Vendredi 19 février 1858

Dieu s’adresse à une liberté

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Hier, la Dame, « Aquero » comme dit Bernadette, n’a pas voulu écrire son nom comme Bernadette le lui demandait. Pourquoi ? Parce que la parole est plus importante encore que l’écriture ? Parce que, dans le monde biblique, le nom est beaucoup plus qu’un état civil : il dit quelque chose de la personne elle-même et suppose donc une relation de confiance ? Parce que le jour choisi par la Dame pour dire qu’elle est « l’Immaculée Conception » sera la fête de l’Annonciation, le jour où l’ange dit à la Vierge qu’elle est « comblée de grâce » ?

Quoi qu’il en soit des motifs de la Vierge, Bernadette a essuyé un refus. Un refus poli, mais un refus quand même. Sans que Bernadette puisse en comprendre la raison. Pourtant, sa demande était légitime. Elle aurait pu se décourager et partir. Mais l’attrait est plus fort. La douceur de la Dame, la beauté, la lumière, le sourire retiennent Bernadette. C’est une leçon pour les croyants et ceux qui sont en quête de la vérité : un obstacle ne doit pas arrêter la marche.

Ecrire son nom aurait pu mettre un terme à la relation que la Dame veut nouer avec Bernadette. Elle propose donc à Bernadette un engagement pour l’avenir : « Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ? » Tous les mots méritent d’être savourés.
« Voulez-vous ? » La Dame s’exprime comme Jésus : « Si quelqu’un veut venir à ma suite… ; si tu veux être parfait… ». Dieu s’adresse à une liberté. Il ne force personne, avec le risque du refus si la liberté se laisse séduire par l’illusion : c’est l’histoire du péché depuis le chapitre 3 de la Genèse. Lors des ordinations de diacres, de prêtres ou d’évêques, la même question est posée à celui qui va recevoir le sacrement : « Voulez-vous.. ? » Il s’agit des engagements qu’il prend en acceptant de devenir diacre, prêtre ou évêque.

« Me faire la grâce ». La Dame parle en bigourdan. A ceux qui, plus tard, lui objecteront qu’au ciel on ne parle pas le bigourdan, Bernadette répondra : « Comment le saurions-nous s’ils ne le savaient pas ? » En bigourdan, le mot utilisé par la Dame est bien celui de « grâce ». Il est parfois traduit par « gentillesse » ou « bonté ». Cela ne change rien à l’affaire. Après avoir repoussé la demande de Bernadette, c’est maintenant la Dame qui adresse une demande à Bernadette. Quelqu’un qui vient du ciel, celle que l’ange a saluée comme « pleine de grâce » et qui demande une « grâce », un service à une gamine : voilà quelque chose d’étonnant. Là encore, la Dame s’exprime comme Jésus. « Donne-moi à boire », dit Jésus à la Samaritaine. L’homme est capable de chercher Dieu mais, plus radicalement encore, c’est Dieu qui est en quête de l’homme. Le dialogue entre la Dame et Bernadette est un écho de cette histoire millénaire.

« Venir pendant quinze jours ». La demande est concrète : venir. Ce sera très difficile pour Bernadette et, par deux fois dans la quinzaine, la Dame ne lui apparaîtra pas. Mais Bernadette sait ce qui lui est demandé : simplement venir. Plus tard, une mission lui sera confiée. Mais ce n’est pas encore l’heure. La Dame est pédagogue. C’est une leçon pour l’Eglise : demander des engagements concrets, difficiles peut-être, mais à la mesure de ce que telle personne peut entendre à cette heure-là.

« Pendant quinze jours » : l’engagement est limité. Il correspond aux quinze jours pendant lesquels une sorte de grande retraite de Carême est prêchée dans les paroisses du diocèse. Le curé de Lourdes n’a pas trouvé de prédicateur : Marie se fera la prédicatrice, à travers Bernadette, sa fidélité à venir à Massabielle, la beauté de son visage quand la Dame lui apparaît. De plus en plus nombreux, les habitants vont se joindre à elle. Bernadette les entraîne dans sa prière. Et Monsieur le curé est tout content : ceux qui fréquentent la Grotte viennent aussi à l’église et se préparent, au terme du Carême, à « faire leurs pâques », comme on disait à l’époque.

Aujourd’hui, 19 février, Bernadette commence à remplir l’engagement qu’elle a pris : elle vient. Ce jour-là et tous les jours suivants, elle porte un cierge de la congrégation des Enfants de Marie. Après le chapelet, le signe de croix, l’eau bénite, encore un signe chrétien et même liturgique. Depuis lors, les cierges ne se sont jamais éteints à Massabielle.

O Marie,
Aujourd’hui tu as demandé un service, une grâce à Bernadette.
Comme ton Fils à la femme de Samarie.
Tu lui as demandé de venir, pendant quinze jours.
Beaucoup d’obstacles se dresseront pour barrer la route à Bernadette.
Mais tu lui donneras ton courage, ta patience et ta force.
Soutiens l’Eglise et soutiens chacun de nous sur son chemin de foi.
Au Nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit
Amen !


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Jacques Perrier

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