Le dilogue interreligieux dans l’en,seignement officiel de l’Eglise: cette publication a été présentée au Vatican ce mardi matin, 12 novembre, par le cardinal Jean-Louis Taura, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et par le P. Miguel Angel Ayuso Guixot. Voici sa contribution, dans notre traduction intégrale, de l’italien.
Intervention du P. M. A. Ayuso Guixot
Pouvez-vous nous aider à nous faire une idée des contenus de l’ouvrage ?
Pour comprendre le chemin parcouru au cours du dernier demi-siècle, il est utile d’évoquer brièvement ce que les six derniers papes ont affirmé dans leur Magistère à propos du dialogue avec les fidèles des autres religions.
On peut commencer avec Jean XXIII qui, dans son Discours d’ouverture du concile Vatican II (11 octobre 1962), a invité à promouvoir l’unité basée sur « l’estime et le respect que ceux qui suivent les diverses formes de religion non encore chrétiennes nourrissent envers l’Église catholique », et pas uniquement l’unité au sein de la famille chrétienne et humaine, l’unité des catholiques, l’unité avec les chrétiens qui ne sont pas encore dans la pleine communion (Gaudet Mater Ecclesia, § 8.2). Dans l’encyclique Pacem in Terris (11 avril 1963), Jean XXIII mettait aussi en garde : « C’est justice de distinguer toujours entre l’erreur et ceux qui la commettent, même s’il s’agit d’hommes dont les idées fausses ou l’insuffisance des notions concernent la religion ou la morale. L’homme égaré dans l’erreur reste toujours un être humain et conserve sa dignité de personne à laquelle il faut toujours avoir égard » (n.158).
Paul VI, dans Ecclesiam Suam (6 août 1964), exprime sa profonde conviction que « L’Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L’Église se fait parole ; l’Église se fait message ; l’Église se fait conversation » (n.67).
Jean-Paul I, malgré la brièveté de ses 33 jours de pontificat, s’est dirigé sur la voie tracée par son prédécesseur, « invitant à la collaboration tous (…) pour endiguer, à l’intérieur des nations, la violence aveugle et, au sein de la vie internationale, promouvoir le développement des peuples moins favorisés » (Premier message radio Urbi et Orbi, 27 août 1978).
Jean-Paul II a développé la « culture du dialogue ». Il serait impossible d’énumérer ici toutes les rencontres qui ont constellé son pontificat. J’aime à rappeler qu’en 1986, à Assise, il a rencontré les fidèles de toutes les religions du monde pour une Journée de prière, ou que, en 2002, après les événements dramatiques de New York et de Washington du 11 septembre 2001, et leurs tragiques conséquences dans le Moyen et dans le Proche-Orient, il a proposé un Décalogue pour la paix aux chefs d’État et aux représentants des gouvernements du monde entier.
À l’occasion du cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile, Benoît XVI a redit que, pour trouver l’esprit authentique de Vatican II, il fallait revenir à sa « lettre », c’est-à-dire à ses textes. Deux Déclarations surtout illustrent l’ouverture de l’Église : Nostra Aetate (28 octobre 1965) et Dignitatis Humanae (6 décembre 1965). La première, considérée désormais comme « la Grande charte du dialogue », contient la reconnaissance du bien présent dans toutes les traditions religieuses. La seconde insiste sur la liberté, propre à tout homme, de suivre sa conscience dans le domaine religieux.
En cinquante ans, des pas importants ont été effectués vers les étapes indiquées par le concile Vatican II et par les cinq derniers papes, des pas qui sont présentés dans cet ouvrage.
Quels sont les aspects saillants du dialogue selon Benoît XVI ?
Le fruit mûr de son pontificat se cueille à la fin. Lors du dernier Noël qu’il ait vécu en tant que pape, à l’occasion des vœux présentés à la curie romaine, il a frappé tout le monde en affirmant que « ce n’est pas nous qui possédons la vérité, mais c’est elle qui nous possède : le Christ qui est la Vérité nous a pris par la main, et sur le chemin de notre recherche passionnée de connaissance, nous savons que sa main nous tient fermement. Le fait d’être intérieurement soutenus par la main du Christ nous rend libres et en même temps assurés. Libres : si nous sommes soutenus par lui, nous pouvons ouvertement et sans peur, entrer dans tout dialogue. Assurés, nous le sommes, car le Christ ne nous abandonne pas, si nous ne nous détachons pas de lui. Unis à lui, nous sommes dans la lumière de la vérité » (Présentation des vœux de Noël à la curie romaine, 21 décembre 2012).
Par ailleurs, au début du pontificat, il s’est immédiatement situé dans le sillon du magistère du pape Wojtyla, disant que « l’Église veut continuer de construire des ponts d’amitié avec les fidèles de toutes les religions, afin de chercher le bien authentique de chaque personne et de la société dans son ensemble » (Aux délégués des autres religions, 25 avril 2005). Puis, dans Verbum Domini (30 septembre 2010) : « L’Église reconnaît comme une part essentielle de l’annonce de la Parole, la rencontre et le dialogue avec tous les hommes de bonne volonté, en particulier avec les personnes appartenant aux diverses traditions religieuses, en évitant toute forme de syncrétisme et de relativisme, et en suivant les lignes indiquées par la Déclaration du Concile Vatican II Nostra aetate, et précisées par le Magistère ultérieur des souverains pontifes » (n.117).
Et le pape François ? Dans quelle direction s’oriente le dialogue interreligieux ?
Le chemin est encore long mais, avec le pape François, il continue par le « dialogue de l’amitié ». En quelques mois, le pape a déjà eu de nombreuses rencontres avec des représentants d’autres religions et prononcé beaucoup de paroles sur le dialogue interreligieux.
Par exemple, au début de son pontificat, s’adressant aux représentants des Églises et des communautés ecclésiales et des autres religions, il a rappelé et répété que « l’Église catholique est consciente de l’importance de la promotion de l’amitié et du respect entre les hommes et les femmes de différentes traditions religieuses » (Aux représentants des Églises et des communautés ecclésiales et d’autres religions, 20 mars 2013). Je voudrais aussi rappeler que, cette année, c’est lui-même qui a signé le message annuel de vœux adressé à la communauté musulmane pour la fête de la fin du ramadan.
Une dernière curiosité. L’ouvrage contient une dédicace un peu particulière.
Oui, le cardinal Jean-Louis Tauran a eu soixante-dix ans le 5 avril dernier et les officiels de notre dicastère ont souhaité lui dédier la troisième édition de cet ouvrage, en signe de leur affection envers sa personne et d’estime pour son travail extraordinaire dans ce champ d’action si délicat et important pour l’avenir de l’Église et du monde.
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat