Dans l'avion qui le ramenait de Séoul à Rome, au terme de son voyage apostolique en Corée du Sud, le 18 août 2014, le pape a décrit sa « vie normale » au Vatican, entre vacances d'été, projet d'encyclique, relations de « frères » avec Benoît XVI et réactions face à sa popularité.
Durant le vol, il a en effet longuement répondu aux questions des journalistes, comme il l'avait fait au retour de ses deux précédents voyages internationaux (Brésil, juillet 2013 et Terre Sainte, mai 2014). Au menu notamment : son voyage en Corée, la situation irakienne, les relations avec la Chine, la paix en Terre Sainte et ses futurs voyages internationaux.
Le pape a aussi évoqué son rythme de travail, après avoir annulé plusieurs rendez-vous ces derniers mois pour cause d'indisposition : sa visite à l'hôpital Gemelli de Rome, le 27 juin, des rendez-vous le 9 juin, la messe à Sainte-Marthe le 10 juin, sa visite au séminaire pontifical du Latran, le 28 février : « C’était vraiment des journées très exigeantes, et maintenant je dois être un peu plus prudent », a-t-il reconnu.
Une vie normale au Vatican
Pour se reposer cependant, le pape reste au Vatican : « Un jour, j’ai lu un livre, intéressant. Il était intitulé : "Réjouis-toi d’être névrotique". Moi aussi, j’ai des névroses, mais il faut bien les traiter, les névroses, leur donner du maté tous les jours ! Une de ces névroses est que je suis un peu trop attaché à mon habitat. La dernière fois que j’ai passé des vacances en dehors de Buenos Aires, avec la communauté jésuite, c’était en 1975. Depuis, j’ai toujours pris des vacances là où j’habite : je change de rythme. Je dors davantage, je lis ce qui me plaît, j’écoute de la musique, je prie davantage… Et cela me repose. En juillet, et en partie en août, j’ai fait cela, et cela va bien. »
Au quotidien, le pape François « essaie d’être libre » : « il y a des rendez-vous de bureau, de travail… Mais je mène la vie la plus normale possible. C’est vrai, j’aimerais pouvoir sortir, mais ce n’est pas possible, ce n’est pas une affaire de précaution : si tu sors, les gens viennent autour de toi… c’est une réalité. Mais à l’intérieur, à Sainte-Marthe, je mène une vie normale de travail, de repos, de conversations… »
En outre, « certains murs sont tombés », a-t-il ajouté en rapportant une anecdote : « Un jour, je vais prendre l’ascenseur, aussitôt quelqu’un arrive, parce que le pape ne pouvait pas descendre tout seul en ascenseur. "Toi, tu retournes à ta place et moi je descends tout seul...". Et l’histoire s’est terminée là. C’est la normalité. »
L'encyclique sur l'écologie en projet
Le pape est par ailleurs revenu sur son projet d’encyclique sur l’écologie : « J’ai beaucoup parlé avec le cardinal Turkson (Peter Turkson, président du Conseil pontifical Justice et Paix, ndlr) et avec d’autres, et je lui ai demandé de recueillir toutes les données actuelles. Avant le voyage, le cardinal m’a remis la première ébauche : grosse comme cela ! Je dirais qu’elle fait un tiers de plus que l’exhortation Evangelii Gaudium. »
La prochaine étape sera de « faire une étude, un numéro après l’autre » afin d'« aller à l’essentiel et à ce que l’on peut affirmer avec certitude » : en effet, « dans une telle encyclique, qui doit être magistérielle, on ne doit avancer qu’avec des certitudes, avec ce qui est certain. Parce que si le pape dit que le centre de l’univers est la terre et non le soleil, il se trompe, il dit quelque chose qui n’est pas scientifique, et cela ne va pas. »
Or, a-t-il fait observer, « ce n’est pas un problème facile, parce que sur la protection de la création, sur l’écologie, et aussi sur l’écologie humaine, on peut parler avec une certaine assurance jusqu’à un certain point. Ensuite, viennent les hypothèses scientifiques, quelques-unes sont assez sûres, d’autres non... On peut dire dans une note de bas de page : "sur ce point, il y a telle et telle hypothèse", mais seulement comme une information, et pas dans le corps d’une encyclique qui est doctrinale et qui doit être sûre ».
Une présence de Dieu parmi son peuple
Le pape a confié qu'il vivait sa popularité « comme une présence du Seigneur parmi son peuple, qui utilise le pasteur du peuple, pour manifester beaucoup de choses ». Mais il a souligné aussi que « cela ne durera pas, deux ou trois ans » : « Intérieurement, je cherche à penser à mes péchés et à mes erreurs pour ne pas m’y croire ! ». Il a exprimé la responsabilité qui lui incombe de « ne pas se tromper pour ne pas faire de tort au peuple ».
Enfin, en terme d'avenir, il a envisagé sa propre renonciation, sur les pas de Benoît XVI : « Vous pourrez me dire : "Et vous-même, si un jour vous ne vous sentiez plus de continuer ?". Je ferais la même chose ! Je prierai beaucoup, mais je ferais la même chose. Il a ouvert une porte qui est institutionnelle, non pas exceptionnelle. »
Le pape François a rendu hommage au « beau geste de noblesse et aussi d’humilité et de courage » de Benoît XVI : « Je pense que "pape émérite" est déjà une institution. Parce que notre vie s’allonge et, à un certain âge, il n’y a pas la capacité de bien gouverner car le corps se fatigue… peut-être que la santé est bonne, mais il n’y a pas la capacité de mener à bien tous les problèmes d’un gouvernement comme celui de l’Église. Et je crois que le pape Benoît XVI a fait ce geste des papes émérites. L'histoire dira si c’est ainsi ou non. »
Quant à sa relation avec Benoît XVI : « Nous nous voyons… Avant de partir, je suis allé le trouver. Deux semaines auparavant, il m’avait envoyé un document écrit intéressant : il me demandait mon avis… Nous avons une relation normale, une relation de frères... c’est aussi comme avoir son grand-père chez soi : c’est un homme qui a une sagesse, avec des nuances, et cela me fait du bien de l’entendre. Et il m’encourage pas mal aussi. C’est la relation que nous avons. »
Avec une traduction de Constance Roques