Cette image a été apportée à Castelgandolfo par le pape Pie XI, qui avait été visiteur apostolique puis nonce en Pologne. Abritée dans le sanctuaire de Notre-Dame de Czestochowa, cette Vierge noire, avec l’Enfant Jésus dans les bras, est de tradition médiévale byzantine.

Selon la légende, elle serait une copie d’une image peinte par saint Luc. C’est le prince Ladislav d’Opole, en 1382, qui la ramena de Russie à Czestochowa.

Mais quelle est la signification de cette image de la Vierge, si importante dans l’histoire et dans la foi du peuple polonais ?

Pour le père Mariusz Frukacs, de l’archidiocèse de Czestochowa, rédacteur en chef de l’hebdomadaire ‘Niedziela’, le peuple polonais a une forte identité chrétienne, marquée par des liens profonds avec Marie. Et la Vierge de Częstochowa est la manifestation concrète de ces liens entre les Polonais et la Mère du Christ.

L’histoire récente de la nation montre que le peuple polonais a survécu aux deux plus grandes dictatures du XXe siècle : le nazisme et le communisme.

Le peuple polonais a subi des souffrances atroces, des millions de morts durant la seconde guerre mondiale, un nombre considérable de femmes et d’hommes enfermés dans les camps nazis et dans les goulags soviétiques.

Plusieurs fois dans l’histoire de la nation polonaise, les groupes dirigeants ont été éliminés, mais le peuple a su résister et renaître. Il suffit de penser aux treize Prix Nobel, dont cinq pour la littérature: Henryk Sienkiewicz (1905), Władysław Reymont (1924), Isaac Bashevis Singer (1978), Czesław Miłosz (1980) et Wisława Szymborska (1996).

Lors de son premier voyage en Pologne, Jean Paul II parla du peuple polonais en évoquant le sanctuaire de Czestochowa : « Dans ce lieu nous nous sommes sentis libres », a-t-il déclaré. Le pape faisait référence à tous les événements historiques où la Vierge de Czestochowa fut déterminante pour animer la résistance des polonais aux occupations.

En 1655, la Pologne était presqu’entièrement occupée par l’armée suédoise. Les Suédois protestants combattaient les catholiques polonais. C’est grâce à la résistance organisée au sanctuaire de Częstochowa, entouré d’un immense mur d’enceinte, en haut de la colline de Jasna Gora (« mont de la lumière »), que les Polonais purent stopper l’avancée des Suédois et organiser une contre offensive dont ils sortirent vainqueurs.

Face aux troupes suédoises qui assiégeaient le sanctuaire, un petit groupe de soldats polonais, après avoir été réunis par le prieur autour de l’image miraculeuse de la Vierge Noire,  parvint à repousser l’ennemi, suscitant dans toute la nation un soulèvement de masse contre les envahisseurs.

En quelques mois, les suédois furent repoussés et la Vierge Marie fut proclamée officiellement « Reine de Pologne ».

Mais Jean Paul ne se référait pas seulement à  ces épisodes de 1655. La Pologne a été envahie et occupée par les russes, de la fin du XVIIIème siècle à 1917, par les troupes nazies durant la seconde guerre mondiale et par la dictature communiste jusqu’en 1989. A toutes ces occasions, le peuple polonais a tiré son courage de Notre-Dame de Częstochowa.

Ces liens entre le peuple et la Vierge de Częstochowa étaient bien connus des occupants. On raconte que pour épuiser la résistance des polonais, le tsar de Russie fit raser au sol les murs qui entouraient le sanctuaire, mais la réaction populaire fut telle qu’il s’empressa de faire édifier à nouveau ces murs à ses frais. Après la guerre, les soviétiques n’osèrent pas toucher le sanctuaire.

Les rois polonais ont toujours nourri des liens particuliers avec le sanctuaire de Jasna Góra. Aussitôt après leur couronnement, ils allaient rendre hommage à la Vierge.

A l’intérieur du sanctuaire  se trouve également une bibliothèque renaissance avec plus de 40.000 manuscrits conservés précieusement. Près de 4 millions de pèlerins s’y rendent chaque année.

Le P. Mariusz est convaincu que le témoignage de Jean Paul II et l’histoire et la foi du peuple polonais peuvent contribuer de manière déterminante à la redécouverte des racines chrétiennes de l’Europe.

« L’Europe peut être unie et trouver la force de revenir au centre du monde. Même son emblème porte les couleurs et les étoiles de Marie », a-t-il fait observer. Et la devise de Jean Paul II « Totus Tuus », est un programme pour l’Eglise et pour les peuples européens.

« L’expérience de Solidarnosc pour la défense des droits de l’homme peut être exportée et diffusée dans toute l’Europe ». Par ailleurs, a-t-il estimé, « chaque homme est fait de chair et d’esprit, il est donc impossible d’imaginer une Europe sans âme ou réduite à sa seule union monétaire ».

Le père Ireneo Skubis, rédacteur en chef général de Niedzela, pense que l’heure est venue de recréer un « Solidarnosc de prêtres », qui témoignent et professent le Christ. « Car les prêtres, a-t-il expliqué, ont une aspiration qui est transcendantale et dépasse la seule vie terrestre ».

« C’est dans ce sens-là qu’une alliance solidaire entre les prêtres pour l’Europe pourrait soulever des populations entières. Il s’agit de la vraie force de l’Europe qui a évangélisé le monde », a-t-il conclu.

Traduction d’Océane Le Gall