Cassez des assiettes si vous voulez, disputez-vous tant que vous voulez, mais réconciliez-vous avant le soir! C’est le « secret » des mariages qui durent confié par le cardinal Bergoglio aux jeunes mariés à Buenos Aires. Le pape François a cité cet exemple en s’adressant à la communauté du diocèse d’Assise qu’il a rencontrée le 4 octobre, en la cathédrale San Rufino, exhortant les couples à exercer le pardon dans la vie quotidienne: « Ne jamais laisser passer la journée sans faire la paix, jamais! »
La cathédrale conserve les fonts baptismaux où Claire et François ont été baptisés: le pape est allé s’y recueillir un moment en silence.
Il a invité les chrétiens à puiser à la source de leur baptême et à connaître la date de leur baptême pour le fêter.
Quant à l’évêque il a vocation de créer « l’harmonie » c’est pourquoi les sanctuaires franciscains aussi sont confiés à sa sollicitude pastorale.
Le pape a axé son discours sur trois notions: l’écoute de la Parole de Dieu, marcher ensemble, et annoncer le Christ.
Pour ce qui est de la Parole de Dieu, le pape n’a pas hésité à dire que lorsque les prêtres n’écoutent pas la Parole de Dieu les homélies sont longues et ennuyeuses; lorsque les parents écoutent plus le journal télévisé que la Parole de Dieu, ils ne peuvent éduquer leurs enfants selon l’Evangile.</p>
Pour ce qui est de l’annonce du Christ, le pape a cité pour la troisième fois en quelques semaines (il en a parlé notamment aux catéchistes) cette réflexion du pape Benoît XVI: « L’Eglise grandit par attraction, l’attraction du témoignage que chacun de nous donne au peuple de Dieu. »
Voici notre traduction intégrale du discours du pape François prononcé en italien.
A. B.
Discours du pape François
Chers frères et sœurs de la communauté diocésaine, bon après-midi !
Je vous remercie de votre accueil, prêtres, religieux et religieuses, laïcs engagés dans les conseils pastoraux ! Comme les conseils pastoraux sont nécessaires ! Un évêque ne peut pas guider un diocèse sans les conseils pastoraux. Un curé ne peut guider la paroisse sans les conseils pastoraux. C’est fondamental !
Nous sommes dans la cathédrale ! On conserve ici les fonts baptismaux où saint François et sainte Claire ont été baptisés : ils se trouvaient alors dans l’église Santa Maria. La mémoire du baptême est importante ! Le baptême est notre naissance en tant qu’enfants de la Mère Eglise.
Je voudrais vous poser une question: qui de vous sait quel est le jour de son baptême? Peu! Peu… Maintenant devoirs à la maison! Maman, papa, dis-moi: quand ai-je été baptisé ? Mais, c’est important car c’est la date de notre naissance comme fils de Dieu. Un seul esprit, un seul Baptême, dans la variété des charismes et des ministères. Etre Eglise, faire partie du peuple de Dieu, quel grand don! Nous sommes tous le peuple de Dieu. Dans l’harmonie, dans la communion des diversités, qui est œuvre de l’Esprit Saint, parce que l’Esprit Saint est « harmonie » et fait l’harmonie: c’est un don de Lui, et nous devons être prêts à le recevoir!
L’évêque est le gardien de cette harmonie. L’évêque est le gardien de ce don de l’harmonie dans la diversité. C’est pourquoi le pape Benoît XVI a voulu que l’activité pastorale dans les basiliques papales franciscaines s’intègre à l’activité diocésaine. Car il doit faire l’harmonie : c’est sa tâche, c’est son devoir et sa vocation. Et il a un don spécial pour le faire. Je suis content que vous marchiez bien dans cette voie, pour le bénéfice de tous, collaborant ensemble avec sérénité, et je vous encourage à continuer. La Visite pastorale qui vient de s’achever et le synode diocésain que vous allez célébrer sont des moments forts de croissance pour cette Eglise, que Dieu a bénie de manière particulière. L’Eglise grandit, mais pas pour faire du prosélytisme. Non, non ! L’Eglise ne grandit pas par prosélytisme. L’Eglise grandit par attraction, l’attraction du témoignage que chacun de nous donne au peuple de Dieu.
