Spécial 10e anniversaire: la prière de Jean-Paul II, par Mgr Boccardo

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« Dans l’intimité de Jean-Paul II » (EdB 2014)

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“On a tout dit sur Jean-Paul II”, fait observer Mgr Renato Boccardo dans son livre “Dans l’intimité de Jean-Paul II” (EdB 2014, édition numérique ou papier), pourtant, dans ces pages sur la prière de saint Jean-Paul II (ch. III), il permet de saisir le ressort profond du pontificat et de la personnalité de Karol Wojtyla, en ce soir où l’on célèbre le 10e anniversaire de sa “naissance au Ciel”, le 2 avril 2005: sa capacité de « dialoguer » sans cesse avec Dieu.

Mgr Boccardo, archevêque de Spolète et Nursie, a été l’un des plus proches collaborateurs de Jean-Paul II pendant plus de vingt ans, notamment dans l’oeuvre qui lui tenait probablement le plus à coeur: les Journées mondiales de la jeunesse.

Merci à Mgr Renato Boccardo et aux Editions des Béatitudes pour leur aimable autorisation de reproduire ces bonnes feuilles.

La prière de Jean-Paul II

On a tout dit sur Jean-Paul II durant sa vie et après sa mort, et on l’a qualifié de toutes sortes de titres : théologien, philosophe, poète, acteur, communicateur. Tous sont vrais, mais il me semble que la définition exacte, celle qui dévoile le plus le secret de sa vie, est justement celle d’« homme de prière ».

Dès les toutes premières fois où j’ai eu l’occasion d’être proche de lui, j’ai été frappé par sa capacité à entrer en dialogue avec Dieu. Même lorsqu’il se trouvait au milieu d’un million de personnes qui chantaient, hurlaient, applaudissaient, le Pape se mettait à genoux et priait comme s’il était seul. Autour de lui, le monde disparaissait, on le voyait en dialogue avec Dieu. Je crois que là se trouve sa caractéristique fondamentale, qui explique toutes les autres. Au cours de ses déplacements ou à la maison, passant d’une pièce à l’autre dans le couloir, ou pendant ses voyages, en avion, en voiture, en bateau, en hélicoptère, il ne lâchait jamais son chapelet. Pendant tous les moments de silence ou de pause, on le voyait murmurer quelque chose. Avant chaque célébration liturgique, que ce soit à Rome ou en déplacement dans le monde, après avoir salué les personnes présentes, s’être informé sur le programme et avoir commencé à endosser les vêtements liturgiques, il ne parlait plus et commençait à prier à mi-voix. Je ne sais ce qu’il disait, mais on l’entendait murmurer continuellement. Et ainsi pendant toute la messe. Quand il revenait à la sacristie, il se mettait à genoux par terre et, mettant la tête entre ses mains, il commençait sa prière d’action de grâce, prenant tout son temps. Bien souvent, au cours des voyages, il fallait respecter le programme. Aussi, après quelque temps, nous osions nous approcher de lui pour lui dire à voix basse : « Il faut que nous y allions. » Plus d’une fois, nous regardant, il répondit : « Un moment. » Il voulait d’abord finir sa prière, c’était là le plus important.

Dans sa chapelle au Vatican, où il célébrait la messe chaque matin, se trouvait devant l’autel un prie-Dieu avec un siège. Son secrétaire mettait sous le petit coussin où il s’agenouillait des petits papiers portant les intentions que les gens confiaient à la prière du Pape. Quand, plusieurs fois par jour, Jean-Paul II entrait à la chapelle, il soulevait le coussin, ramassait les petits feuillets et les lisait un par un, prenant ainsi dans sa prière toutes les intentions qui lui étaient confiées.

Homme de prière, donc, qui a rendu son ministère fécond parce qu’il n’a cessé de le relier à la source intarissable qu’est le Seigneur Jésus. Ce dialogue avec Dieu était pour lui source d’une sagesse particulière qui lui permettait d’interpréter les événements de l’Histoire, de pouvoir prononcer des paroles, donner des enseignements si forts et si courageux qui ont impressionné et secoué la conscience du monde. De cette amitié profonde avec le Seigneur, il tirait sa capacité à donner des indications et orientations, à voir que rien n’arrive par hasard. Il savait relier ensemble les divers événements : combien de fois a-t-il parlé du siècle passé, commencé par une guerre, la Première Guerre mondiale, et qui s’est aussi achevé sur une guerre, toujours sur la terre de l’ex-Yougoslavie, voyant combien le mystère du mal et de l’iniquité continue à envelopper l’Histoire des hommes. Une Histoire qui ne peut être rachetée que par la présence et le sacrifice du Christ Sauveur. Le Pape savait voir comment la providence de Dieu guide les événements, même quand ils n’apparaissent pas immédiatement positifs. Cette sagesse et cette intelligence provenaient de sa communion profonde avec le Seigneur, de la forte capacité qu’il avait à entrer en dialogue avec Lui.

Il priait autant quand il était à Rome, bien sûr. Don Stanislas me racontait qu’entre le départ d’un invité et l’arrivée du suivant, dans les quelques minutes qu’il avait, le Pape égrenait son chapelet et priait deux ou trois Ave Maria.

L’autre caractéristique importante est sa grande humanité, sa spontanéité, son attention aux personnes. En 1991, alors qu’il était en vacances dans le Val d’Aoste aux Combes d’Introd, nous avions organisé une visite à Suse. Pendant la préparation, je lui parlai un peu du diocèse et de la ville. Je lui expliquai que les habitants se nomment les Segusini, du terme latin Segusium. Le terme l’avait particulièrement surpris et il ne l’avait plus oublié. Aussi chaque fois qu’il me voyait, il m’apostrophait ainsi : « Voilà le Segusino ! » Il était toujours attentif aux particularités de ceux qui étaient à ses côtés.

Je crois que si, aujourd’hui, le pape François peut s’exprimer de façon si paternelle et spontanée, c’est en partie grâce à l’humanisation de la figure du pape faite par Jean-Paul II. Comme lorsqu’il a annoncé à la fenêtre de l’Angélus : « Cet après-midi, je serai à l’hôpital. » C’était une chose impensable avant lui. Il a donné à la figure du pape une dimension humaine qui, jusque-là, était un peu comme en sourdine, un peu cachée, même si elle était déjà là. Rappelons-nous l’invocation de Paul VI à l’enterrement d’Aldo Moro, peu avant sa mort, où l’on voyait son humanité blessée. Mais je crois que Jean- Paul II, même avec ses ennuis de santé, a donné à percevoir l’humanité de l’homme qui est appelé à un si haut ministère.

© EdB 2014

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Renato Boccardo

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