Gino Bartali "Juste parmi les Nations" ou la justice d'un champion

A bicyclette, au secours des juifs persécutés

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Le nom du grand champion cycliste italien Gino Bartali (1914-2000), a rejoint ce lundi, 23 septembre, des milliers de noms inscrits au Mémorial de la Shoah de Yad VaShem, à Jérusalem : il a mis ses jambes, son coeur et son intelligence au service des juifs persécutés pendant la seconde guerre mondiale.

Sous prétexte de s’entraîner, celui que le monde entier avait acclamé avant-guerre pour sa victoire sur le Tour de France, faisait passer, dans sa bicyclette – son guidon, sa selle – des faux papiers qui ont sauvé des vies.

La décision de le reconnaître « Juste parmi les Nations » a été prise le 7 juillet dernier (cf. Zenit du 16 août 2013). L’Osservatore Romano annonce pour sa part la nouvelle dans les colonnes de son édition quotidienne en italien des 23-24 septembre 2013.

La notice en ligne, en anglais, de Yad VaShem, dont nous reprenons ici l’essentiel, souligne notamment que « catholique fervent, il a fait partie, à l’époque de l’Occupation allemande, d’un réseau de sauvetage dont les responsables ont été le rabbin de Florence, Nathan Cassuto, et l’archevêque de Florence, le cardinal Elia Angelo Dalla Costa ». Ce dernier a également été déclaré Juste parmi les Nations, en 2012.

Originaire de Florence, Gino Bartali a vaincu le Giro d’Italie en 1936, 1937 et 1946, et le Tour de France à la veille de la guerre en 1938 et, exploit dans l’exploit, dix ans plus tard, en 1948. Il était un héros internationalement connu quand la guerre a éclaté.

Son fils, Andrea Bartali, rapporte que l’archevêque Dalla Costa avait marié ses parents et avait continué d’entretenir avec eux des relations d’amitié. Lorsque l’Allemagne nazie occupa l’Italie, en 1943, Bartali, qui était un courrier de la Résistance, « joua un rôle important dans le sauvetage des juifs à l’intérieur du réseau lancé par Dalla Costa et le rabbin Nathan Cassuto », indique Yad VaShem.

Il transportait des documents partout où c’était nécessaire, également en lien avec le couvent d’Assise et le réseau catholique de sauvetage organisé dans la ville du Poverello. Quand Bartali était arrêté par les gens, il disait que l’on ne devait en aucun cas toucher à sa bicyclette dont les différentes parties étaient soigneusement équilibrées, en vue de la recherche de vitesse maximum. Si c’était des soldats allemands qui l’arrêtaient, il disait qu’il « s’entraînait » et ils le laissaient partir, pleins d’admiration pour ses exploits sportifs.

Giulia Baquis a témoigné auprès de Yad Vashem qu’elle se cachait avec sa famille à Lido di Camaiore, en Toscane, pendant l’Occupation. Un jour, un cycliste est arrivé, porteur d’un paquet : il cherchait sa famille. La sœur aînée était absente, la seconde prit peur et nia connaître la famille. Il repartit sans remettre le paquet. C’est après la guerre qu’un membre du réseau de sauvetage confia à la famille Baquis que ce courrier était Bartali.

Renzo Ventura a dit avoir entendu sa mère, Marcella Frankenthal-Ventura, dire qu’elle et ses parents et sa sœur avaient reçu de faux papiers apportés par Bartali au nom du réseau Dalla Costa.

La famille Goldenberg avait rencontré Gino Bartali en 1941 à Fiesole. Shlomo Goldenberg-Paz avait 9 ans. Il a raconté qu’il se souvenait d’une rencontre avec Bartali et Armando Sizzi, un parent et ami proche. Tous deux eurent avec le père de Shlomo une « discussion entre adultes ». Il se souvenait bien de la visite parce que le champion lui avait offert une bicyclette et une photo dédicacée qu’il gardait toujours avec lui.

Avec l’Occupation, à partir de 1943, les Goldenberg durent se cacher. Shlomo fut confié à un couvent avant de rejoindre ses parents, cachés dans un appartement de Florence appartenant à Bartali, occupé par Armando Sizzi, mais Goldenberg a témoigné que c’était Bartali qui leur venait en aide.

Un de ses cousins, Aurelio Klein s’enfuit également à Florence dans l’espoir d’obtenir des faux papiers. Il resta avec les Goldenberg jusqu’à son départ pour la Suisse grâce, effectivement, à de faux-papiers. Il a témoigné que la mère de Shlomo Goldenberg avait reçu des faux-papiers de Bartali lui-même, et qu’elle était la seule de la famille à oser sortir de l’appartement et faire des courses.

Après la guerre, Bartali n’a jamais parlé de ses activités clandestines de sauvetage dont beaucoup restent par conséquent ignorées.

Sara Corcos, qui a travaillé avec le Centre de documentation juive contemporaine (Centro di Documentazione Ebraica Contemporanea, CDEC) de Milan, a dit à sa nièce, Shoshan Evron, la fille du rabbin Nathan Cassuto, qu’elle avait rencontré Gino Bartali après la guerre.

Il a refusé d’être interviewé et déclara qu’il avait été motivé par sa conscience et qu’il ne voulait pas par conséquent que l’on fasse des archives sur ses activités. Ce n’est que lorsque Mme Corcos lui confia qu’elle était parente avec le rabbin Cassuto, que Bartali, très ému, accepta de parler, à condition qu’elle ne l’enregistre pas. Il lui a alors parlé des faux-papiers et de son rôle pour les distribuer.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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