Mission de l’Église, pauvreté, écologie, famille, vocation, ministère épiscopal... sont quelques-uns des thèmes abordés par Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille, président de la Conférence des évêques de France, dans son discours de clôture de l’Assemblée plénière d’automne à Lourdes, ce 9 novembre 2014.
Il a souhaité en conclusion que les évêques de France révèlent à leurs contemporains « la véritable présence de Dieu dans l’histoire des hommes... par le témoignage lumineux de la vie des baptisés, par un engagement en faveur des plus pauvres et par des vies ecclésiales ouvertes et nourries à sa lumière ».
Discours de clôture de Mgr Pontier
L’Assemblée plénière qui s’achève nous a permis de porter un regard sur des sujets de société importants et sur des aspects de la mission de notre Église sur lesquels il sera bon de revenir. L’apport de M. Gilles Kepel sur les événements touchant le monde de l’islam au loin et chez nous nous a fourni un éclairage riche et consistant. Le P. Thierry Magnin nous a ouvert des perspectives au sujet des technosciences et des questions philosophiques et éthiques liées à leur usage et à leur développement. Nous avons continué à réfléchir à la relation entre hommes et femmes dans la vie de nos Églises diocésaines ainsi qu’aux initiatives prises en vue de l’éducation affective, relationnelle et sexuelle des jeunes. Le Conseil pour les Mouvements et Associations de Fidèles nous a fait travailler en mini-assemblées sur les nouveaux défis que nous avons à prendre en compte pour une présence missionnaire de l’Église dans les espaces ruraux et hyper-ruraux, et dans les mondes populaire et ouvrier. Ces échanges lucides et bienveillants nous invitent à faire confiance à ce qui naît et à encourager les initiatives locales. La présence de l’Église est réelle et attendue en raison de son impact social par les espaces de paroles qu’elle ouvre et les liens qu’elle tisse entre les personnes. Devant l’ampleur de la tâche, la parole du prophète Isaïe : « Élargis l’espace de ta tente » est ainsi un appel à prendre en compte et à soutenir la diversité réelle de tous ceux et celles qui œuvrent à la mission dans ces mondes.
Durant ces jours nous avons eu aussi connaissance du rapport annuel du Secours catholique sur les pauvretés. Ce qui en ressort, c’est que les pauvres sont de plus en plus pauvres. Et s’ajoute à cela le fait que la solitude et l’isolement les rendent de moins en moins visibles. Ce rapport attire notre attention sur les seniors précaires et les hommes seuls sans oublier les nombreuses familles monoparentales. Nous voilà renvoyés aux solidarités de proximité, aux regards fraternels, aux attentions qui permettent de tenir. Nous sommes tous concernés, l’État, les collectivités territoriales, les services sociaux, le tissu associatif et chacun de nous. La vie est dure pour beaucoup. Dans son exhortation apostolique « La joie de l’Évangile » le Pape François nous encourage de bien des manières : « Il est indispensable de prêter attention aux nouvelles formes de pauvreté et de fragilité dans lesquelles nous sommes appelés à reconnaître le Christ souffrant, même si en apparence cela ne nous apporte pas des avantages tangibles et immédiats. » (n°210). Ne cessons pas de nous renouveler dans les formes de proximité et d’engagements avec les plus pauvres, dans l’esprit suscité lors du rassemblement Diaconia ici même à Lourdes en 2013.
Dans un an, en décembre 2015, Paris accueillera une grande conférence sur le climat (COP21). Pour beaucoup cette conférence sera cruciale en ce qui concerne les conditions de vie de l’humanité toute entière.
Voici deux ans, nous avons publié un texte intitulé « Enjeux et défis écologiques pour l’avenir », dans lequel nous invitions les communautés chrétiennes à se mobiliser et à s’engager. Plusieurs événements récents continuent de nous tenir en alerte sur le devenir de notre planète. L’évolution des écosystèmes naturels dont nous dépendons a de quoi nous préoccuper. Il faut que nous soyons tous persuadés d’une chose : le défi de la limitation des effets du dérèglement climatique est d’abord un enjeu de justice envers les plus pauvres et les plus vulnérables qui sont pour nous des frères et des sœurs.
