Pour le pape François, le devoir des chrétiens est de témoigner du « lien originel entre le profit et la solidarité, entre le gain et le don » car les biens que l’homme « garde pour lui se retournent contre lui tôt ou tard », mais les biens partagés « se multiplient et portent souvent un fruit inattendu ».
Une première : c’est le pape lui-même qui a rédigé la préface de l’ouvrage du cardinal Gehrard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, « Pauvre pour les pauvres. La mission de l’Eglise ».
Le titre de l’ouvrage – qui rassemble des interventions et des textes inédits du cardinal – est tiré de l’exclamation du pape François, quelques jours après son élection, lors de l’audience avec les media, le 16 mars 2013 : « Comme je voudrais une Église pauvre et pour les pauvres ! »
Dans la préface, publiée par L’Osservatore Romano, le pape fait un éloge de la solidarité, estimant que « plus le monde contemporain en tiendra compte, plus les pauvretés économiques diminueront ».
Le lien entre le profit et la solidarité
S’il existe « de nombreuses formes de pauvreté » – physiques économiques, spirituelles, sociales, morales – « la pauvreté économique est celle qui est considérée avec le plus d’horreur » dans le monde occidental, fait-il observer.
L’argent ayant acquis « un pouvoir apparemment supérieur à tous les autres », « l’absence de pouvoir économique revêt une insignifiance au niveau politique, social ou même humain », ajoute le pape, qui souligne la « grande vérité » de cet état de fait car « l’argent est un instrument qui prolonge et augmente les capacités de la liberté humaine, permettant d’œuvrer dans le monde, d’agir et de porter du fruit ».
Mais il souligne aussi le danger associé d’un moyen qui « peut se retourner contre l’homme » s’il « produit des trésors que l’on ne garde que pour soi, en les cachant aux autres », si la solidarité n’est vécue que dans un cercle restreint ou encore « lorsque l’homme a perdu le goût de la gratuité ».
Engendrant « l’iniquité », l’argent perd « sa valeur positive originelle » et « éloigne l’homme de l’homme, le confinant dans un horizon égocentrique et égoïste ». Le pape met en garde : « L’homme ne peut garder pour lui les biens dont il dispose » car « ce qu’il refuse aux autres et garde pour lui se retournera contre lui tôt ou tard ».
Au contraire, « lorsque les biens ne sont pas simplement utilisés pour des besoins propres, en se diffusant, ils se multiplient et portent souvent un fruit inattendu ».
Pour le pape, le devoir des chrétiens « est de redécouvrir, de vivre et d’annoncer à tous » le « lien originel entre le profit et la solidarité, la circularité féconde entre le gain et le don » : en effet, « plus le monde contemporain en tiendra compte, plus les pauvretés économiques diminueront ».
La dépendance aux autres, une ressource
Le pape évoque aussi les pauvretés qui ne sont pas liées à l’économie : il rappelle l’indigence originelle de l’homme et « son besoin des autres » à toutes les étapes de la vie, liés à son être de « créature » : « En tout état de cause, nous dépendons de quelqu’un ou de quelque chose. »
Il invite à vivre cette condition non « comme une faiblesse » mais comme « une ressource » dans un monde où tous sont « utiles et précieux pour tous, chacun à sa façon ». Il s’agit de « convertir son regard » pour se voir comme « quelqu’un par nature lié à tous les autres, qu’il considère comme des « frères » par leur origine ».
Concrètement, l’homme doit pour cela « demeurer humble », « pratiquer courageusement la solidarité, comme une vertu indispensable à la vie même » et user de ses biens « indissolublement personnels et communs » d’une façon « responsable ».
Le pape souligne « la lumière positive dans laquelle l’Évangile invite à regarder la pauvreté » : si l’homme doit « refuser catégoriquement toute forme d’accoutumance irresponsable à ses propres faiblesses », il doit aussi « se reconnaître démuni ».
C’est l’attitude des « pauvres en esprit » (Mt 53), qui savent que « seuls et par leurs propres forces », ils ne pourront « vaincre leurs limites » et qui « se confient en Dieu dans leur dénuement, sans craindre de dépendre de lui ».
Avec Hélène Ginabat pour la traduction