Pope Francis meeting the Italian Superior Council of the Magistracy (CSM)

PHOTO.VA - OSSERVATORE ROMANO

Pas de répression sans éducation, recommande le pape aux magistrats

Print Friendly, PDF & Email

Le pape François reçoit les membres du Conseil supérieur de la magistrature italien au Vatican : éducation, répression, droits humains à l’ordre du jour. Traduction intégrale.

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

Pour le pape, en particulier quand il s’agit des jeunes, la répression doit s’accompagner de l’éducation : « Il est nécessaire d’intervenir non seulement dans le moment de la répression, mais aussi dans celui de l’éducation, adressé en particulier aux nouvelles générations. »

Le pape François a reçu en audience les membres du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM), samedi 13 juin 2015, dans la Salle Clémentine du Palais apostolique.

Le pape revient sur la notion de « colonisation idéologique » et évoque des « cultures, économiquement développées mais éthiquement affaiblies ».

Le pape a mis en garde contre de fausses conception des droits et de la dignité de la personne, invitant à ne pas « abuser de cette catégorie en voulant y faire rentrer des pratiques et des comportements qui, au lieu de promouvoir et de garantir la dignité humaine, en réalité la menacent ou la violent carrément ».

Voici notre traduction intégrale du message du pape François aux magistrats italiens.

Discours du pape François

Monsieur le Vice-Président, Messieurs les Conseillers,

Chers frères et sœurs, bonjour !

Je désire avant tout vous exprimer mes vœux les plus sincères pour la charge qui a été assignée à chacun de vous à la suite du renouvellement du Conseil supérieur de la Magistrature. Cette charge est une responsabilité dont vous avez pleinement conscience et qui constitue un point d’équilibre et de stabilité fondamental pour l’exercice de la fonction juridictionnelle.

La juridiction revêt aujourd’hui une complexité croissante, en considération de la multiplication des intérêts et des droits qui demandent à être comparés et qui ne peuvent pas toujours trouver dans la législation une réponse précise et pleine devant la diversité des cas concrets.

La mondialisation elle-même – comme cela a été rappelé de façon opportune – porte en effet avec elle des aspects de confusion et de désorientation possibles, comme quand elle devient un moyen pour introduire des usages, des conceptions, et même des normes, étrangères à un tissu social, entraînant la détérioration des racines culturelles de réalités qui doivent au contraire être respectées ; et ceci est l’effet de tendances appartenant à d’autres cultures, économiquement développées mais éthiquement affaiblies (cf. Exhortation apostolique Evangelii Gaudium, 62). J’ai bien souvent parlé des colonisations idéologiques en me référant à ce problème.

Dans un tel contexte de secousses profondes des racines culturelles, il est important que les autorités publiques et, parmi celles-ci, les autorités juridictionnelles, utilisent l’espace qui leur est accordé pour donner une stabilité et rendre plus solides les bases de la coexistence humaine en se réappropriant les valeurs fondamentales.

Le christianisme a offert à ces valeurs le fondement véritable et le plus adéquat : l’amour de Dieu, qui est inséparable de l’amour du prochain (cf. Mt 22,34-40).

À partir de ces bases, des phénomènes comme l’expansion de la criminalité, dans ses expressions économiques et financières, et le fléau de la corruption qui affectent même les démocraties les plus évoluées, peuvent trouver un frein efficace. Il est nécessaire d’intervenir non seulement dans le moment de la répression, mais aussi dans celui de l’éducation, adressé en particulier aux nouvelles générations, en offrant une anthropologie – qui ne soit pas relativiste – et un modèle de vie en mesure de répondre aux aspirations élevées et profondes de l’esprit humain. Dans ce but, les institutions sont appelées à retrouver une stratégie de longue haleine, orientée à la promotion de la personne humaine et de la coexistence pacifique.

Tous ceux qui sont investis d’une fonction juridictionnelle contribuent à cette œuvre de construction, et je crois même en première ligne. Bien que, comme vous l’avez justement souligné, les juges soient appelés à intervenir en cas de violation de la règle, il est aussi vrai que la réaffirmation de la règle n’est pas seulement un acte adressé à la personne en tant que telle, mais qu’elle dépasse toujours le cas individuel pour concerner la communauté dans son ensemble. En ce sens, tout verdict judiciaire dépasse la limite du procès singulier pour s’ouvrir et devenir l’occasion pour toute la communauté (« le peuple » au nom duquel sont prononcées les sentences) de se retrouver autour de cette règle, d’en réaffirmer la valeur et ainsi, ce qui est encore plus important, de s’identifier à elle.

Justement, ensuite, en cette période, un accent particulier est mis sur le thème des droits de l’homme, qui constituent le noyau fondamental de la reconnaissance de la dignité essentielle de l’homme. Cela doit être fait sans abuser de cette catégorie en voulant y faire rentrer des pratiques et des comportements qui, au lieu de promouvoir et de garantir la dignité humaine, en réalité la menacent ou la violent carrément.

La justice ne se fait pas de manière abstraite mais en considérant toujours l’homme dans sa valeur réelle, comme être créé à l’image de Dieu et appelé à en réaliser, sur cette terre, la ressemblance.

Parmi ceux qui ont été fascinés par cette tâche – et qui ont donné leur vie pour elle – je veux moi aussi évoquer, en m’associant à vous, Monsieur le Vice-Président, la figure de Vittorio Bachelet, qui a occupé votre charge et a été tué il y a trente-cinq ans. Que son témoignage d’homme, de chrétien et de juriste continue d’animer votre engagement au service de la justice et du bien commun.

© Traduction de Zenit, Constance Roques

Share this Entry

Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel