« On doit parler de la famille dans tous ses aspects. Car il ne fait aucun doute que la famille reste un patrimoine de l’humanité », déclare Mgr Paglia, qui estime qu’il faut « repenser » la famille, « la comprendre à nouveau, pour pouvoir l’aider de manière plus appropriée ».
En marge de la présentation de la XXIe Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la famille et du pèlerinage des familles pour l’Année de la foi, les 26 et 27 octobre prochain, Mgr Vincenzo Paglia, président du dicastère, a répondu à quelques questions de Zenit et d’autres journalistes, dont voici la teneur :
Dans son entretien à La Civiltà Cattolica, le pape François appelle à ne pas « insister » toujours et seulement sur certains thèmes « brûlants » liés à la famille comme avortement, mariage homosexuel, méthodes de contraception…
Mgr Vincenzo Paglia – Attention aux mauvaises interprétations. Le pape ne veut pas dire que l’on ne doive pas parler de la famille. Au contraire, il veut souligner que l’on doit parler de la famille dans tous ses aspects. Car il ne fait aucun doute que la famille reste – comme il le dit, en reprenant le document d’Aparecida et les paroles de Benoît XVI – un « patrimoine de l’humanité ». Et il ajoute que c’est une des richesses les plus extraordinaires du peuple latino-américain. C’est donc précisément cet amour pour la famille qui lui a donné l’idée d’organiser un synode, car il comprend bien qu’au-delà des théories, les personnes vivent ces problèmes.
Quand il parle d’enfants auxquels on a volé le cœur et l’avenir, quand il parle des jeunes sans travail, des personnes âgées mises de côté… il parle de la famille, pas d’autre chose! C’est en quelque sens un rappel à saisir la réalité à pleines mains, à se plonger dans les favelas, dans la vie de tous les jours. Et comme la vie de tous les jours est, de fait, encore innervée sur le schéma familial, le pape demande: « Etudions cette question! Affrontons les problèmes ». Il est inutile que nous fermions les yeux. C’est en ce sens la perspective extraordinaire d’un homme qui a vraiment vécu et vit encore sur un style familial et non bureaucratique.
Il y a en particulier le thème de la communion aux divorcés remariés. Quel est le chemin qui se profile concernant cette question?
Le seul fait de se préoccuper de ce problème est déjà une réponse. Etre proche d’un malade est déjà une façon de l’assister. Le fait est que l’amour est aussi intelligent, il n’est pas idiot; voilà pourquoi il faut souligner que lorsqu’il y a maladie on ne peut pas bombarder, mais on doit soigner. La vérité n’est pas un gourdin, il faut soigner les gens réellement. De ce point de vue-là c’est pour moi un pape extraordinaire et moi, comme président du Conseil pontifical pour la famille, je ne peux que m’accrocher à lui et le suivre. Certes, parfois il se détache eh! Le pape a un pas beaucoup plus rapide que le nôtre …
Cela peut-il jeter le trouble?
C’est à nous de réagir avec lui ! En bons croyants nous devons tous comprendre que le pape est celui que nous devons suivre. Donc le vrai problème est d’être attentifs, de saisir son esprit en profondeur et de le suivre avec cette audace qu’il nous montre.
Vous avez dit que depuis le dernier synode sur la famille, il y a trente ans, beaucoup de choses ont changé. Quelles sont les choses qui ont subi une réelle transformation ?
Le monde a changé, pas seulement le monde politique qui était divisé en deux et aujourd’hui est polymorphe, mais aussi la culture. La culture individualiste ne cesse de s’affirmer. Les relations entre les peuples, entre les générations et entre les personnes ont changé. Et la famille est touchée par ces multiples transformations et changements. Il faut la repenser, la comprendre à nouveau, pour pouvoir l’aider de manière plus appropriée. Il est impossible par exemple de concevoir une famille sans amour, sans personnes âgées, sans enfants, cela serait du pur égoïsme! Et puis il faut aider les jeunes, spécialement ceux qui se marient, à comprendre le sens de ce sacrement; accompagner les premiers pas de ces nouvelles familles. Aujourd’hui il est impossible de laisser les familles seules, car les vagues de la mer engloutissent les bateaux qui sont seuls. Il faut construire une sorte de grand convoi.
Qui est interpelé par cela?
L’Eglise avant tout. Le pape l’a compris et a proclamé tout de suite un Synode. Mais j’espère que cette audace et ce courage seront accueillis et suivis par les responsables des institutions civiles, par les dirigeants nationaux et internationaux, par toute la société, par tous sans exclusion. Car nous sommes tous touchés par la famille. Le problème c’est qu’aujourd’hui nous risquons déjà d’être « brisés » de l’intérieur: chacun recherche son propre bien-être individuel. Le « nous » n’a plus autant d’espace …
Hormis le document final, est-il possible que du prochain synode sur la famille sorte une nouvelle encyclique?
Cela me paraît prématuré. Sûrement, comme chaque synode, il y aura un document qui rassemblera toutes les perspectives et décisions, et qui aidera les paroisses, les églises et les diocèses à entreprendre, avec plus d’audace, de nouvelles démarches de pastorale familiale. Quoiqu’il en soit il est vrai qu’aujourd’hui le risque de lire avec uniquement ‘ses propres lunettes’ est grand. Cela met l’accent sur cet individualisme dont nous parlions plus tôt, relevé par les journalistes et pas seulement…
Traduction d’Océane Le Gall