Le martyrologe romain fait aujourd’hui mémoire d’un serviteur fidèle de la Vierge Marie, le saint Mexicain Juan Diego Cuauhtlatoatzin, veuf (1474-1548), de la tribu des Chichimeca.
Il a été béatifié en 1990 et canonisé en 2002. Il est rare qu’une cause soit relancée si longtemps après les événements. Mais le caractère exceptionnel du rôle de Juan Diego dans le développement du sanctuaire de Guadalupe justifiait la reprise de l’enquête.
On sait qu’il a embrassé le christianisme et qu’il a été baptisé alors qu’il avait 50 ans, comme le rapporte l’un des premiers franciscains arrivés au Mexique. Un document écrit en langue nahuatl mais en caractères latins, et datant de 1556, rapporte les apparitions et raconte la vie de Juan Diego: El Nican Mopohua, d’Antonio Valeriano (1520-1605).
Le chant de l’Immaculée
En 1531, cela fait dix ans que Cortès a pris la ville de Mexico. Les Franciscains, arrivés en Nouvelle Espagne en 1524, ont commencé à annoncer l’Évangile. Au lendemain de la fête de l’Immaculée, le 9 décembre 1531, avant l’aube, vers quatre heures, un paysan Indien, pauvre, surnommé Diego, ayant reçu le nom de Juan à son baptême, se rend à Mexico. Depuis peu, il a perdu sa femme, Maria Lucia. Il marche seul, sur la route de 16 kilomètres qui mène de son village, Tolpetlac, à l’Église Saint-Jacques, tenue par les Franciscains. Au pied de la colline de Tepeyac, qui domine la plaine, non loin du lac de Texcoco, il entend soudain un chant très doux et mélodieux, comme le chant harmonieux d’une multitudes d’oiseaux. Il lève les yeux vers l’endroit d’où le chant semble venir et il aperçoit comme une nuée blanche et lumineuse entourée d’un arc-en-ciel. Une lumière émane du cœur de la nuée. Dans sa joie, Juan Diego en fait que répéter: « Qu’est-ce que je vois et qu’est-ce que j’entends? Où suis-je entraîné? Peut-être m’a-t-on conduit au paradis terrestre? »
Le chant se tait et il entend une voix féminine, très douce, venant de la nuée, et qui l’appelle par son nom, et l’invite à s’approcher. Bientôt, il aperçoit une très belle dame, de type indien, basanée, dans la nuée. Alentour, la lumière de ses vêtements semble transformer les roches en pierres précieuses. Elle s’adresse à lui en nahuatl:
– Juan Diego, mon enfant, que j’aime tendrement comme un petit enfant, où vas-tu?
– Je vais, ma douce maîtresse, répondit-il, à Mexico, au quartier de Tlaltelolco, pour entendre la messe que célèbrent les ministres de Dieu.
– Sache que je suis la Vierge Marie, Mère du Vrai Dieu et Auteur de la Vie, Créateur de l’Univers et Seigneur du Ciel et de la Terre, et qui est partout. Je désire que l’on me construise une église en ce lieu, et là, comme une Mère, pleine de compassion envers toi et envers tes semblables, je manifesterai ma douce clémence aux indigènes et à ceux qui m’aiment et qui me cherchent. Là, j’écouterai les prières et les plaintes de tous ceux qui demanderont ma protection et m’invoqueront dans leurs tribulations et leurs afflictions. Là, je les consolerai et je les aiderai. Afin d’accomplir ma volonté, tu te rendras dans la ville de Mexico, à la maison de l’évêque, et tu lui diras que c’est moi qui t’envoie et que je désire qu’il me fasse construire une église en ce lieu. Tu lui raconteras ce que tu as vu et entendu, et sois sûre que je te serai reconnaissante de tout ce que tu feras pour moi au cours de cette mission dont je te charge et que je te ferai connaître. Maintenant, mon enfant, tu connais mon désir, va en paix et souviens-toi que je récompenserai ton travail et ta diligence. Fais tout ce qui est en ton pouvoir.
Les deux signes
Juan Diego promet et il se rend chez Mgr Juan Zumarraga, franciscain et premier évêque de la ville. A son récit, l’évêque pense qu’il s’agissait d’un songe ou d’une illusion du démon. Sur le chemin du retour, la Vierge apparaît de nouveau à Juan Diego, au coucher du soleil, et le confirme dans sa mission, lui demandant de retourner le lendemain auprès de l’évêque pour réitérer sa demande.
Le dimanche 10 décembre, après la messe et la catéchèse, Juan Diego se rend chez l’évêque qui commence à le croire mais le fait suivre par ses serviteurs, à son insu. Or, il disparaît à leurs yeux à la hauteur du pont: il sont alors convaincu qu’il est un imposteur. Juan Diego expose à la Vierge de ses difficultés, et elle l’envoie une troisième fois auprès de l’évêque, lui promettant un signe. A son retour au village, Juan Diego trouve son oncle malade, et il passe son lundi à chercher un médecin, puis un prêtre, étant donné l’aggravation de la maladie.
Le mardi matin, 12 décembre, Juan Diego cherche à éviter la colline de l’apparition pour se hâter de trouver un prêtre. Mais la Vierge vient à sa rencontre et elle l’assure que son oncle est déjà guéri. Alors Juan Diego demande le signe promis et la Vierge l’envoie cueillir des roses pour l’évêque: un premier prodige que cette floraison en hiver. Arrivé devant l’évêque, Juan Diego ouvre son « ayate » remplie de roses, mais un second prodige appraît: l’image de la Vierge imprimée sur la laine. Convaincu, l’évêque se rend le lendemain, avec Juan Diego, au lieu de l’apparition puis il le fait raccompagner chez lui, pour constater la guérison de son oncle. Celui-ci a également bénéficié d’une apparition de Marie. Il dit que la Vierge demande à être appelée « Notre Dame de Guadalupe »: c’est le nom d’un village d’Espagne, Sierra de Guadalupe, où l’on vénérait une image de la Vierge offerte par le pape Grégoire le Grand à saint Léandre, évêque de Séville.
La Vierge métisse de Tepeyac
L’évêque recueillit les témoignages, reconnut la nature miraculeuse de la guérison et, dans l’attente de la construction d’un sanctuaire, il fit conserver la précieuse image dans une église de la ville, où elle commença à attirer de nombreux fidèles.
Juan Diego mena dès lors une vie de prière profonde, accompagnée de service des plus pauvres. Il a été inhumé sur la colline de Tepeyac vers 1548.
Il a été béatifié le 6 mai 1990 par Jean-Paul II en la basilique Notre Dame de Guadalupe, à Mexico. Et il y a été canonisé le 31 juillet 2002 également par Jean-Paul II.
Pour Jean-Paul II, « Guadalupe et Juan Diego revêtent une signification ecclésiale et missionnaire profonde et sont un modèle d’évangélisation parfaitement inculturée ».
Il y voyait un message non pour le passé mais pour l’avenir du Mexique: « En accueillant le message chrétien sans renoncer à son identité autochtone, Juan Diego découvrit la vérité profonde de la nouvelle humanité, dans laquelle tous sont appelés à être enfants de Dieu. Il facilita ainsi la rencontre fructueuse de deux mondes et il devint un protagoniste de la nouvelle identité mexicaine, intimement unie à la Vierge de Guadalupe, dont le visage métis exprime sa maternité spirituelle qui embrasse tous les Mexicains. »