Que cette conférence se déroule à Paris l’année prochaine, la même année où le pape François viendra lui-même à la rencontre de l’Église qui est en France, invite à une mobilisation importante de nos diocèses puisqu’il ne cesse de nous interpeller sur l’impact de cette « globalisation de l’indifférence » et sur la « culture de déchet » que nous laissons s’installer dans notre économie et nos relations sociales.
Ces défis planétaires sans précédent peuvent aussi être l’occasion d’une salutaire prise de conscience et devenir des opportunités pastorales pour inventer de nouveaux modes de vie. C’est également un grand chantier œcuménique, celui de témoigner ensemble de notre foi au Dieu créateur et de nous mobiliser pour rappeler aux dirigeants et responsables mondiaux, que le devenir de notre planète est un défi moral à long terme et non une lutte d’intérêts partisans à courte vue.
Cette semaine, notre prière commune nous a fait contempler le Christ. La lecture de la lettre de St Paul aux Philippiens nous l’a montré choisissant le chemin du dépouillement et celui du serviteur jusqu’à la croix pour nous sauver de tout orgueil, de tout péché. La lecture de l’évangile de St Luc lors des eucharisties et spécialement celle de la parabole de la brebis et de la drachme perdues nous montraient le visage et la sollicitude pour le pécheur d’un Dieu à la recherche de l’homme. Cela touche nos cœurs de pasteurs. Cela nous invite à avoir la même attitude à l’égard de tous ceux que la vie a conduits dans des situations de souffrance, de marginalité, de ceux que les pharisiens et les scribes appelaient publicains et pécheurs.
Nous accueillons cette interpellation de la Parole de Dieu d’une manière particulière, après le récent synode, en pensant aux familles. Nous sommes conviés à aller à la rencontre de chacun pour prendre sur nos épaules ceux qui sont blessés, pour les écouter, pour les guider sur le chemin de la guérison spirituelle, pour accompagner les pas de Dieu vers eux ainsi que leur écoute de l’Esprit qui vient en chacun tel le bon samaritain panser toute plaie. Le document issu du récent synode nous invite à purifier notre langage pour qu’il ne soit jamais blessant et à porter sur toute personne un regard d’espérance. Notre souci et notre devoir de rappeler ce qui est ajusté aux appels de l’évangile au sujet de la famille ne doivent pas faire taire en nous l’appel à sortir à la rencontre de celui qui souffre, à être une Église de la miséricorde et du réconfort, une Église qui accompagne, qui marche au pas de l’autre, surtout lorsqu’en son cœur il cherche le Seigneur. C’est dans nos diocèses que nous poursuivrons ce travail de réflexion, de conversion, d’écoute de ce que nous dit l’Esprit sur « la vocation et la mission de la famille dans l’Église et dans le monde » qui constituera le travail du prochain synode où seront présents plusieurs évêques de notre conférence épiscopale.
