« La famille, ressource de la société et Evangile pour le monde » : c’est le thème de l’intervention de Mgr Vincenzo Paglia, président du Conseil pontifical pour la famille, à Brazzaville.
Le président du Conseil pontifical pour la famille est intervenu lors de la Xe Assemblée générale de l’Association des Conférences épiscopales d’Afrique centrale (ACERAC), qui a lieu à Brazzaville du 6 au 13 juillet.
Mgr Paglia a rappelé le caractère central de la famille pour l’Eglise et pour la société en Afrique.
Voici l’intégrale en français de l’intervention de Mgr Paglia, particulièrement importante sur le chemin des synodes 2014 et 2015 pour la famille.
A.B.
« La famille, ressource de la société et Evangile pour le monde »
Le chemin synodal
Cette assemblée plénière des Conférences de l’ACERAC se déroule à la veille du Synode extraordinaire des évêques dédié aux Défis pastoraux de la famille dans le contexte de la nouvelle évangélisation. Comme vous le savez, il s’agit de la première étape d’un chemin synodal qui prévoit un autre moment, celui du Synode ordinaire des évêques, qui se tiendra en octobre 2015 sur le thème Jésus Christ révèle l’Evangile de la famille. Je crois qu’il faut souligner avant tout la nouvelle approche, par rapport aux synodes précédents. Le Pape a souhaité que le sujet soit abordé de façon ample et participative.
Il a voulu lancer personnellement la réflexion à travers un débat, pendant deux jours, lors du premier Consistoire des cardinaux avec l’allocution du Cardinal Kasper. Ensuite, il a souhaité que l’on recueille l’avis de toutes les conférences épiscopales, et d’un grand nombre d’institutions, ou même de simples fidèles sur le thème du mariage et de la famille à travers un questionnaire. L’Instrumentum laboris que le Secrétariat du synode a présenté il y a quelques semaines, rapporte fidèlement une synthèse des réponses qui nous sont parvenues.
Les résultats des travaux du Synode extraordinaire – auquel ne participeront que les présidents des Conférences Episcopales ainsi que quelques experts – devront être examinés à leur tour, au cours de l’année 2015, par les Conférences épiscopales pour être discutés lors du Synode ordinaire d’octobre 2015.
Je crois qu’il est important de souligner ce long parcours. A travers lui se manifeste clairement la volonté du Saint-Père d’impliquer toute l’Eglise sur le thème du Mariage, de la Famille e de la Vie. Je dois dire que déjà, lors du Synode sur la Nouvelle Evangélisation, plus de cent intervenants se sont arrêtés sur l’importance décisive de la famille comme « sujet de la nouvelle évangélisation ». Et il faut souligner qu’aussi bien Saint Jean-Paul II que le Pape François ont réuni leur deux premiers Synodes sur le thème de la « Famille » (Mgr Bouchard a participé au synode de 1980). On ne peut pas douter de l’importance de ce thème et de l’opportunité de le mettre au centre de l’attention de l’Eglise. Il y a seulement trente ans de cela, mais nous sentons de nouveau le besoin de reprendre le thème.
Pour moi, ce signe est exemplaire. Les autres institutions publiques, politiques, économiques, juridiques et culturelles devraient prendre exemple de ce que fait l’Eglise catholique, à savoir remettre la famille au centre de leurs réflexions et de leurs décisions. En outre il convient de noter que le Pape François demande que l’attention sur la famille ne soit pas simplement théorique, doctrinal, mais surtout pastorale.
Il est indispensable que nous examinions la réalité concrète des familles d’aujourd’hui, la situation dans laquelle elles se trouvent dans les différents continents, participer aux joies et aux angoisses, aux espoirs et aux craintes qu’elles vivent. L’Instrumentum laboris, de ce point de vue, est vraiment précieux, précisément parce qu’il montre les difficultés que les familles d’aujourd’hui sont en train de traverser. Et c’est à partir là, plus que d’une définition théorique, que nous devons commencer à identifier des éléments de réponse pour aider nos familles à trouver la force et la vocation que le Seigneur leur a confiées. Il n’y a pas de doute que nous sommes confrontés à un grand et très délicat défi qui concerne à la fois les Eglises et la société civile. Pour cette raison, il est indispensable d’avoir beaucoup de courage et une grande audace, en un mot, un grand amour pour nos familles.
Pour cela, il me semble particulièrement opportun que cette Assemblée générale puisse aborder dès maintenant ce thème très délicat. Le Conseil pontifical pour la famille porte un grand regard sur le continent africain et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Nous avons ouvert au sein du Dicastère un bureau pour l’Afrique qui contribuera à construire ensemble l’avenir de nos familles africaines, qui sont l’avenir de tout le continent. Et je suis sûr que votre apport sera important. Les six présidents de la CERAC seront sûrement à la hauteur de la tâche.
Une situation paradoxale
Le débat actuel sur la famille se concentre chaque jour davantage sur une question de fond : la famille, entendue comme l’union stable entre un homme et une femme et de leurs enfants (certaines études l’ont désignée comme norme constituée), est-elle encore une ressource pour la personne et pour la société, ou bien est-elle seulement la survie du passé qui fait obstacle tant à l’émancipation des individus qu’à l’émergence d’une société plus libre, plus égalitaire et plus heureuse ? C’est une question qui nécessite sans aucun doute un débat théorique et qui met aussi en lumière la situation historique de la famille d’aujourd’hui, que l’on pourrait qualifier de paradoxale.
D’un côté, en effet, on continue d’attribuer aux liens familiaux une grande valeur, or il ne fait aucun doute qu’il en soit ainsi : même avec toutes ses contradictions, le désir d’avoir une famille reste l’une des plus grandes priorités de la majorité des personnes. De l’autre côté, les liens se relâchent, les ruptures conjugales sont toujours plus fréquentes et entraînent l’absence de l’un des deux parents ; les familles se dispersent, se divisent, se recomposent au point que je suis d’accord avec Xavier Lacroix lorsqu’il écrit : « la déflagration des familles est le premier problème de la société moderne » (De chair et de parole. Fonder la famille, Paris 2007).
Il est vrai que lorsque l’on parle de famille, il nous vient à l’esprit un certain modèle, celui de la famille d’où nous provenons, et qui a connu son apogée – en tout cas en Europe et en Occident – durant la première moitié du 20ème (vingtième) siècle : c’est-à-dire une famille unie, souvent nombreuse, et dont les valeurs liées à l’amour se recoupent à celles des institutions civiles (L.Roussel, La famille incertaine, Paris 1989). On dit que cette image n’est plus la seule référence et que la société ne lui est plus favorable. Pire encore, la multiplication des formes de famille est devenue chaque jour plus évidente. Les individus peuvent « faire famille » de multiples manières, toute forme de « vivre ensemble » peut être revendiquée comme une « famille », l’important – comme on dit – c’est l’amour. Dans de telles circonstances, la famille n’est pas reniée mais mise à côté de nouvelles formes de vie et d’expériences relationnelles qui sont apparemment compatibles avec elle, même si
en réalité elle la dépèce, au point qu’Henri Léridon, le célèbre démographe français, dit : « notre société n’est pas en train d’expérimenter de nouveaux modèles mais est en train de piller le modèle traditionnel » (Le Figaro, 4 mai 2000).
La famille en Afrique
Il ne m’appartient pas de décrire la condition dans laquelle se trouve la famille africaine sur le continent ou dans la partie centrale. C’est l’un des objectifs de cette assemblée. Mais, je crois qu’il est difficile de parler aujourd’hui de famille africaine. On doit plutôt parler des familles africaines, même si la famille africaine en générale n’a pas encore perdu ses grandes valeurs. La famille est depuis toujours le fondement de la société, un lieu d’éducation où les valeurs culturelles et spirituelles sont transmises. Une famille élargie qui inculque aux enfants les attitudes et comportements communautaires. La famille traditionnelle africaine garde un sens profond de la culture de la vie, qui est sacrée parce que chaque vie est un don de Dieu.
Ces valeurs sont bel et bien relevées dans Ecclesia in Africa : « Dans la culture et la tradition africaines, le rôle de la famille est universellement considéré comme fondamental. Ouvert à ce sens de la famille, de l’amour et du respect de la vie, l’Afrique aime les enfants, qui sont accueillis joyeusement comme un don de Dieu. Les fils et les filles de l’Afrique aiment la vie….. Des pratiques contraires à la vie leur sont toutefois imposées par le biais de systèmes économiques qui ne servent que l’égoïsme des riches » (n.43).
Pour saint Jean-Paul II, le Pape de la Famille, comme il a lui-même voulu être appelé, « l’avenir du monde et de l’Église passe par la famille, première cellule de la communauté ecclésiale vivante, mais aussi celle de la société. » La famille est aujourd’hui l’une des préoccupations majeures du Pape François, qui selon moi a besoin de notre soutien pour l’aider à transformer la société en portant l’Evangile dans les familles, car l’Afrique qui n’est pas en marge de la globalisation, doit préserver les valeurs de la famille trésor et ressource de la société et de toute l’humanité. Le parcours des exhortations post-synodales du Pape Paul VI (Africae Terrarum, 20 octobre 1967), du Saint Jean Paul II (Ecclesia in Africa, 14 septembre 1995) et du Pape Benoît XVI (Africae Munus), force est de reconnaitre qu’une attention particulière a toujours été accordée à la famille.
