Le Rapport du Comité de l’ONU pour les droits des enfants, concernant le Saint-Siège et publié à Genève, a eu un large écho dans le monde. Un document qui ne se limite pas à l’évaluation de ce qu’a été fait par l’Église dans la lutte contre la plaie des abus sur les mineurs, mais qui met en accusation la morale catholique sur des questions allant de l’avortement à l’homosexualité. P. Hans Zollner, responsable du Centre pour la protection de l’enfance de l’Université grégorienne répond aux questions de Radio Vatican.
Quelles sont les limites de ce rapport ?
On n’a pas pris en considération la tentative et la volonté exprimée avec conviction par les papes, de Benoît XVI au pape François, de faire de la lutte contre les abus un des engagements principaux de la mission de l’Église, comme cela a été réaffirmé à plusieurs reprises. Ensuite, on ne comprend pas bien comment des thèmes comme l’avortement ou la contraception ont abouti là, ou comme l’homosexualité, et l’on voit que ces thèmes devaient probablement, d’une manière ou d’une autre, finir dans le Rapport, mais ils n’ont aucun lien. Il y a eu une volonté d’insérer ces thèmes, comme pour dire : il faut que l’Église bouge sur la morale sexuelle, et comme cela, nous avons …
Comme vous l’avez souligné, l’Église combat cette plaie des abus. Quel effet ce Rapport pourra-t-il avoir sur son engagement, selon vous ?
C’est difficile à dire. D’un côté, ce sera certainement un stimulant pour aller plus loin et pour repérer encore davantage et de manière plus spécifique les secteurs où nous devons dire ce que nous faisons déjà et ceux où nous devons vraiment travailler davantage, concrétiser, comme l’a dit Mgr Scicluna, qui a été promoteur de la Justice pendant dix ans. Mais je dois dire qu’un coup de fouet comme celui de cette Commission, au moins dans certaines parties du Rapport, n’aide pas à motiver les gens dans l’Église à aller de l’avant, parce que quoi que l’on fasse, ce n’est pas reconnu. C’est donc un peu décevant : le travail accompli n’est pas pris en considération ! Il est aussi certainement injuste de montrer du doigt ces choses dont les papes et la Congrégation pour la doctrine de la foi parlent depuis des années comme de « la plaie ouverte dans le corps de l’Église ».
Dans plusieurs passages, le Rapport attaque frontalement la morale catholique. Selon vous, d’où vient cette attaque ? D’un lobby ? Y a-t-il une dérive idéologique comme, par exemple, l’a affirmé Mgr Tomasi à Genève ?
Malheureusement, d’après ce que l’on entend dans les nouvelles, la présidente de la Commission a réagi de manière assez péremptoire, en disant que l’Église n’avait pas fait suffisamment. Certes, la question est de savoir si nous voyons le verre à moitié vide ou à moitié plein. L’Église mène la lutte contre les abus comme aucune autre institution mondiale : il y a eu beaucoup d’erreurs, de péchés et de crimes de la part de membres de l’Église, y compris de prêtres. Mais dire que l’Église ne fait absolument rien ne me semble pas objectif ! Cela me semble plutôt être une tentative dont j’ignore si elle est malveillante ou non… Mais on peut dire qu’on ne prend pas sérieusement en considération ce que l’Église a mis en œuvre. C’est incompréhensible ! Il y a une grande confusion : l’image d’une Église qui fonctionnerait comme un organe de contrôle de chaque catholique, de chaque Église locale, de chaque paroisse, de chaque diocèse… Cela ne fonctionne pas comme ça ! Je vois aussi une ambivalence dans le Rapport : d’un côté, on le reconnait, mais de l’autre, on demande, par exemple, – et c’est absurde !- que l’Église puisse contrôler toutes les dépenses faites au profit des enfants : comme si dans chaque crèche, dans chaque école, dans chaque université, dans chaque paroisse, dans chaque diocèse, le pape devait finalement signer tous les budgets. Ce sont des choses inacceptables ! C’est pour cela que l’évaluation de ce document est assez complexe, il n’est pas aussi univoque, mais d’un autre côté, il y a certainement des choses injustes et des accusations disproportionnées.
Les enfants sont malheureusement chaque jour victimes des guerres et de la faim dans de nombreuses régions du monde. D’après vous, pourquoi cette attention, nous l’avons vu, presque désespérée des mass médias envers le Vatican, justement sur cette question des mineurs ?
Mon interprétation est celle-ci : l’Église se présente comme gardienne des valeurs humaines et toute infraction nous met dans des situations où nous devons admettre que beaucoup des nôtres ne vivent pas ce que nous proposons, professons ou propageons. C’est pourquoi il y a certainement une partie justifiée dans les observations des médias et de la société en général. D’un autre côté, l’Église catholique est vue comme un organisme unique : et donc, si je suis prêtre, j’ai une certaine corresponsabilité envers ce que fait mon confrère prêtre ; s’il commet un abus, je suis moi aussi, d’une certaine manière, accusé indirectement de faire partie de cet organisme qui n’a pas fait ce qu’il devait. Il y a donc quelque chose autour de cette image d’une Église corresponsable dans toutes ses composantes. Et là, je pense que personne ne peut évidemment juger d’où vient cette « fixation » de la part des médias sur l’Église catholique, mais cela nous pousse à avancer, à ne pas ralentir notre effort commun, avec de nombreuses personnes de bonne volonté à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Église, qui nous aident pour faire de l’Église un véritable organisme, une réalité où les enfants peuvent vivre ce que Jésus lui-même nous a confié comme mission, où ils sont protégés, avec cette évolution qui ne doit pas être bloquée par la gravité de ces péchés et de ces crimes.
Traduction d’Hélène Ginabat