Soixante-quinze ans après l’Appel du 18 juin, marquant le début de la résistance française durant la seconde guerre mondiale, le pape François lance un autre appel à travers son encyclique sur l’écologie publiée ce jour : un appel à une écologie intégrale, un appel au dialogue, un appel à refuser la résignation face à la dégradation de l’environnement.
« Rien n’est perdu », disait le général de Gaulle ; « tout n’est pas perdu », affirme le pape François confronté au défi mondial de « réparer les dommages causés par les abus humains à l’encontre de la création de Dieu » (« Loué sois-tu », n. 205).
L’appel du pape
D’emblée, il explique ses motivations, exprimant son inquiétude pour « cette sœur [qui] crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle… La violence qu’il y a dans le cœur humain blessé par le péché se manifeste aussi à travers les symptômes de maladie que nous observons dans le sol, dans l’eau, dans l’air et dans les êtres vivants » (2).
Le pape cite sa source principale, saint François d’Assise, dont il a pris le nom « comme guide et inspiration » : « François est l’exemple par excellence de la protection de ce qui est faible et d’une écologie intégrale, vécue avec joie et authenticité » (10).
Et il explique son appel à « une nouvelle solidarité universelle » : « J’adresse une invitation urgente à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète. Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous. » (14)
Les mots-clés de la réponse du pape, ce sont le « dialogue » et la « conversion » écologique : après un aperçu des différents aspects de la crise écologique actuelle et notamment l’analyse de ses racines, le pape propose un parcours éthique et spirituel, comprenant « des grandes lignes de dialogue et d’action qui concernent aussi bien chacun de nous que la politique internationale » (15) et qui sont « à même de nous aider à sortir de la spirale d’autodestruction dans laquelle nous nous enfonçons » (163).
Avec le regard de Jésus
Le pape ne se voile pas la face mais il entre dans la tragédie mais avec « le regard de Jésus », ce qui lui permet d’affirmer dans l’espérance : « les choses peuvent changer… L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire notre maison commune » (13).
« Jésus, explique-t-il, vivait en pleine harmonie avec la création… Il n’apparaissait pas comme un ascète séparé du monde ou un ennemi des choses agréables de la vie… Jésus travaillait de ses mains, au contact direct quotidien avec la matière créée par Dieu pour lui donner forme avec son habileté d’artisan » (98).
Jésus « était lui-même en contact permanent avec la nature et y prêtait une attention pleine d’affection et de stupéfaction. Quand il parcourait chaque coin de sa terre, il s’arrêtait pour contempler la beauté semée par son Père, et il invitait ses disciples à reconnaître dans les choses un message divin » (97).
A travers lui, « une Personne de la Trinité s’est insérée dans le cosmos créé, en y liant son sort jusqu’à la croix. Dès le commencement du monde, mais de manière particulière depuis l’Incarnation, le mystère du Christ opère secrètement dans l’ensemble de la réalité naturelle, sans pour autant en affecter l’autonomie » (99).
Quand tout est lié
Pour le pape, tout est lié : « la préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres, l’engagement pour la société et la paix intérieure » sont inséparables (10). C’est pourquoi il faut une « écologie intégrale ».
« Quand on ne reconnaît pas, dans la réalité même, la valeur d’un pauvre, d’un embryon humain, d’une personne vivant une situation de handicap on écoutera difficilement les cris de la nature elle-même. Tout est lié. Si l’être humain se déclare autonome par rapport à la réalité et qu’il se pose en dominateur absolu, la base même de son existence s’écroule » (117).
« Puisque tout est lié, la défense de la nature n’est pas compatible non plus avec la justification de l’avortement. Un chemin éducatif pour accueillir les personnes faibles de notre entourage, qui parfois dérangent et sont inopportunes, ne semble pas praticable si l’on ne protège pas l’embryon humain, même si sa venue cause de la gêne et des difficultés », ajoute-t-il (120).
C’est pourquoi « la culture écologique ne peut pas se réduire à une série de réponses urgentes et partielles aux problèmes qui sont en train d’apparaître par rapport à la dégradation de l’environnement, à l’épuisement des réserves naturelles et à la pollution. Elle devrait être un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique » (111).
Tout est lié donc, et dans « l’écologie de la vie quotidienne », il existe aussi une « corrélation » entre « l’espace où vivent les personnes » et la conduite humaine : « quand un environnement est désordonné, chaotique ou chargé de pollution visuelle et auditive, l’excès de stimulations nous met au défi d’essayer de construire une identité intégrée et heureuse » (147).
Le pape dénonce « l’extrême pénurie que l’on vit dans certains milieux qui manquent d’harmonie, d’espace et de possibilités d’intégration », facilitant « l’apparition de comportements inhumains et la manipulation des personnes par des organisations criminelles » (149).
Il invite à « prendre soin des lieux publics, du cadre visuel et des signalisations urbaines » (151) ainsi que la qualité du transport, « qui est souvent une cause de grandes souffrances pour les habitants » (153).
Au-delà de ces constats, affirme-t-il, « l’amour est plus fort » : « Dans ces conditions, beaucoup de personnes sont capables de tisser des liens d’appartenance et de cohabitation, qui transforment l’entassement en expérience communautaire où les murs du moi sont rompus et les barrières de l’égoïsme dépassées. » (149)