"L’œcuménisme de la souffrance et du martyre est un appel puissant à marcher sur la route de la réconciliation entre les Églises, avec détermination et dans un abandon confiant à l’action de l’Esprit", affirme le pape François qui affirme que le martyre des Arméniens ne doit pas être "oublié".
Le pape a reçu le patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens, Karékine II, ce jeudi matin, 8 mai, au Vatican. Il a cité Saint Grégoire l'Illuminateur (v. 240-v. 332), le grand apôtre de l'Arménie, dont une relique, naguère conservée à Naples, a été remise par Jean-Paul II au Catholicossat tandis qu'une statue de l'apôtre voulue également par Jean-Paul II, a été placée dans une niche extérieure de la basilique Saint-Pierre.
Après l’entretien privé, Karékine II et le pape François ont chacun prononcé un discours avant l’échange des cadeaux. Ils se sont ensuite rendus dans la Chapelle Redemptoris Mater pour un temps de prière en commun.
A. B.
Discours du pape François
Sainteté,
Chers frères dans le Christ,
Je suis très heureux, Sainteté, de vous adresser, ainsi qu’à la délégation qui vous accompagne, une très cordiale bienvenue. En la personne de Votre Sainteté, j’étends aux membres de la famille du catholicossat de tous les Arméniens, répandue dans le monde, ma pensée respectueuse et affectueuse. C’est une grâce particulière de pouvoir nous rencontrer dans cette maison, près de la tombe de l’apôtre Pierre, et de partager un moment de fraternité et de prière.
Je bénis avec vous le Seigneur parce que les liens de l’Église apostolique arménienne avec l’Église de Rome se sont consolidés ces dernières années, grâce entre autres aux événements qui restent imprimés dans notre mémoire, tels que le voyage en Arménie de mon saint prédécesseur Jean-Paul II, en 2001, et la présence appréciée de Votre Sainteté au Vatican, en de nombreuses occasions d’une certaine importance, entre autres votre visite officielle au pape Benoît XVI en 2008, et la célébration du début de mon ministère comme évêque de Rome, l’année dernière.
Mais je voudrais ici rappeler une autre célébration, d’une signification profonde, à laquelle Votre Sainteté a pris part : la commémoration des témoins de la foi du XXe siècle, qui a eu lieu dans le cadre du Grand Jubilé de l’an 2000. En vérité, le nombre des disciples qui ont versé leur sang pour le Christ, dans les tragiques vicissitudes du siècle dernier, est certainement supérieur à celui des martyrs des premiers siècles et, dans ce martyrologe, les fils de la nation arménienne ont une place d’honneur. Le mystère de la croix, si cher à la mémoire de votre peuple et représenté dans les magnifiques croix de pierre qui ornent chaque coin de votre terre, a été vécu comme une participation au calice de la Passion par une multitude de vos enfants. Leur témoignage, éminent et tragique, ne doit pas être oublié.
Sainteté, chers frères, les souffrances vécues par les chrétiens ces dernières décennies ont apporté une contribution unique et inestimable à la cause de l’unité entre les disciples du Christ. De même que dans l’Église antique, le sang des martyrs devint semence de nouveaux chrétiens, ainsi de nos jours, le sang de nombreux chrétiens est devenu semence d’unité.
L’œcuménisme de la souffrance et du martyre est un appel puissant à marcher sur la route de la réconciliation entre les Églises, avec détermination et dans un abandon confiant à l’action de l’Esprit. Nous sentons le devoir de parcourir cette route de fraternité en raison de la dette de reconnaissance que nous avons envers la souffrance de tant de nos frères, devenue salvifique parce qu’unie à la passion du Christ.
À ce propos, je désire remercier Votre Sainteté pour le soutien effectif apporté au dialogue œcuménique, en particulier aux travaux de la Commission conjointe pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes orientales et pour la contribution théologique de qualité offerte à cette occasion par les représentants du catholicossat de tous les Arméniens.
« Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toute notre tribulation afin que, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu, nous puissions consoler les autres en quelque tribulation que ce soit » (2 Co 1,3-4). Courons avec confiance la course qui nous est proposée, soutenus par un si grand nombre de témoins (cf. He 12,1) et implorons le Père de nous donner cette unité pour laquelle Jésus-Christ lui-même a prié lors de la dernière Cène (Jn 17,21).
Prions les uns pour les autres : puisse l’Esprit-Saint nous éclairer et nous guider vers le jour tant désiré où nous pourrons partager le repas eucharistique. Louons le Seigneur avec les mots de saint Grégoire de Narek : « Accueille le chant de bénédiction de nos lèvres et daigne accorder à cette Eglise les dons et les grâces de Sion et de Bethléem, afin que nous puissions être dignes de participer au salut ». Que la Très Sainte Mère de Dieu intercède pour le peuple arménien, maintenant et toujours. Amen.
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat