Les réfugiés Irakiens, guidés par la Sainte-Famille

Entretien avec le P. Rifat Bader

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« Tous les trésors de la terre sont derrière eux, mais devant eux, il y a la Sainte Famille », la « première famille de réfugiés » : c’est ainsi que le P. Rifat Bader directeur du Centre catholique pour les études et les médias à Amman, résume la situation des Irakiens chrétiens qui ont fui la plaine de Ninive.

Le P. Rifat Bader curé de la paroisse de Naour en Jordanie, a remis au pape François une lettre de familles irakiennes chrétiennes réfugiées et un tableau représentant l’exode des Irakiens, après la messe à Sainte-Marthe, le 5 mars 2015. Il évoque sa rencontre avec le pape et la situation des réfugiés, pour les lecteurs de Zenit.

Il lance également un appel « aux agences humanitaires » et aux pays européens afin de soutenir matériellement les réfugiés et les pays frontières qui les accueillent.

« La guerre contre l’extrémisme est aussi une guerre contre l’humanité. C’est l’humanité qui est confrontée à ces groupes et à ces mentalités. Il faut que nous soyons unis dans la solidarité, pour promouvoir le dialogue, la coopération et les valeurs de la liberté et des droits de l’homme », ajoute-t-il.Zenit – Comment s’est passée votre rencontre avec le pape François ?

Père Bader – Je lui ai donné une lettre de la part des Irakiens chrétiens qui sont en Jordanie, en particulier des familles qui résident dans ma paroisse de Naour, l’église du Sacré-Cœur de Jésus, du patriarcat latin. Nous avons hébergé cinquante personnes depuis septembre jusqu’à maintenant et elles ont écrit une lettre pour Sa Sainteté, le remerciant pour ses prières et ses encouragements. Elles lui ont aussi demandé de prier pour les terroristes afin que que Dieu puisse les aider à prendre conscience de la dignité humaine et à redécouvrir leur humanité et l’humanité des autres. Actuellement, nous avons huit mille personnes réfugiées en Jordanie. Ils sont surtout soutenus grâce à l’aide de Caritas Jordanie, qui a ouvert de nombreux centres pour les héberger. Un de ces centres est ma paroisse de Naour.

Et puis j’ai aussi donné à Sa Sainteté cette image qui est dessinée par un réfugié irakien qui malheureusement ne veut pas révéler son nom parce qu’il a toujours peur. C’est le cas de beaucoup de nos frères et sœurs au Moyen-Orient, ils ont peur : peur de l’avenir, peur des autres.

Cet homme est vraiment un artiste. Il voulait avoir un souvenir et il a peint ce très joli tableau qui est impressionnant : cela représente l’exode des chrétiens d’Irak, en particulier à Mossoul et dans la région de Ninive et cela représente ce qu’ils ont laissé derrière eux.

Quelle est la signification de ce tableau ?

Sur la gauche, on voit un taureau ailé, un lamassu, qui représente la civilisation assyrienne, et les murs de Mossoul qui datent de centaines d’années, et bien sûr l’église. Le bâtiment de l’église est derrière eux. L’Église, en tant que foi, est dans leurs cœurs. C’est pour cela qu’avec les gens qui sortent d’Irak, on voit des prêtres, des religieuses, des vieillards, hommes et femmes, qui portent le vêtement traditionnel de Ninive et Mossoul. Il y a des personnes malades, portées par leur père, et des jeunes gens et jeunes filles qui quittent leur pays, pleins d’espoir dans l’avenir.

Mais sur ce tableau, les gens sont guidés par la Sainte Famille : saint Joseph, Marie et Jésus sur un âne. Pourquoi ? Parce que cette Sainte Famille, telle qu’elle est représentée sur cette image, est la première famille de réfugiés. Nous voyons aussi l’ange gardien qui protège la Sainte Famille et les familles d’Irak qui sont réfugiées… cette peinture est pleine de tristesse mais aussi pleine d’espoir. Nous espérons que, dans l’avenir, ils retourneront dans leur patrie pour maintenir les nombreux siècles de présence chrétienne dans la région… La foi chrétienne, représentée sur ce tableau, n’est pas quelque chose que nous pouvons vendre ou acheter. Elle est très précieuse : ils étaient prêts à être tués. Ils étaient comme les coptes, ils étaient prêts aussi à tout laisser derrière eux. Tous les trésors de la terre sont derrière eux, mais devant eux, il y a la Sainte Famille qui représente leur foi. Et sous le tableau, on voit un paragraphe de la lettre adressée par le Saint-Père aux chrétiens du Moyen-Orient ; le pape la leur avait envoyée l’avant-veille de Noël, l’année dernière. Elle dit ceci : « Vous êtes comme le levain dans la pâte… la plus grande source de richesse de la région est la présence des chrétiens eux-mêmes, votre présence. Merci pour votre persévérance ! »

Et sur le côté de ce paragraphe, il y a le logo de Caritas Jordanie, qui a beaucoup aidé ces réfugiés, et le logo de notre site, abouna.org, qui est le Centre catholique pour les études et les médias. Parce que nous avons suivi les étapes de la réalisation de ce tableau qui a demandé plusieurs semaines.

Quelle a été la réaction du pape ?

Dans ses yeux, j’ai vu combien il était impressionné. Il m’a tenu la main en disant : « Merci. Gardez la foi, gardez la foi ». Et je l’ai remercié au nom du peuple jordanien pour ses prières et je lui ai dit que nous priions pour lui.

Que peut-on faire pour aider ?

Aider les réfugiés est urgent : beaucoup n’ont pas de maison où habiter. Ils vivent dans de très mauvaises conditions.

Ici, à travers Zenit, je lance un appel aux agences humanitaires pour qu’elles aident Caritas qui fait un très bon travail mais qui souffre beaucoup d’être seule. Certaines aides arrivent mais ça ne suffit pas. Nous travaillons pour ouvrir de nouvelles écoles pour les enfants réfugiés, ce qui est très important, et nous avons besoin aussi de louer des maisons pour les réfugiés. Les gens qui se trouvent à Naour ont été aidés par l’ambassade des Émirats arabes unis et maintenant ils peuvent vivre dans des maisons, louées pour un an. Je pense que cet appel peut s’adresser à d’autres ambassades. Où sont les pays européens ? Actuellement, ils refusent de donner des visas à ces personnes. Qu’ils envoient au moins de l’aide ! Pour leur permettre de vivre dans des maisons… Ce sont les besoins concrets et urgents actuels et tout le monde peut aider.

La guerre contre l’extrémisme est une guerre de l’humanité. C’est l’humanité qui est confrontée à ces groupes et à ces mentalités. Il faut que nous soyons unis dans la solidarité, pour promouvoir le dialogue, la coopération et les valeurs de la liberté et des droits de l’homme.

Traduction de Constance Roques

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Junno Arocho Esteves

Newark, New Jersey, USA Bachelor of Science degree in Diplomacy and International Relations.

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