Le Pape François nous invite souvent à exercer notre devoir de discernement évangélique pour vivre notre ministère au service de nos Églises diocésaines. Ainsi écrivait-il dans « la Joie de l’évangile » : « Il n’est pas opportun que le pape remplace les Épiscopats locaux dans le discernement de toutes les problématiques qui se présentent sur leurs territoires. En ce sens, je sens la nécessité de progresser dans une « décentralisation » salutaire » (n°16). Et il ajoutait plus loin : « Ce que j’entends offrir va plutôt dans la ligne d’un discernement évangélique. C’est le regard du disciple-missionnaire qui est éclairé et affermi par l’Esprit-Saint. » (n°50). Comme vous avez pu le lire dans les compte-rendus du travail du conseil permanent, nous avons réfléchi à la manière que pourrait prendre pour nous cet appel du Saint-Père. Je m’en suis ouvert aux archevêques lors de notre rencontre de début septembre. Nous avons ainsi avancé vers la proposition suivante qui a pour objectif de nous permettre de vivre ensemble cette démarche de discernement évangélique sur notre ministère épiscopal dans ce temps qui est le nôtre. Au mois de mars prochain nous consacrerons l’équivalent d’une journée à ce qu’on pourrait appeler un moment d’écoute de l’Esprit-Saint dans la prière et l’échange. Le P. François-Xavier Dumortier, jésuite, recteur de l’université Grégorienne, a accepté de nous guider sur ce chemin de prière. Il y a 20 ans nous vivions la démarche qui a conduit à la Lettre aux catholiques de France. Deux décennies plus tard il s’agit de discerner ensemble à quoi l’Esprit Saint nous appelle, quels signes de son œuvre nous percevons, quels chemins privilégier pour la mission. Le travail de ces jours a peut-être suggéré que nous mettions en pratique cet acte de discernement à propos de notre pastorale familiale.
Hier soir nous avons commencé ce temps de pèlerinage avec les séminaristes de nos diocèses et leurs formateurs. Quelle joie pour eux et pour nous. Nous avons présente à l’esprit l’initiative du Christ qui après une nuit de prière appelle ses disciples et les conduit au milieu de la foule qui se presse vers Lui de toutes parts (Luc 6,12-19). Nous fondons là l’élan spirituel qui anime les pasteurs de l’Église : se laisser habiter par la sollicitude du Christ pour cette foule désorientée qui cherche à le toucher et en même temps devenir un de ses proches, marcher à sa suite et à sa manière pour se laisser transformer intérieurement en ces « pécheurs d’hommes » dont il a voulu avoir besoin pour la mission jusqu’à la fin des temps. Et nous autres qui avons répondu à cet appel depuis des décennies nous voulons témoigner auprès des séminaristes et auprès des jeunes hommes de ce temps, de la joie et du bonheur que le Christ nous a donnés de vivre dans l’exercice de ce ministère. Répondre à cet appel nous comble. Répondre à cet appel nous unit au Christ, nous rend proches de lui dans cet élan d’amour qu’il puisait auprès du Père et déversait sur tous ceux qu’il rencontrait. Faire de sa vie un service pour ses frères dans l’exercice du ministère de prêtre diocésain est un chemin de bonheur pour celui qui l’emprunte et une nécessité pour l’Église et la mission. Nous prierons intensément pour que nous soient donnés les collaborateurs dont nous avons besoin, pour que de nombreux jeunes n’aient pas peur de s’engager dans cette voie. Aux prêtres, nous voulons dire qu’ils sont les meilleurs ambassadeurs de cet appel.
Il me reste en terminant à exprimer toute notre reconnaissance à tous ceux qui nous permettent de vivre ici nos assemblées plénières : En tout premier Mgr Nicolas Brouwet et les membres divers des sanctuaires de Lourdes qui nous accueillent deux fois par an avec beaucoup de disponibilité et de générosité. Merci aussi au secrétariat général sous la responsabilité de Mgr Olivier Ribadeau Dumas, à tous les membres des divers services nationaux, à l’équipe événement ainsi qu’au secrétariat. En notre nom à tous, je voudrais en outre exprimer notre profonde reconnaissance à Mgr Bernard Podvin dont la mission de porte-parole se terminera fin décembre. Nous avons vraiment apprécié sa disponibilité, sa compétence, la justesse de ses interventions. Qu’il en soit profondément remercié.
Dans un instant la Parole de Dieu nous présentera le Christ chassant les marchands du Temple et se révélant comme la véritable présence de Dieu dans l’histoire des hommes. Puissions-nous le révéler à nos contemporains par le témoignage lumineux de la vie des baptisés, par notre engagement en faveur des plus pauvres et par des vies ecclésiales ouvertes et nourries à sa lumière.