Le professeur James Kugel a parlé dans un français exquis et plein d’humour de la lecture juive de la bible, lors de la rencontre du pèlerinage « Aux sources de la promesse », mardi 22 octobre, à l’université Bar Ilan de Tel Aviv, avec cette clef : le sens du texte est caché, il faut le chercher, ce qui apparaît peut-même être en opposition avec ce qui est lu a priori.
Ainsi, les interprètes juifs sont « horrifiés », explique-t-il, lorsque l’on prétend que « œil pour œil dent pour dent » signifie de frapper l’oeil de celui a frappé un oeil et de casser une dent a qui en a cassé une à son prochain. « Il est interdit d’arracher un œil ! », s’exclame-t-il. Il faut exiger cependant une compensation, une indemnisation.
Parfois, dit le professeur, des Etats Unis, « ce que le texte semble dire est interprété de façon contraire ».
Répondant avec bonne grâce aux questions de son auditoire, le professeur Kugel a souligné que le « sens littéral » a été considéré pour cette raison comme moins important : le sens « historique » est « moins important » que le sens spirituel. Et assez tôt, le christianisme aussi a indiqué, ajoute-t-il, le chemin de la lecture spirituelle de l’Ecriture.
Dans l’ère pré-chrétienne, a-t-il précisé, « le sens littéral n’était pas le vrai sens » : « il y a toujours un autre sens, le sens caché et c’est celui-là qui compte ».
Il a notamment évoqué l’exégèse de cet auteur juif de langue grecque, Philon d’Alexandrie, qui a vécu trente ans avant l’ère chrétienne et qui est mort avant l’an 50.
Par exemple, pour la figure d’Abraham : il est un personnage parti d’Ur, dans le sud de la Mésopotamie. « Pour nous, a-t-il ajouté, le sens caché dans le texte Abraham représente l’âme humaine, et le fait qu’il quitte la Ville d’Ur signifie la transformation qui s’opère dans l’âme humaine en quête de Dieu ». Donc « oui au texte littéral, historique, vrai, mais ce n’est pas cela qui importe », car le vrai sens est « au présent » et non « au passé », il est « dans la vie quotidienne ».
Le professeur Kugel a écrit un livre sur les formes littéraires, mettant par exemple en lumière la forme rhétorique du « parallélisme biblique » comme une forme typique de la Bible. Il note que les interprètes juifs ou chrétiens jusqu’au moyen âge ne s’y sont pas intéressé, car le style est humain tandis que les « textes sont conçus comme divins » : ils « ne s’intéressaient pas aux formes ».
Mais, fait-il observer, Rome avait une « tradition d’interprétation littéraire développée ». Il cite Ambroise de Milan et ses commentaires des psaumes où il remarque qu’il a « identifié dans la Bible ce qui caractérise la poésie latine à l’époque ».
Il a aussi donné l’exemple de Flavius Joseph qui identifie « certains chants hexamètres ».
Après la session commune de Bar Ilan sur les défis des responsables religieux en contexte démocratique, mardi 23 octobre, deux conférences ont en effet suivi, celle eu Prof. Kugel et celle de Mme Tsilla Hershco spécialiste des relations entre « Paris et Jérusalem », auteur d’une étude intitulée : « La France, le sionisme et la création de l’Etat d’Israël 1945-1949 » (Honoré Champion éditeur), avec une préface du président Shimon Peres.