Nikita Budka et l'héroïsme des gréco-catholiques en Ukraine

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La persécution du communisme soviétique et le goulag

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Le martyrologe romain fait aujourd’hui mémoire – entre autres: ils sont 19 – du bienheureux Nikita (Nicet) Budka, évêque et martyr ukrainien (1877-1949), victime de la persécution communiste soviétique. Une trajectoire qui l’a conduit d’Autriche au Canada, en Ukraine et au goulag du Kazakhstan.

Condamnné par un tribunal militaire

Nikita Budka est né le 7 juin 1877, dans le village de Dobomirka, du district de Zbarazh, aujourd’hui en Ukraine. En 1905, il acheva ses études théologiques à Vienne et Insbruck, et il fut ordonné par le métropolite Andreï Sheptytsky. Il était attentif au sort des émigrés ukrainiens. Le pape le choisit comme premier évêque des Ukrainiens catholiques du Canada, en juillet 1912. Il fut ordonné évêque le 4 octobre 1912. En 1928, il revint à Lvov et devint vicaire général de la curie métropolitaine.

Il fut arrêté à Lvov par les Soviétiques le 11 avril 1945 et il fut transféré à Kiev le lendemain. Pendant onze mois il subit des interrogatoires et il fut traduit devant les tribunaux pour des « crimes contre l’Union soviétique et le Parti communiste ». Un tribunal militaire le condamna à 5 ans de prison, le 29 mai 1946.

Jusqu’à la réhabilitation

Il a dès lors disparu et pendant plus de dix ans, personne n’a jamais eu de ses nouvelles. Le bruit courait qu’il avait été déporté en Sibérie. Mais en fait il faisait partie de nombreux innocents envoyés en camp près de Karaganda (Kazakhstan).

Après la mort de Staline, les autorités soviétiques commencèrent à libérer les survivants. Ces hommes et ces femmes ont finalement pu raconter l’histoire de ceux qui avaient vécu et étaient mort au goulag. Parmi les survivants se trouvaient les évêques Ivan Liatyshevsky et Aleksander Khira, et le P. Volodymyr Sterniuk, futur archevêque.

En 1958, les autorités soviétiques confirmèrent que Nikita Budka était mort aux environs du 1er octobre 1949, sans préciser la date ni donner de détails.

L’évêque Budka et les autres catholiques ukrainiens, faussement accusés par un régime criminel, ont été réhabilités politiquement en septembre 1991, c’est-à-dire moins d’un mois après la proclamation de l’indépendance de l’Ukraine par rapport à l’Union soviétique et la mise hors-la-loi du Parti communiste. Dès 1989, les Ukrainiens du Canada avaient pour leur part demandé à leur gouvernement la révision du cas de Mgr Budka.

Ce n’est que récemment que les autorités du Kazakhstan ont confirmé que Mgr Budka a purgé sa peine dans la prison du camp de Karadzhar, près de Karaganda, où il est mort d’une maladie cardiaque, le 28 septembre 1949.

Le don de la persévérance

Une documentation complémentaire a pu être obtenue officieusement en 1995 : il était arrivé au camp le 5 juillet 1946. Il fut hospitalisé le 14 octobre 1947, le jour de la fête de sa sainte patronne, la Protection de la Mère de Dieu, selon le calendrier julien. C’était aussi le 42e anniversaire de son ordination sacerdotale et le 35e anniversaire de son ordination épiscopale. Mais il mourut au jour anniversaire de son ordination diaconale. C’est ce qu’explique M. Athanasius McVay, de l’Eparchie d’Edmonton, grâce à une documentation complétée après la béatification de l’évêque.

C’est l’amour du Christ qui lui donna de persévérer dans la foi et de supporter avec une grande force d’âme les souffrances quotidiennes et de tenir bon jusqu’à la mort.

Il a été béatifié par Jean-Paul II lors de son premier voyage en Ukraine, avec 24 autres martyrs, le 27 juin 2001 à Lvov. Deux autres évêques ukrainiens également victimes du goulag étaient béatifiés ce jour-là: Mgr Mykola Carneckyj, Rédemptoriste, exarque apostolique des Ukrainiens de Volyn et Pidljašja (1884-1959) et Mgr Hryhorij Khomyšyn, évêque de Stanislavov des Ukrainiens (1867-1945).

C’étaient les premières causes de béatifications de catholiques de rite oriental dont tout le processus a pu être suivi d’un bout à l’autre par des catholiques orientaux, du fait de la liberté retrouvée. Leur Eglise avait été supprimée par Staline en 1946 et ses membres contraints de rejoindre les communautés orthodoxes.

Staline a voulu liquider les gréco-catholiques

Un document des archives secrètes du Kremlin, datant du 17 décembre 1945, a été consulté par l’agence Kathpress de Vienne, qui l’a publié en août 2009. Nikita Khrouchtchev y informe Staline de l’avancée du programme d’annexion de l’Église gréco-catholique à l’Eglise orthodoxe et il l’interroge sur la suite à donner.

C’est un « Comité d’initiative pour la réunion de l’Église gréco-catholique avec l’orthodoxie », qui a joué le rôle principal dans la liquidation de cette Église de rite oriental, unie à Rome, avec l’appui du Parti communiste.

En septembre 2001, Jean-Paul II a rendu hommage à l’héroïsme des martyrs de l’époque soviétique lors de son voyage apostolique au Kazakhstan, naguère terre de goulag.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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