France : Vincent Lambert appelle à un surcroît d’humanité

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Réflexions de Mgr Pierre d’Ornellas, Mgr Thierry Jordan et Mgr Bruno Feillet après l’arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme validant l’arrêt d’alimentation et d’hydratation.

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« Avons-nous le cœur assez ouvert pour considérer [Vincent Lambert] comme une personne capable, dans son état pauci-relationnel sans manifestations de conscience, de nous apporter quelque chose ? Ne nous appelle-t-il pas à un surcroît d’humanité ? Cela est sans doute difficile, voire douloureux, d’entendre cet appel, mais il nous oblige à la réflexion, à bouger nos habitudes », affirme Mgr d’Ornellas.

Le Français Vincent Lambert est dans un état dit « pauci-relationnel » depuis un grave accident de voiture en 2008, à l’âge de 32 ans. Il est au cœur de procédures judicaires depuis 2013, au sein d’une famille divisée. Le 5 juin dernier, la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a validé l’arrêt d’alimentation et d’hydratation autorisée par le Conseil d’État en 2014.

Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes chargé des questions bioéthiques pour les évêques de France, revient sur cette décision dans les pages du quotidien La Croix.

Nous sommes face à une personne vivante !

« Nous sommes face à une personne vivante ! Et plus elle est vulnérable, plus nous avons à la soutenir, à la protéger. Il est donc normal de nourrir et d’hydrater notre frère, même si c’est de manière artificielle », déclare l’archevêque.

Il s’interroge : « Avons-nous le cœur assez ouvert pour le considérer comme une personne capable, dans son état pauci-relationnel sans manifestations de conscience, de nous apporter quelque chose ? Ne nous appelle-t-il pas à un surcroît d’humanité ? Cela est sans doute difficile, voire douloureux, d’entendre cet appel, mais il nous oblige à la réflexion, à bouger nos habitudes. »

« De telles vies nous bousculent, mais elles ne sont pas inutiles, comme d’ailleurs aucune vie humaine… L’argument de l’utilité ou de l’inutilité d’une vie est irrecevable, comme celui d’une vie qui, à un moment donné, perdrait sa qualité de vie humaine », insiste-t-il.

En outre, « ce n’est pas parce que nous ne pouvons pas saisir des expressions de la conscience, qu’il n’y a pas de conscience. La conscience ne se réduit pas à ses manifestations par les sens ou par la neuroimagerie. Dans le cas de Vincent Lambert, il est précisé qu’il n’y a pas d’encéphalogramme plat, même si certaines parties du cerveau sont très abîmées ».

Mgr d’Ornellas souligne que « l’arrêt de l’hydratation et la cessation de la nutrition peuvent être jugées « bienfaisants » si ces soins de base causent en eux-mêmes une souffrance, ou bien s’ils aggravent l’état de santé de Vincent. Or, d’après ce que dit la CEDH, à la suite du Conseil d’État, on est aujourd’hui incapable de savoir s’il souffre ou non ».

Le devoir de protection du plus vulnérable

Dans tous les cas, il préconise de garder deux attitudes : « la protection de la vie de l’être humain, et le respect de la liberté humaine. Cela signifie que lorsqu’une personne choisit de ne pas subir des traitements qu’elle juge inutiles ou disproportionnés, il faut respecter sa liberté », en vérifiant cependant « que la personne peut prendre une décision, qu’elle n’est pas profondément dépressive, qu’elle est éclairée, qu’elle reconnaît les conséquences de son choix ».

L’archevêque s’inquiète que « la CEDH n’ait pas mis plus en avant le devoir de protection du plus vulnérable. Ce devoir fondamental est valable pour tous les cas. Ce devoir éthique devrait inspirer toutes les décisions de justice en la matière, quelle que soit leur issue ».

Il donne les éléments pour exercer un discernement éthique, au cas par cas : « L’Église rappelle un principe simple, qui s’applique à chaque cas : aimer la personne vulnérable. Au nom de cet amour-là, il est nécessaire d’acquérir la compétence pour trouver l’acte médical bienfaisant ».

Aimer signifie accompagner la personne « dans toutes les dimensions de son existence: son droit à la vie, à la relation, à la liberté, à l’accompagnement y compris dans les questions métaphysiques et religieuses qui l’habitent », en « respectant sa conscience, dans son passage vers la destinée éternelle, sans provoquer délibérément sa mort ».

Une loi inscrite au plus profond du cœur de l’homme

Mgr Thierry Jordan, archevêque de Reims, et Mgr Bruno Feillet, évêque auxiliaire – Vincent Lambert est accueilli à l’hôpital Sébastopol de Reims – ont aussi publié une réflexion intitulée « Choisis la vie ».

« Il s’agit d’abord d’une personne polyhandicapée en état de conscience minimale et non d’une affaire. M. Vincent Lambert n’est, strictement parlant, ni malade, ni en fin de vie. Sommes-nous dans le cas d’une obstination déraisonnable ? Nous ne pensons pas que nourrir une personne qui ne peut plus s’alimenter puisse être confondu avec une thérapie », écrivent-ils.

Ils rappellent « que la dignité d’une personne ne dépend pas de son utilité pour la société, de son autonomie, ni de la conscience qu’elle pourrait avoir éventuellement d’elle-même » mais « de Dieu qui a créé chacun à son image et pour qui Jésus-Christ a donné sa vie ».

Les évêques invitent à « retrouver un débat à la hauteur des enjeux : la vie. La vie de Vincent Lambert et des 1500 personnes qui partagent sa condition sur notre territoire national. Il serait plus que regrettable que notre pays se donne le droit de transgresser une loi qui est inscrite au plus profond du cœur de l’homme : « tu ne tueras point ». D’autant plus qu’il existe des hommes et des femmes ainsi que des institutions prêts à accueillir Vincent Lambert tel qu’il est ».

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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