Ainsi, nous pouvons convenir avec le Professeur Albert TÉVOÉDJRÈ dans son livre Le bonheur de servir, Réflexions et repères que « pour les chrétiens laïcs (et j’en profite pour saluer particulièrement les couples laïcs ici présents, car on ne saurait parler de famille, de mariage sans vous : tenez haut le drapeau de la famille Chrétienne africaine, car elle est une force et l’espérance pour un monde ou l’individualisme veut rompre la stabilité des rapports familiaux !), dans une Afrique ballottée par des courants divers, défendre la famille, telle qu’elle est voulue par Dieu lui-même, n’est pas seulement un acte de cohérence avec leur foi… c’est préserver les fondements mêmes de la société et de tout vrai développement. Or, les menaces qui pèsent sur la famille aujourd’hui en Afrique sont légion : la dissolution des 5 mœurs, les atteintes à l’unicité du mariage ; le relâchement des liens entre les membres de la famille ; la prolifération des unions de fait, mais aussi la misère, le chômage croissant qui ne permettent pas aux parents d’assumer convenablement leurs responsabilités. Cette thèse est corroborée par le N° 42 de Africae Munus : «« En raison de son importance capitale et des menaces qui pèsent sur cette institution – la distorsion de la notion de mariage et de famille elle-même, la dévaluation de la maternité et la banalisation de l’avortement, la facilitation du divorce et le relativisme d’une « nouvelle éthique » – la famille a besoin d’être protégée et défendue, pour qu’elle rende à la société le service qu’elle attend d’elle, c’est-à-dire lui donner des hommes et des femmes capables d’édifier un tissu social de paix et d’harmonie. »
Les réflexions des pères synodaux nous aident à ne pas nous résigner face aux difficultés que rencontre la famille africaine comme toutes les familles du monde. Aujourd’hui il ne s’agit pas de proposer d’autres formes de mariages ou de familles, comme la polygamie ou l’homosexualité, qui veulent gagner du terrain, mais il s’agit d’affronter avec sérénité, sagesse et intelligence les défis qui se posent à nous. Des rencontres de réflexions à l’instar du Congrès sur la famille qui s’est tenu à Libreville au Gabon du 13 au 17 novembre 2013 ont produit des fruits que le Conseil pontifical pour la famille a reçus. A cela s’ajoute le Symposium organisé par la SCEAM au Bénin à l’Institut Jean-Paul II du 14 au 17 juin ayant pour thème : « L’Afrique se prépare au Synode de l’Eglise sur la Famille.»
Pourquoi citer ces différents moments de réflexions parmi tant d’autres? Je sais que la Conférence Episcopale du Tchad a lancé un très beau message aux familles tchadiennes, je sais que nos frères du Cameroun ont mené des travaux sur la famille, et c’est avec plaisir que je les cite, parce que ces rencontres sont les lieux précis où mûrissent les idées et naissent de nouvelles visions sur la façon de répondre avec miséricorde aux attentes des enfants, des jeunes, des adultes et des personnes âgées, qui de nos jours ne sont plus une bibliothèque qui brûle, quand ils meurent comme le disait l’illustre écrivain Amadou Hampâte Bâ, mais sont pour certains un fardeau dont on se débarrasse. Et nous savons combien les personnes âgées sont la mémoire d’un pays ou d’un continent. Notre mission de Pasteurs qui connaissent les blessures et les douleurs de leurs brebis, est d’affirmer avec force qu’il y a un grand besoin de tisser de fortes relations entre les générations, tisser un filet de solidarité entre les enfants, les jeunes et les personnes âgées en Afrique pour parer à toute crise générationnelle déjà existant ailleurs comme en Europe.
Nous devons être vigilants et lutter, car il est possible et vous le savez bien parce que nous nous abreuvons tous à la même source : Jésus et l’Evangile. Permettez-moi de dire que ces moments que nous vivons sous le pontificat du pape François sont un Kairos, tout comme l’ont été tous les autres pontificats. Nous sommes aidés par ces discours qui nous précèdent.
La solidarité entre les familles est une force pour nos familles, et elle leur permet de résister, d’être stables et d’être l’avenir et l’espérance de notre société. Voilà pourquoi le Pape François, lors de la semaine des Catholiques Italiens avait dit ces paroles : « Un peuple qui ne s’occupe pas des personnes âgées, des enfants et des jeunes n’a pas d’avenir, parce qu’il maltraite la mémoire et la promesse ». Africae Munus confirme la valeur des personnes âgées au N° 47 « La vieillesse, malgré la fragilité qui semble la caractériser, est un don qu’il convient de vivre quotidiennement dans la disponibilité sereine envers Dieu et le prochain.