Maintenant, brièvement, je voudrais souligner certains aspects de votre vie de communauté. Je ne veux pas vous dire de nouvelles choses, mais vous confirmer dans les choses les plus importantes, qui caractérisent votre marche diocésaine.
1. La première chose est d’écouter la Parole de Dieu. C’est cela l’Eglise : une communauté – a dit l’évêque – une communauté qui écoute avec foi et avec amour le Seigneur qui parle. Le plan pastoral que vous vivez ensemble précisément sur cette dimension fondamentale. C’est la Parole de Dieu qui suscite la foi, la nourrit, la régénère. C’est la Parole de Dieu qui touche les cœurs, les convertit à Dieu et à sa logique, si différente de la nôtre; c’est la Parole de Dieu qui renouvelle continuellement nos communautés …
je pense que nous pouvons tous nous améliorer un peu sur cet aspect: devenir tous de meilleurs auditeurs de la Parole de Dieu, pour être moins riches de nos paroles et plus riches des siennes. Je pense au prêtre, qui a le devoir de prêcher. Comment peut-il prêcher s’il n’a pas d’abord ouvert son cœur, s’il n’a pas écouté, en silence, la parole de Dieu ? Stop aux sermons interminables, ennuyeux, dont on ne comprend rien. Ça c’est pour vous! Je pense au papa et à la maman, qui sont les premiers prédicateurs : comment peuvent-ils éduquer si leur conscience n’est pas éclairée par la Parole de Dieu, si leur manière de penser et d’agir n’est pas guidée par la Parole; quel exemple peuvent-ils donner aux enfants ? Cela est important, car ensuite papa et maman se plaignent : « cet enfant … »Mais toi, quel témoignage lui as-tu donné? De quoi lui as-tu parlé? De la parole de Dieu ou de la parole du journal télé? Pape et maman doivent parler déjà de la Parole de Dieu! Et je pense aux catéchistes, à tous les éducateurs : si leur cœur n’est pas réchauffé par la Parole, comment peuvent-ils réchauffer le cœur des autres, des enfants, des jeunes, des adultes? Lire les Saintes Ecritures ne suffit pas, il faut écouter Jésus qui parle en elles: dans les Ecritures c’est Jésus qui parle, Jésus qui parle en elles. Il faut être des antennes qui reçoivent, être branchés sur la Parole de Dieu, pour être des antennes qui transmettent! On reçoit et on transmet. C’est l’Esprit de Dieu qui anime les Ecritures, les fait comprendre en profondeur, dans leur sens vrai et plein! Demandons-nous, comme une des questions vers le synode: quelle place la parole de Dieu a-t-elle dans ma vie, dans la vie de tous les jours ? Suis-je branchée sur Dieu ou sur tant de paroles de mode ou sur moi-même? Une question que chacun de nous doit se poser.
2. Le deuxième aspect c’est marcher. Un des mots que je préfère quand je pense au chrétien et à l’Eglise. Mais pour vous ce mot revêt une signification particulière : vous allez entrer dans le synode diocésain, et faire « synode » veut dire marcher ensemble. Je pense que c’est vraiment la plus belle expérience que nous puissions vivre: faire partie d’un peuple en marche, en marche dans l’histoire, ensemble avec le seigneur, qui marche au milieu de nous! Nous ne sommes pas isolés, nous ne marchons pas seuls, mais faisons partie de l’unique troupeau du Christ qui marche avec lui.
Ici je pense encore à vous, prêtres, et permettez-moi de m’unir à vous. Qu’y a-t-il de plus beau pour nous si ce n’est de marcher avec notre peuple? C’est beau! Quand je pense à ces curés qui connaissaient les noms de ses paroissiens, qui allaient les trouver; il y en a un qui me disait: « Je connais le nom du chien de chaque famille », ils connaissaient aussi le nom du chien ! Que c’était beau! Qu’y a-t-il de plus beau ? Je le répète souvent: marcher avec notre peuple, parfois devant, parfois au mi
lieu et parfois derrière: devant pour guider la communauté ; au milieu pour l’encourager et la soutenir ; derrière, pour qu’elle reste groupée, que personne ne reste trop derrière, pour qu’elle soit unie, mais pour une autre raison aussi: parce que le peuple a « du flair »! Il a du flair pour trouver de nouveaux chemins, il a « sensus fidei », comme disent les théologiens. Qu’y a-t-il de plus beau? Et dans un synode il faut que figure aussi ce que l’Esprit Saint dit aux laïcs, au Peuple de Dieu, à tous.
