connaissais et qui me semblait une personne de toute confiance, mais qui n’a pas bien su gérer la situation avec des conséquences terribles pour ma fille. Depuis, celle-ci ne s’est plus reprise, a dû recourir à des médicaments … Bref, Camilla ne supportait plus cette souffrance qu’elle avait au fond d’elle, qui était intolérable, et elle s’est jetée du balcon de notre maison, au sixième étage. Le plus étrange, c’est que du sixième étage elle est arrivée au sol intacte, miraculeux ! Je me dis que quelqu’un la doucement déposée sur l’autel de la terre comme une offrande au Seigneur. J’aime penser à cela comme ça, car comme âme pure il n’existait pas mieux que Camilla … »
« J’étais tellement au fond de ce trou noir que je ne cherchais même pas Dieu, je l’avais carrément mis de côté. Et en effet je voulais me laisser mourir. J’ai vu que même si je voulais me relever, je n’avais pas la force de le faire, mon corps était détaché de mon esprit. Alors j’ai appelé le médecin, car je me sentais responsable de mon autre enfant, et le médecin m’a ordonné de faire au moins un tour du pâté de maison une fois par jour. J’étais très faible, il y avait beaucoup de brouillard. Je suis sortie en fin d’après-midi pour ne rencontrer personne. Mais j’ai vu que mes jambes étaient un peu fatiguées et j’ai cherché un endroit pour reprendre des forces avant de rentrer. Tout à coup j’ai vu dans le brouillards une petite lueur, tout au fond, et puis au fur et à me mesure que je m’approchais, la silhouette d’une église. Je me suis approchée et sous la petite lumière il y avait une porte et entre la lumière et la porte un écriteau sur lequel était écrite cette phrase incroyable qui encore aujourd’hui guide ma vie : « Venez à l’écart avec moi ». Ce verset, alors que j’étais toute fragile, m’a transpercée. Je suis entrée, j’ai vu à l’écart une petite chapelle allumée où des jeunes étaient en adoration, et là j’ai eu le premier souffle de vie, je me suis dit: « S’il existe des jeunes filles avec ces visages, Camilla n’est peut-être pas morte. » C’est là que tout a commencé pour moi. Dans l’obscurité, j’étais derrière une colonne, comme si j’avais honte d’être là. J’ai vu que je n’étais plus fatiguée et suis rentrée à la maison. Mais j’avais la certitude dans les moments les plus sombres de revenir en ce lieu où je sentais cette forte présence, cette grande chaleur. C’est pourquoi je dis aux familles qui marchent aujourd’hui avec moi: ne subissons pas une douleur aussi grande, nous avons été appelés là, comme Marie, à vivre ce terrible mais précieux événement qui nous colle au Christ et à sa croix. »