Plus de 400 réfugiés et malades participeront à la visite du pape François en Jordanie, au site du Baptême du Christ, annonce avec enthousiasme le P. Khalil Jaar, du patriarcat Latin, à Amman, dans un entretien en anglais publié par l’Aide à l’Eglise en détresse (AED).
Il raconte : « On m’a demandé si je pouvais organiser la venue de deux bus de réfugiés pour une rencontre avec le Saint Père. Je n’ai pas eu à réfléchir longtemps. De notre paroisse, environ 40 personnes seront là pour le rencontrer. Au total, il est prévu que 200 réfugiés et 200 personnes malades et handicapées rencontrent le Pape le 24 mai à l’endroit où notre Seigneur fut baptisé dans le Jourdain ».
Sa paroisse dans la capitale jordanienne, Amman, est dédiée à Sainte-Marie Mère de l’Eglise. Il s’occupe principalement de l’accueil des réfugiés d’Irak ou de Syrie.
Réfugiés de Syrie et d’Irak
« Au Moyen-Orient, la crise des réfugiés prend des proportions épiques. Des millions de personnes sont en fuite. Nous avons commencé notre travail lorsque la situation en Irak a échappé à tout contrôle après l’ invasion américaine de 2003.
Maintenant, bien sûr, nous sentons de plein fouet l’impact de la crise syrienne », précise-t-il.
Depuis le début de l’année, 400 nouvelles familles chrétiennes ont frappé à la porte du P. Jaar : Syriens et Irakiens, des familles irakiennes ayant fui en Syrie il y a des années et qui ont maintenant à nouveau tout perdu et des familles qui viennent directement de l’Irak.
« Pendant des années, il semblait que le nord de l’Irak avec la région autonome kurde était sécurisé. Mais c’est désormais le régime de la terreur. Beaucoup de chrétiens qui ont fui Bagdad et dans le sud vers le nord sont maintenant contraints de faire leurs valises à nouveau », a-t-il déploré.
Il sait ce que l’on risque : « Une fois j’ai été enlevé à Bagdad. C’était peu de temps après l’invasion américaine de 2003. Je dois remercier Dieu d’avoir été libéré. »
Le centre paroissial distribue des aliments de base – riz, lait en poudre, thé, sucre – ainsi que des vêtements et des jouets pour les enfants.
« Sans la générosité des donateurs d’Aide à l’Eglise en Détresse, nous n’aurions pas été en mesure d’assurer ce soutien », confie le P. Jaar.
Les « secours d’hiver »
Couvertures, vêtements chauds et chauffage au gaz sont aussi distribués aux familles, car les hivers sont un défi particulier au Moyen-Orient : ils peuvent aussi être longs et froids. Dans les camps de réfugiés, la situation est particulièrement dramatique : la neige et l’eau résultant du dégel rendent la vie intolérable sous les tentes, inondées.
Le P. Jaar a lancé un projet de « secours d’hiver » : « C’est notamment grâce à Aide à l’Eglise en Détresse que je peux agir rapidement en cas de besoin. J’ai pu acheter et mettre en place des huttes portables à la place des tentes. »
Les chrétiens ne restent pas dans les grands camps comme Zaatari dans le nord de la Jordanie près de la frontière syrienne, car « ce serait trop dangereux pour eux », explique le P. Jaar : « Dès que les familles chrétiennes de Syrie arrivent dans les camps, l’administration du camp m’appelle et je les emmène dans ma paroisse. »
« Bien sûr, j’aide aussi des familles musulmanes. Elles sont aussi les enfants de Dieu. Je ne peux donc pas faire de différence entre nécessiteux qu’ils soient musulmans ou chrétiens. Ma foi ne me permet pas de le faire. »
Il insiste pour que les réfugiés profitent de l’aide des Nations Unies: « Je mets une condition à notre aide : que les familles s’inscrivent auprès de l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés. Beaucoup ont peur de s’y inscrire. Ils craignent que cela puisse avoir des conséquences néfastes lors de leur retour en Syrie. Mais je les encourage à le faire. En le faisant, ils obtiennent le statut de réfugié et ils peuvent prétendre aux avantages offerts par les organismes de secours des Nations Unies, tels que les soins de santé gratuits. »
La Jordanie a généreusement accueilli des centaines de milliers de Syriens et d’Irakiens, mais les réfugiés ne sont officiellement que des « clients » du pays : le Royaume n’a pas signé la convention sur les réfugiés qui leur accorderait certains droits, tels que les soins de santé, la scolarisation des enfants etc.
L’Aide à l’Eglise en Détresse a déjà aidé le P. Jaar en 2011 pour payer les frais de scolarité des enfants iraquiens dans les écoles catholiques. Parfois, le P. Jaar a l’impression que son travail est une goutte d’eau dans l’océan : « Mais il faut bien commencer quelque part. Quoi qu’il en soit, ce travail fait de moi le pasteur le plus heureux du monde. »
Il se réjouit à la perspective de rencontrer le pape François : « c’est important que les réfugiés fassent l’expérience de la solidarité du Pape. Cela leur donnera de l’espoir et le sentiment qu’ils n’ont pas été oubliés. »
Avec une traduction du Patriarcat latin de Jérusalem