Bernadette se rend à la Grotte, très tôt le matin : il faut être rentrés pour la grand-messe, car c’est dimanche. Nous savons que Bernadette y est allée puisqu’à la sortie, elle sera emmenée pour un nouvel interrogatoire. L’inquiétude monte chez les autorités : cette fois-ci, Bernadette comparaît devant le juge d’instruction, Ribes, flanqué du commissaire et du procureur. De son côté, un gradé de la gendarmerie est venu de Tarbes pour enquêter sur la situation et voir ce qu’il y a lieu de faire : la quinzaine s’achève jeudi prochain, le 4 mars. C’est jour de marché : il y aura foule, encore plus que les autres jours. Déjà, ce dimanche, on comptait 1 150 personnes.
Le scenario du 28 février reproduit celui des jours précédents, avec les mêmes gestes pénitentiels. Mais, maintenant, la foule imite les gestes de Bernadette : elle baise le sol ; elle boit à la fontaine. Les six jours de la phase pénitentielle avaient peut-être ce but : nous faire comprendre que l’appel adressé à Bernadette – « Pénitence ! Priez Dieu pour la conversion des pécheurs ! – valait aussi pour nous. Surtout au temps du Carême.
Car il faut replacer le calendrier des apparitions dans le cycle liturgique. Comme la date de Pâques varie d’année en année, le décalage avec le calendrier liturgique de 1858 est plus ou moins important. En 1858, Pâques était célébré le 4 avril. Il en fut ainsi en 2010. Pour qu’il en soit de même, il faudra attendre 2021. Mais en 2015, nous n’en serons pas loin : Pâques sera le 5 avril.
Avant la réforme liturgique qui a suivi le concile Vatican II, le Carême était précédé de trois dimanches avant-coureurs : septuagésime, sexagésime, quinquagésime. Comme les panneaux qui, sur les routes, vous avertissent qu’il faudra bientôt ralentir.
Le 11 février 1858 se situe entre la sexagésime et la quinquagésime. Peut-être, avec les quelques sous tirés de la vente du bois et des vieux os ramassés à la grotte, pourra-t-on aussi acheter quelques beignets pour le mardi gras. L’évangile du dimanche 14, dimanche de la quinquagésime, raconte l’épisode du mendiant aveugle de Jéricho que Jésus guérit et qui se met à le suivre : « Et tout le peuple, voyant cela, rendit gloire à Dieu ». A posteriori, comment ne pas penser à Lourdes ?
Le 17 février, Bernadette a, sans doute, reçu les cendres. Le lendemain, commence la quinzaine des apparitions. Elle s’inscrit donc, tout entière, dans le début du Carême. Le moment convient particulièrement bien pour l’appel à la pénitence, le 24 février, et les gestes pénitentiels des jours suivants.
Dans le calendrier liturgique du diocèse de Tarbes à l’époque, chaque vendredi de Carême était marqué par le souvenir d’un des « instruments de la Passion ». Dans les églises, on les voyait souvent représentés autour du crucifix : les verges de la Flagellation, l’inscription au-dessus de la croix, l’éponge imbibée de vinaigre, les clous, la couronne d’épines et la lance. Dans le chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, ils sont portés par six anges, autour de la Piéta. A Lourdes, la source est découverte le jeudi 25 : la lance était honorée le 26.
Durant le Carême, le curé aurait dû organiser une quinzaine d’exercices spirituels. Il n’a pas trouvé de prédicateur et, pourtant, les paroissiens se pressent à l’église. La Dame de Massabielle n’aurait-elle pas (avantageusement ?) remplacé le prédicateur ?
Durant la quinzaine, par deux fois, la Dame n’apparaît pas : c’est une épreuve pour Bernadette. Le 4 mars, la quinzaine s’achève, sans rien de concluant : la Dame n’a toujours pas dit son nom. Suivent trois semaines d’absence. Bernadette ne va même plus à la Grotte. Le Carême rappelle les quarante ans des Hébreux dans le désert, les quarante jours de Jésus dans un autre désert, avant le début de sa prédication. Ce sont des temps de purification.
La Vierge l’a voulu pour Bernadette, avant de prononcer sa dernière parole, la plus étrange, le 25 mars : « Je suis l’Immaculée Conception. »
Les dates des trois dernières apparitions, elles aussi, ne semblent pas dues au hasard. Le 25 mars est la solennité de l’Annonciation, le jour où l’ange salue Marie en l’appelant « pleine de grâce ». Le 7 avril restera dans les annales de Lourdes comme le jour où a lieu « le miracle du cierge » : c’était le mercredi de Pâques. La dernière apparition a lieu lors d’une fête de la Vierge, Notre-Dame du Mont Carmel. C’est la dernière ; elle a lieu le soir et, à cause des barrières mises par M. le Préfet, Bernadette est à distance.
Pendant toute la durée des apparitions, Bernadette allait à l’église. Elle assistait à la Messe, le dimanche et même d’autres jours : le 4 mars, à cause de la Messe, elle est en retard à la Grotte. Et pourtant, jusqu’au 25 mars, le curé est plus que sceptique. Dans le même temps, elle va en classe et, vaille que vaille, apprend un peu de catéchisme. Elle n’est pas très brillante mais, jamais, elle ne dira que la Dame est une meilleure catéchiste que M. l’abbé.
Marie est la Mère de l’Eglise, parce qu’elle est la Mère du Christ, la Mère donnée par Jésus au disciple bien-aimé. Comment la Vierge pourrait-elle nous détourner de l’Eglise ? Ce n’est pas par hasard que les sanctuaires marials sont aussi des hauts lieux sacramentels, en particulier pour la réconciliation et pour l’Eucharistie.
O Marie,
Tu as guidé sagement Bernadette dans le temps des apparitions.
Tu as éprouvé sa confiance.
Tu as fait grandir sa foi.
Avec toi, elle a vécu le Carême, dans le cadre de sa paroisse.
O Marie,
Toi qui es la Mère de l’Eglise,
Renforce notre communion avec elle,
Prépare-nous aux sacrements de Pâques.
Au Nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Amen !