C’est aussi le temps de la sagesse, car le temps vécu a appris la grandeur et la précarité de la vie. Et, en homme de foi, le vieillard Siméon proclame avec enthousiasme et sagesse non pas un adieu angoissé à la vie, mais une action de grâce au Sauveur du monde (cf. Lc 2, 25-32). »
Nous ne sommes pas sans ignorer qu’il y a des pressions extérieures sur les familles en Afrique, l’idéologie de la théorie du genre, l’usage des contraceptifs, les pratiques de l’avortement ainsi de suite, sont des coups durs pour nos familles qui tou
rnent leur regard vers nous. Mais il y a aussi des pressions internes. Hier, le président de la CERAC avait évoqué le problème de la dote, e on pourrait encore citer les résistances ethniques, et ainsi de suite.
Alors que faire ? Il y a la tentation de baisser les bras, mais il faut résister et être dociles à l’Esprit Saint qui nous aidera, tout en mettant ensemble les experts des différents domaines : philosophie, théologie, droit, sociologie etc. pour discuter, réfléchir et faire des propositions. Par exemple le philosophe Achille Mbembe du Cameroun lors d’une interview parue dans le quotidien Le Messager, a déclaré et je cite : « La famille et le système éducatif constituent, pour moi, les deux principales questions critiques sur lesquelles nous devons réfléchir. Les relations au sein de beaucoup de familles n’aident pas à préparer les enfants à se valoriser, à assumer les défis de la citoyenneté que la vie leur offrira. Prisonniers de leurs propres parcours, piégés par des histoires de villages, de jalousies familiales, de querelles d’héritage, de rivalités futiles dues à l’ignorance et la crédulité….nous connaissons tous des gens qui attribuent toutes les difficultés de leur vie à la sorcellerie d’un oncle malfaisant ou au mauvais sort que le voisin leur aurait jeté. Ce n’est évidemment pas avec cet état d’esprit que nous sortirons de notre mentalité de victimes pour revendiquer notre place dans un monde compétitif et globalisé… au sein même des familles, l’individualisme prend les formes les plus insidieuses.
On utilise l’étiquette du groupe pour faire avancer son agenda personnel…dans beaucoup de familles, on n’accorde qu’une importance limitée à un parent malade. C’est à peine si on lui rend visite à l’hôpital. Mais dès qu’il décède faute de soins et d’attention…. Chacun se déchaine pour manifester sa compassion. A cela s’ajoute la banalisation de la violence contre les femmes et contre les enfants ».
« Il suffit – continue le philosophe – de voir la violence des conflits souterrains au sein des familles, entre parents et enfants, ou même le délabrement de la vie des couples. Pas besoin de statistique pour mesurer de l’ampleur du désastre ! Parce que les parents ont parfois eux-mêmes manqué de bons repères, beaucoup de jeunes grandissent dans des familles qui ne les préparent pas à assumer les deux principales responsabilité de la vie, à savoir établir une vraie relation de couple avec le conjoint pour former une famille table, et élever des enfants en leur inculquant l’éthique du travail, les vertus de l’amour et du respect de l’autre….les taux officiels de divorce restent relativement faibles en Afrique parce qu’ils sont mal recensés, et aussi à cause des pressions économiques, socioculturelles et religieuses. »
Vers une société individualiste et « défamiliarisée »
Quelle est la raison profonde de la crise? Elle est de nature culturelle. Jamais, la famille n’a aussi été frappée de façon radicale comme dans ces cinquante dernières années.
Le poids croissant dans les sociétés occidentales de la liberté individuelle, valeur dont nous devons tous être naturellement orgueilleux, a eu cependant l’effet de renforcer exagérément l’individualisme au détriment des relations pérennes et des liens stables. Les espaces d’autodétermination se sont aujourd’hui tellement accrus qu’ils ont modifié la nature même des institutions qui structurent la vie sociale, et parmi lesquelles la famille.
La globalisation, comme le suggère Tzvetan Todorov a conduit l’homme contemporain à une sorte de « dépaysement » : l’homme contemporain se sent souvent dépaysé dans un monde devenu trop grand. D’où la tentation de se replier sur lui-même, de se refermer sur ses propres particularités. De ce fait nous voyons s’élever de partout des frontières dont le but est 8 de sauvegarder le propre « moi » de l’incursion des autres.
Or c’est toute la société qui est en train de s’individualiser, ainsi que le note Sigmund Bauman. Le philosophe Gilles Lipovetsky, face à une société hyperconsumériste, parle d’une « seconde révolution individualiste » caractérisée par la privatisation de la vie et par l’autonomie des individus vis-à-vis des institutions collectives. C’est une sorte d’egolâtrie comme l’affirme Giuseppe De Rita, un célèbre sociologue italien. L’individualisation de la société a comme conséquence la désertification des rapports dans la société ; et le terrain dans lequel devrait croître l’homme est devenu sableux, friable et inconsistant.