Mais la chose la plus importante est de marcher ensemble, en collaborant, en s’aidant mutuellement ; se demander pardon ; reconnaître ses fautes et demander pardon, mais aussi accepter les excuses d’autrui en pardonnant – que ceci est important! Parfois je pense aux mariages qui, après tant d’années, se défont. « Eh… no, nous ne nous comprenons pas, nous nous sommes éloignés ». Ils n’ont peut-être pas su demander pardon à temps. Ils n’ont peut-être pas su pardonner à temps. Aux jeunes époux, je donne toujours ce conseil: « Disputez-vous tant que vous voulez. Si les assiettes volent, laissez-les voler. Mais jamais finir la journée sans faire la paix! Jamais! ». Et si les mariés apprennent à dire: « Excuse-moi, j’étais fatigué », ou seulement un petit geste: c’est cela la paix; puis le lendemain reprendre la vie. Ceci est un beau secret, et cela évite ces séparations douloureuses. Comme il est important de marcher unis, sans fuite en avant, sans nostalgies du passé. Et pendant qu’on marche on parle, on se connaît, on se raconte les uns des autres, l’esprit de famille grandit. Ici interrogeons-nous: comment marchons-nous ? Comme marche notre réalité diocésaine ? Marche-t-elle de manière unie ? Et qu’est-ce que je fais pour que celle-ci marche vraiment de manière unie? Je ne voudrais pas aborder la question des bavardages, mais vous savez que les bavardages divisent toujours!
3. Donc: écouter, marcher. Et le troisième aspect est celui du missionnaire: annoncer jusqu’aux périphéries. Cela aussi je l’ai pris de vous, de vos projets pastoraux. L’Évêque en a parlé, récemment. Mais je veux le souligner, car c’est un point que j’ai beaucoup vécu quand j’étais à Buenos Aires: l’importance de sortir pour aller à la rencontre de l’autre, dans les périphéries, qui sont des lieux, mais surtout des personnes qui vivent dans des conditions particulières. C’était le cas du diocèse que j’avais avant, celui de Buenos Aires. Ce qui me faisait le plus de mal c’était de trouver dans les familles de classe moyenne, des enfants qui ne savaient pas faire le signe de croix. Ça c’est une périphérie! Et moi je vous demande : ici, dans ce diocèse, y a-t-il des enfants qui ne savent pas faire le signe de croix ? Pensez-y. Voilà les vraies périphéries existentielles, c’est là où Dieu n’existe pas.
En un premier sens, les périphéries de ce diocèse, par exemple, ce sont les zones du diocèse qui risquent d’être en marge, en dehors des rayons de lumière des réflecteurs. Mais ce sont aussi des personnes, des réalités humaines marginalisées, méprisées. Ce sont peut-être aussi des personnes qui se trouvent physiquement proches du « centre », mais en sont loin spirituellement.
N’ayez pas peur de sortir et d’aller à la rencontre de ces personnes, de ces situations. Ne vous laissez pas bloquer par les préjugés, par les habitudes, les rigidités mentales ou pastorales, du genre « on a toujours fait comme ça »! ». Mais on ne peut aller aux périphéries que si l’on porte la Parole de Dieu dans le cœur et si l’on marche avec l’Eglise, comme saint François. Autrement, on s’apporte soi-même, pas la Parole de Dieu, et cela n’est pas bon, ne sert à personne! Ce n’est pas nous qui sauvons le monde: c’est le Seigneur qui le sauve!
Voilà, chers amis, je ne vous ai pas donné de nouvelles recettes. Je n’en ai pas, et ne croyez pas ceux qui vous disent en avoir : il n’y en a pas. Mais j’ai trouvé dans la marche de votre Eglise des beaux aspects importants qui doivent être développés et je veux vous confirmer dans cette tâche. Ecoutez la Parole, marchez ensemble, en frères, annoncez l’Evangile dans les périphéries ! Que le Seigneur vous bénisse, que la Vierge Marie vous protège, et saint François vous aide tous à vivre la joie d’être des disciples du Seigneur! Merci.
Traduction d’Océane Le Gall