France : le pape François se rendra là où les papes ne sont pas encore allés

Rencontre avec la presse dans l’avion de Strasbourg à Rome

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Pour son voyage en France en 2015, le pape François se rendra à Paris, il est invité à Lourdes, et il souhaite aussi se rendre dans une ville où les papes ne sont pas encore allés: d’aucuns susurrent une ville du midi…

Le pape François a répondu à cinq questions lors de sa rencontre avec la presse sur l’avion de Strasbourg à Rome, mardi 25 novembre.

L’enseignement social catholique

A une question sur le programme de son voyage en France, confirmé pour 2015, le pape a répondu qu’il irait à Paris – incontournable -, qu’il y avait une « proposition d’aller à Lourdes », mais que pour sa part il souhaitait aussi se rendre dans « une ville dont les citoyens n’ont jamais eu l’occasion de saluer un pape ». Il précise que le programme n’est pas encore fixé. 

Pour l’éventualité – non retenue – d’une visite à la cathédrale de Strasbourg, le P. Lombardi a précisé que l »archevêque de Strasbourg, Mgr Jean-Pierre Grallet, avait offert au pape François « deux beaux volumes sur la cathédrale ». Mais la visite n’a pas été possible: c’était ajouter une visite « en France » à la visite aux institutions européennes. Le pape a dit sa « préoccupation » pour l’Europe, c’est la raison de sa venue, pour « aider ».

Un journaliste lui demande s’il est « social-démocrate », vu ses deux discours. Mais le pape proteste en souriant: « C’est du réductionnisme! ». Et il explique: « J’ose dire que cela vient de l’Evangile: c’est le message de l’Evangile, assumé par la doctrine sociale de l’Église. En cela, concrètement, et dans d’autres choses – sociales ou politiques – que j’ai dites, je ne me suis pas détaché de la doctrine sociale de l’Église. La doctrine sociale de l’Église vient de l’Évangile et de la tradition chrétienne. Ce que j’ai dit – l’identité des peuples – c’est une valeur évangélique, non? C’est dans ce sens-là que je le dis. Mais vous m’avez fait rire, merci! »

Pour un dialogue transversal

A propos de ses paroles sur un « pacte entre les générations », et sur la « transversalité » – dans son discours devant le Conseil de l’Europe -, le pape répond: « Le fait de la « transversalité »,  c’est important. Je l’ai vu dans les dialogues avec de jeunes politiciens, au Vatican, surtout de différents partis et nations: ils parlent avec une musique différente propice à la transversalité. C’est une valeur! Ils n’ont pas peur de sortir de leur appartenance, sans la nier, mais d’en sortir pour parler. Et ils sont courageux! Je pense que cela, nous devons l’imiter; et également le dialogue entre les générations. Ce « sortir » pour aller trouver des personnes d’autres « appartenances » et dialoguer: l’Europe a besoin de cela, aujourd’hui. »

Devant le Conseil de l’Europe – 47 nations, 900 millions d’habitants -, le pape a dit notamment: « L’autre défi que je voudrais mentionner est la transversalité. Je pars d’une expérience personnelle : dans les rencontres avec les politiciens de divers pays de l’Europe, j’ai pu remarquer que les politiciens jeunes affrontent la réalité avec une perspective différente par rapport à leurs collègues plus adultes. Ils disent peut-être des choses apparemment similaires, mais l’approche est différente. Cela s’observe chez les jeunes politiciens des divers partis. Cette donnée empirique indique une réalité de l’Europe contemporaine que l’on ne peut ignorer sur le chemin de la consolidation continentale et de sa projection future : tenir compte de cette transversalité qui se retrouve dans tous les domaines. Cela ne peut se faire sans recourir au dialogue, même inter-générationnel. Si nous voulions définir aujourd’hui le continent, nous devrions parler d’une Europe en dialogue, qui fait en sorte que la transversalité d’opinions et de réflexions soit au service des peuples unis dans l’harmonie. »

Il avait ajouté: « Emprunter ce chemin de communication transversale comporte non seulement une empathie générationnelle mais aussi une méthodologie historique de croissance. Dans le monde politique actuel de l’Europe, le dialogue uniquement interne aux organismes (politiques, religieux, culturels) de sa propre appartenance se révèle stérile. L’histoire aujourd’hui demande pour la rencontre, la capacité de sortir des structures qui « contiennent » sa propre identité afin de la rendre plus forte et plus féconde dans la confrontation fraternelle de la transversalité. Une Europe qui dialogue seulement entre ses groupes d’appartenance fermés reste à mi-chemin ; on a besoin de l’esprit de jeunesse qui accepte le défi de la transversalité. »

Le terrorisme, l’esclavage, l’anarchie

Une autre question a été posée au pape François dans l’avion de Strasbourg à Rome, sur le terrorisme international. Il avait dit, toujours au Conseil de l’Europe: « La paix est aussi mise à l’épreuve par d’autres formes de conflit, tels que le terrorisme religieux et international, qui nourrit un profond mépris pour la vie humaine et fauche sans discernement des victimes innocentes. Ce phénomène est malheureusement très souvent alimenté par un trafic d’armes en toute tranquillité. » Et il avait ajouté, à propos de l’esclavage: « La paix est violée aussi par le trafic des êtres humains, qui est le nouvel esclavage de notre temps et qui transforme les personnes en marchandises d’échange, privant les victimes de toute dignité. Assez souvent, nous notons également comment ces phénomènes sont liés entre eux. » La question portait sur la possibilité éventuelle d’un dialogue avec les extrémistes.

Le pape François, qui ne ferme jamais la porte, a répondu: « Je n’ai jamais considéré une cause comme perdue. Peut-être ne peut-on pas avoir de dialogue, mais ne jamais fermer la porte. C’est difficile, vous pouvez dire «presque impossible», mais la porte reste toujours ouverte. Vous avez employé deux fois le mot «menace»: c’est vrai, le terrorisme est une réalité qui menace … Mais l’esclavage est une réalité insérée dans le tissu social d’aujourd’hui, et depuis longtemps! Le travail-esclave, la traite des personnes, le commerce des enfants … c’est un drame! Ne fermons pas les yeux devant cela! L’esclavage est aujourd’hui une réalité, l’exploitation des personnes … Et puis il y a la menace de ces terroristes. Mais aussi une autre menace, et c’est le terrorisme d’Etat. Quand les choses montent, montent, montent et que chaque Etat considère qu’il a lui-même le droit de massacrer les terroristes et qu’avec les terroristes tombent beaucoup d’innocents. C’est une anarchie de haut niveau qui est très dangereuse. Il faut combattre le terrorisme, mais je répète ce que j’ai dit lors de mon voyage précédent: quand il faut arrêter un agresseur injuste, on doit le faire avec le consensus international. »

Les péchés des fils de l’Eglise

Dans ce même discours au Conseil de l’Europe, le pape François a parlé des « péchés des fils de l’Église ». Un journaliste lui pose la question d’une affaire de pédophilie présumée à Grenade (Argentine), que le pape lui-même a dénoncée. Le pape répond: « Une lettre m’a été adressée. Je l’ai lue. J’ai téléphoné à la personne et je lui ai dit: « Demain, tu vas voir l’évêque ». Et j’ai écrit à l’évêque de commencer le travail, de faire l’enquête, d’avancer. Comment j’ai reçu la nouvelle? Avec une grande douleur, une très grande douleur. Mais la vérité est la vérité. Nous ne devons pas la cacher. »

Le pape avait dit, dans son discours: « Le bienheureux Paul VI a défini l’Église « experte en humanité ». Dans le monde, à l’imitation du Christ, malgré les péchés de ses enfants, elle ne cherche rien d’autre que de servir et de rendre témoignage à la vérité. Rien d’autre que cet esprit ne nous guide dans le soutien du chemin de l’humanité. »

Dans son discours du Parlement européen aussi, le pape a parlé du péché – un mot ajouté au texte prévu -: « Et une histoire bimillénaire lie l’Europe et le christianisme. Une histoire non exempte de conflits et d’erreurs, et même de péchés, mais toujours animée par le désir de construire pour le bien. »

Le pape aime saint Joseph

Enfin, une question personnelle: « Vous êtes un dévot de saint Joseph? » Réponse: « … Mais oui! » Le journaliste insiste: « Dans votre chambre, vous avez une statue de lui? » Réponse: « Oui! Quand j’ai demandé une chose à saint Joseph, il me l’a toujours donnée. »

Mais le pape n’a pas parlé de se rendre à Cotignac, en Provence (département du Var), seul lieu au monde d’une apparition de saint Joseph: le journaliste, italien, n’a pas poussé plus loin ses questions. 

Rappelons que le 7 juin 1660, saint Joseph est apparu à un berger épuisé et assoiffé, Gaspard Ricard. Il lui dit en provençal, en désignant un rocher: « Je suis Joseph, soulève-le et tu boiras ». Le rocher était imposant: il faudra huit hommes pour le faire bouger. Joseph l’exhorte à nouveau. Le berger déplace le rocher et découvre une source d’eau fraîche. Il boit… Lorsqu’il se relève, l’apparition a disparu. De nombreux miracles furent ensuite attestés et la source continue de couler.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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