On identifie les premières traces de cette tendance dès les années soixante-dix lorsque l’homme décida d’être l’artisan de lui-même (L’homme de sable. Pourquoi l’individualisme nous rend malades, 2011). Durant ces années, on a eu la nécessité de penser à la croissance personnelle par des usages et des manières de vivre nouveaux, plus libres, et donc de devenir les artisans de sa propre croissance. Mais la conviction d’être les seuls « maîtres de chantier » de sa propre existence a poussé à se détacher de toute relation avec les autres. Autour de ce processus d’autodétermination, les techniques se sont multipliées, les experts se sont mobilisés et les marchands ont proliféré. Et voici qu’aujourd’hui, sous nos yeux, l’immense marché hétérogène de l’équilibre intérieur, avec la mobilisation de nombreux corps professionnels, utilise différentes formes de thérapie ou de prises en charge. Tout est orienté vers l’affirmation de soi, au culte de soi, à la réalisation de soi et au bien-être individuel, qui sont devenus une norme contraignante et en même temps une valeur.
L’impératif de l’autodétermination a donc pris la place des règles passées, mais l’individu se retrouve désorienté et moins sûr de lui-même. On pourrait dire que nous sommes tous plus libres et autonomes, mais que nous sommes aussi plus seuls. En effet, la société semble atomiser les individus en amas : le je prévaux sur le nous, l’individu sur la société, la solitude gagne chaque jour d’avantage du terrain par rapport à la communion, et les droits de l’individu prévalent sur ceux de la famille. C’est une opinion toujours plus courante que de penser que le triomphe de l’individu ne pourra seulement se faire que sur les cendres fumantes de la famille.
La famille est moins vue comme « une cellule de base qui est à l’origine de la société » que comme « une cellule de base qui est à l’origine de l’individu ». Le couple n’est pensé que dans le rapport individuel de chacun de ses membres qui cherchent leur propre et seule individualisation et non plus la création d’un « nous », « d’un sujet pluriel » qui transcenderait les individualités sans les annuler, en les rendant au contraire plus authentiques, libres et responsables. Dans le premier cas de figure, le couple est très fragile, alors que dans le second il trouve sa stabilité. Malheureusement les structures sociales et culturelles semblent faire émerger le premier, que certains chercheurs définissent comme « l’individualisme émancipatif ». Le « je » est le nouveau maître de la réalité, mais aussi de la famille. On comprend bien pourquoi dans un tel contexte, alors que sa conception est restée la même pendant des siècles, la famille ne trouve plus de débouché dans lequel s’insérer alors qu’elle est délaissée dans sa vraie force et sa dignité.
La disparition de la culture familiale risque de conduire aussi à la disparition de la sociabilité car la culture familiale est amoindrie tout comme son rôle social. Bauman lui-même dit : « Pour survire dans les mégalopoles contemporaines, les principales stratégies ne s’appuient pas sur le vivre en commun, mais sur l’éviction de l’autre et la vie de manière séparée… »
Or la crise de la sociabilité et de toutes les formes de vie en communauté connues, selon les historiens, est partie des masses populaires de la cité, jusqu’à atteindre la famille, vue comme un vecteur de l’existence.
A ce propos, les conclusions du chercheur italien Volpi font réfléchir quant à l’issue des données statistiques du mariage en Italie. Alors que « les mariages et la famille suivent des courbes d’un avion en chute libre », ce scientifique souligne que le nombre de familles monoparentales formées d’une seule personne augmente : il est passé de 5,2 millions de familles en 2001 à 7,2 millions en 2011. Cela signifie que la diminution des mariages religieux et civils ne s’est pas transformée en de nouvelles formes de vie commune, qui sont d’ailleurs plus que fragiles, mais dans une augmentation du nombre de personnes qui ont choisi de vivre seules. Cela revient à dire que toute forme de lien durable est ressentie comme une chose insupportable.
Il s’agit certainement là d’un processus complexe – en Italie et au sein du continent européen – mais il semblerait que l’on se dirige vers une société dé-familiarisée. L’effondrement des unions, qu’elles soient civiles ou religieuses ou en concubinage, ne se traduit pas par l’augmentation de différents modèles de familles, mais bien par un plus faible nombre de familles, et la croissance du nombre de personnes qui choisissent de vivre seules.
En France, on a calculé qu’une personne sur trois a choisi de vivre seule, alors qu’il y a quarante ans la moyenne était d’une sur dix (Patrick FESTY, in Commentaire, 2013, n° 142, 289). D’ailleurs, l’exaltation absolue de l’individu, libéré de tout lien, ne peut que conduire à la pulvérisation de la société, et à l’effritement de toute forme de lien solide et pérenne.
La famille de nouveau au centre
De là naît l’urgence de redonner à la famille sa dignité culturelle et son rôle central dans la société. Elle doit être remise au cœur du débat, au centre de la vision politique, économique et aussi de la communauté chrétienne. La société globalisée pourra trouver un avenir civilisé seulement dans la mesure où elle sera capable de promouvoir une culture de la famille, repensée comme le lien vital qui unit le bonheur de la sphère privé avec celui de la sphère publique. En tout état de cause, la famille n’est pas morte, elle reste même, malgré le moment très difficile qu’elle est en train de traverser, la ressource la plus importante dont dispose la société contemporaine. Elle est une ressource parce qu’elle crée des biens de relation qu’aucune autre forme de vie ne peut créer. La famille est unique dans sa capacité à générer les relations. Son génome ne cesse d’exister car il est ce qui humanise le plus la société.
Cette affirmation trouve sa vérification dans les recherches empiriques qui montrent toutes que la famille demeure le premier souhait dans l’absolu chez les personnes interrogées.
Pour ces dernières, la famille est un lieu de sécurité, de refuge et de soutien à sa propre vie. En Italie, pas moins de 80% des jeunes en âge de se marier déclarent préférer le mariage civil ou religieux quel qu’il soit, et seulement 20% optent pour le concubinage. Or au sein de ces 20%, il semble que seulement 3% considère le concubinage comme un choix définitif, tandis que 17% le considère comme une transition en attente de se marier. En France, 77% des jeunes désirent construire leur propre vie de famille en restant avec la même personne toute leur vie.
Ce pourcentage monte à 84% chez les jeunes dont l’âge est compris entre 18 et 24 ans. La stabilité conjugale reste par conséquent une valeur importante et demeure une aspiration profonde, même si la conviction de pouvoir rester ensemble « pour toujours » a culturellement de moins en moins de dignité, pire on considère que cela relève de l’impossible.
La famille reste donc la ressource la plus précieuse pour la société, le lieu où l’on apprend l’importance décisive du sens du nous pour la construction et le maintien d’une société plus juste et plus solidaire. C’est au sein même de la famille que la société trouve sa continuité dans la venue au monde des enfants, et donc le lien des relations entre les générations. Prétendre que le mariage entre n’importe qui est possible parce qu’il y a de l’amour, veut dire ne rien avoir compris à la différence de l’amour conjugal qui inclut le fait de pouvoir engendrer.
D’un point de vue historique, nous nous trouvons aujourd’hui sur le tranchant de la lame, entre deux rives anthropologiques. Pour faire simple, on pourrait dire que d’un côté il y a l’affirmation biblique : « il n’est pas bon que l’homme soit seul » – et d’où la famille tire son origine – ; et de l’autre, son opposé parfait, c’est-à-dire : « il est bon pour l’individu d’être seul ». Le moi, l’individu absolu, débarrassé de tout lien, est opposé au nous. Or la famille, fondement du dessein de Dieu pour l’humanité, est devenue la pierre sur laquelle trébuche l’individualisme, et qui doit donc être au moins évitée, voire détruite.
Mais en dépit de toutes les attaques, la famille reste solide en raison de ses forces intérieures, vu qu’elle tire ses origines de la Création. Il n’existe pas d’institution qui puisse se substituer ou faire aussi bien que la famille ; elle est un idéal qui requiert de la stabilité, et c’est pour cela qu’elle doit être sans cesse reproposée et se perpétrer. C’est là un des points cardinaux de ce nouvel humanisme que nous sommes appelés à imaginer et à construire au commencement de ce nouveau millénaire.
Homme et femme, Il les créa
Devant une culture qui n’est plus favorable au mariage et à la famille, je crois qu’il est important de descendre plus en profondeur pour découvrir le besoin de mariage et de famille inscrit dans le cœur des hommes et des femmes quelles que soient la culture et la foi auxquelles ils appartiennent. Pour la tradition judéo-chrétienne, cela remonte à la création elle-même. Les Saintes Ecritures affirment que Dieu créa l’homme et la femme, non pas pour que chacun d’eux vive dans la solitude mais pour qu’ils créent une communauté (communio personarum).
Dans la Genèse, nous retrouvons deux descriptions de la création de l’homme. Dans la seconde (Gn 2,18), Dieu ayant créé l’homme constate qu’il manque encore quelque chose, et bien qu’il vienne de tout créer, « il n’est pas bon ». « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ».
Dieu donne la vie à la femme qui est l’aide qui fut assortie à l’homme. Si semblable et si différente en même temps. La différence et la ressemblance permettent de parler de la complémentarité. L’homme découvre sa masculinité en rencontrant la femme et la femme sa féminité en rencontrant l’homme
La vocation de l’homme n’est pas de vivre dans la solitude. Cette constatation est profondément vraie à tel point que nous pouvons même dire que Dieu lui-même reconnaît qu’il ne suffit pas à l’homme aussi longtemps que l’homme reste seul devant Dieu. Même devant Dieu l’homme désire être dans la communauté. « Cependant le bon vouloir de Dieu a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel; il a voulu en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté » – lisons-nous dans la constitution du Concile Lumen gentium (9).
Mais en dépit de toutes les attaques, la famille reste solide en raison de ses forces intérieures, vu qu’elle tire ses origines de la Création. Il n’existe pas d’institution qui puisse se substituer ou faire aussi bien que la famille ; elle est un idéal qui requiert de la stabilité, et c’est pour cela qu’elle doit être sans cesse reproposée et se perpétrer. C’es
t là un des points cardinaux de ce nouvel humanisme que nous sommes appelés à imaginer et à construire au commencement de ce nouveau millénaire.
Dans la première description de la création de l’homme, nous lisons: « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (Gn 1, 27). La personne depuis son origine n’est pas destinée à vivre dans la solitude mais dans la communauté. Il est impossible à l’homme de dire « moi » aussi longtemps qu’il ne se trouve pas en face d’un autre homme. Il n’est pas possible d’exprimer « moi », aussi longtemps que n’apparaît pas la perspective du « nous ». « Le moi » solitaire est aussi, en quelque sens, moins à l’image de Dieu, que « le moi » en relation avec « le toi ». C’est le mystère même de la Trinité : Dieu n’est pas une solitude, il est une famille de trois Personnes qui s’aiment au point d’être une seule et même chose.
Le mariage et la famille sont par conséquent une image concrète de la Trinité divine elle-même. En tant que chrétiens nous croyons que par la relation conjugale nous rendrons visible dans ce monde la relation entre les trois Personnes de la Sainte Trinité. Cela nous rappelle non seulement le besoin naturel de l’homme de créer le mariage et la famille mais aussi la grande dignité de ce mariage et de cette famille. Saint Paul dit que l’amour entre l’époux et son épouse est dans ce monde un signe visible (sacrement) de l’amour du Christ envers l’Eglise (Ep 5, 25-32). Le Christ qui a donné sa vie pour l’Eglise – sa Bien-aimée.
La famille, ressource pour la société
La famille reste encore aujourd’hui un des piliers fondamental de la société : elle porte ce génome que déjà Cicéron décrivait comme « le principe de la cité et l’école de la république » (familia est principium urbis e quasi seminarium rei pubblicae). Or il est intéressant de noter que dans Gaudium et spes il est écrit que « la famille est en quelque sorte une école d’enrichissement humain » (Familia schola quaedam uberioris humanitatis est).
Mettre entre parenthèse, ou réduire la famille signifie rendre les individus faibles et à les assister, au lieu d’en faire des acteurs qui génèrent et régénèrent le capital humain et social de la société même.
Le couple et le mariage. Le fait de se marier – religieusement ou civilement – offre une valeur ajoutée, tant aux personnes qu’à la société. Le contrat de mariage améliore la qualité des relations au sein du couple avec d’importantes conséquences positives (biologique, psychologique, économique et sociale), tant pour les enfants que pour les adultes. La simple cohabitation n’équivaut pas au mariage : elle rend en pratique les relations plus instables, et crée une incertitude accrue pour la vie des enfants. Le divorce (ou bien le fait de ne pas arriver à se marier) augmente le risque d’échec scolaire chez les enfants. Au contraire, la stabilité dans les relations familiales apparaît comme un bien précieux sans lequel tous les membres de la famille se sentiraient en danger.
La stabilité est fondamentale pour une bonne intégration sociale des enfants. Le divorce et les naissances hors mariage accroissent le risque de pauvreté, tant chez les enfants que chez les mères. Les familles recomposées font état de très nombreux problèmes dans les relations entre beaux-parents et les enfants nés d’une précédente union. La théorie de l’individualisation du couple et du mariage est substantiellement fausse ; de fait, dans le couple, les individus cherchent leur propre identité, mais cette dernière se forme seulement dans le sillon relationnel qui relie les familles d’origine avec les réseaux primaires (relations d’amitié, de travail, et celles de la vie quotidienne), et au sein desquels les conjoints sont reliés. Les conditions de vie des personnes qui, pour quelque raison que ce soit, ne se sont pas mariées, sont en général pires que celles des gens mariés. En définitive, le mariage est porteur de biens en soi.
Les relations entre les générations. Les familles (norme constituée) créent les liens de solidarité entre les générations, et davantage et mieux que toute autre forme de vie. Les enfants qui vivent avec leurs propres parents jouissent d’une meilleure santé physique et psychologique ; de plus, ils ont une plus grande espérance de vie par rapport à ceux qui vivent dans des contextes différents. Trois différentes structures familiales ont été analysées : les familles composées d’un couple de parents unis, les familles recomposées, et les familles monoparentales.
Les résultats montrent une plus grande fragilité dans les deux dernières catégories familiales. Au sein des familles recomposées, après la séparation, les parents rencontrent plus de difficultés à accomplir leur rôle d’éducateur. Dans les familles monoparentales, la transmission de la culture et de la solidarité entre les générations est rendue plus difficile en raison du fait que les défis liés à la croissance des enfants et aux pressions issues du monde du travail sont affrontés de manière seule. Les enfants des couples mariés, arrivés à l’âge de l’adolescence, ont moins de risque d’adopter des comportements déviants (comprenant l’abus d’alcool et de drogues) par rapport aux enfants de parents seuls, de concubins, ou de parents séparés. Par ailleurs, les enfants de parents divorcés souffrent davantage d’infirmités psychiques ou d’anxiété.
Famille et travail. Les manières de se rapporter au monde du travail sont très différenciées : il y a des couples où un seul travaille pendant que l’autre s’occupe des enfants à la maison ; il y a des couples qui choisissent un travail à temps plein pour l’un et un temps partiel pour l’autre ; d’autres encore qui choisissent la double carrière. Dans tous les cas de figure, la famille reste une ressource pour le monde du travail, bien plus que le contraire : dit en d’autres termes, le monde du travail « profite » de la ressource-famille sans tenir suffisamment compte des exigences de la vie familiale. D’où les grandes difficultés des familles, spécialement celles composées de plusieurs enfants, à harmoniser la vie familiale avec la vie professionnelle. Il est urgent de repenser le rapport entre l’organisation du travail et la famille.
Famille et capital social. La famille est la première source du capital social des sociétés. Le capital social réside dans les relations de confiance, de coopération et de réciprocité que la famille crée, tant en son propre sein (dit capital social bonding), que dans ses relations extérieures, c’est-à-dire dans les liens de parenté, de voisinage, d’amitié, et de vie associative (capital social bridging).
Un tel capital social et familial est à la base des vertus sociales (et pas seulement individuelles). En résumé, la famille est à la source de valeurs sociales ajoutées, non seulement dans la mesure où elle éduque mieux qui quiconque les personnes sous l’angle de leur propre santé et de leur bien-être, mais aussi et surtout en tant qu’elle engendre un tissu social, ou plutôt une sphère civile et publique, qui requière des valeurs et des règles de vie humaine ; en cela la famille promeut donc le bien commun. Tout ceci montre avec encore plus d’éclat les familles dans lesquelles sont présentes des personnes particulièrement vulnérables.
Dans ces familles-là, se développent des vertus spéciales qui potentialisent les capacités de force (empowerment) et de résilience (resilience), ainsi que le définissent certaines études.
La prophétie chrétienne
La famille chrétienne accueille et exalte le vaste dessein d’amour et de communion de Dieu sur le monde qui naît justement de la famille. C’est la vision que les Sain
tes Ecritures nous montrent et que le Concile Vatican II a reproposé à l’attention des croyants et de tous les hommes avec force. La Bible fait commencer l’histoire humaine avec la famille de nos ancêtres Adam et Eve et de leurs fils ; et elle fait s’achever l’histoire de l’existence humaine – ainsi que l’ont indiqué les prophètes et le Livre de l’Apocalypse – avec la famille des peuples réunis autour du seul Père dans la Jérusalem céleste.
C’est dans cette histoire de communion que s’inscrivent de manière très originale le mariage et la famille chrétienne. Dans l’Eglise, la famille est élevée au niveau de sacrement parce qu’elle est inscrite de manière solide dans la supériorité du nous, autrement dit, dans la réalisation du vaste dessein de Dieu sur le monde. Je n’ai pas parlé à cette occasion de la grandeur du mariage et de la famille chrétienne. Il suffit pour cela de se reporter aux paroles de l’apôtre Paul qui parle de ce « grand mystère », celui du lien qui unit le Christ à l’Eglise.
C’est ici que se place le lien entre la table eucharistique et la table de la maison, entre l’Eglise de la ville et l’Eglise de la maison (domestique). Il faut retrouver ce lien qui pour le moment est trop ténu dans la réalité. Dans ce sens, la pastorale familiale réclame une transformation de toute la pastorale.
Ainsi enrichie et renforcée, la famille chrétienne non seulement est appelée à ne pas se replier sur elle-même, – comme le persistant virus individualiste l’y pousse, ainsi donc on peut avoir un individualisme familial – mais elle est encouragée et soutenue dans l’élargissement de ses horizons à participer, en tant que famille, à la mission même de l’Eglise à être « le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ». Il y a alors un fil rouge qui lie indéfectiblement l’Église comme famille de Dieu et la famille comme une petite Église, à tel enseigne qu’il n’est pas possible l’un sans l’autre. Ce feu bipolaire est le ferment de la fraternité qui inspire la vie de la ville, du village et ce jusqu’à la famille des peuples.