Semaines sociales italiennes: message du pape sur la famille

Eloge de Giuseppe Toniolo et de l’engagement des laïcs

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« La famille est bien plus qu’un « thème » : elle est « vie », « tissu quotidien », « marche » des générations qui se transmettent la foi, et avec elle l’amour et les valeurs fondamentales, elle est « solidarité concrète », « fatigue », mais aussi « projet », « espérance », « avenir » », écrit le pape François.

Le pape a fait parvenir un message au cardinal Angelo Bagnasco, archevêque de Gênes  et président de la Conférence épiscopale italienne (CEI), à l’occasion de l’ouverture de la 47ème édition des Semaines sociales des catholiques italiens, le 12 septembre, sur le thème : « La famille, espérance et avenir pour la société italienne », à Turin.

Le pape y fait un éloge appuyé du bienheureux Giuseppe Toniolo, fondateur des Semaines sociales en Italie et rappelle le rôle « spécifique » des laïcs et « leur responsabilité ».

Message du pape François

A  mon vénérable Frère
Monsieur le cardinal Angelo Bagnasco,
Président de la conférence épiscopale italienne,

J’adresse mes plus cordiales salutations à vous ainsi qu’à tous les participants de la 47ème Semaine Sociale des catholiques italiens, convoquée à Turin. Je renouvelle mon affection fraternelle aux évêques présents, en particulier au pasteur de cette Eglise, l’archevêque Cesare Nosiglia, ainsi qu’à l’archevêque Arrigo Miglio et aux membres du Comité scientifique et organisateur. Je salue tous les représentants des diocèses d’Italie et des diverses associations ecclésiales.

La tradition des Semaines Sociales en Italie a commencé en 1907, et l’un des ses principaux promoteurs était le bienheureux Giuseppe Toniolo. Cette 47ème semaine est la première depuis sa béatification, qui a eu lieu le 28 avril 2012, et elle a été placée à juste titre sous son intercession particulière. 

La figure du bienheureux Toniolo fait partie de ce lumineux cercle de catholiques laïcs qui, malgré les difficultés de leur époque, voulurent et surent, avec l’aide de Dieu, parcourir des chemins fructueux pour travailler à la recherche et à la construction du bien commun. Par leur vie et leur pensée, ils ont appliqué ce que le concile Vatican II enseigna à propos de la vocation et de la mission des laïcs (cf. Const. dogm. Lumen gentium, 31); et leur exemple constitue un encouragement toujours valable pour les catholiques laïcs d’aujourd’hui pour qu’ils cherchent à leur tour les chemins efficaces qui conduisent au même but, à la lumière du plus récent magistère de l’Eglise (cf. Benoît XVI, Enc. Deus caritas est, 28).

La force exemplaire de la sainteté dans le domaine social est rendue dans ce cas encore plus sensible par le siège de cette 47ème Semaine sociale. En effet, Turin, dans toute l’histoire sociale de l’Italie, représente une ville symbole, et elle l’est d’autant plus que l’Eglise y a participé. A Turin, aux XIXe et XXe siècles, de nombreux hommes et femmes, prêtres, religieux et religieuses, laïcs, certains d’entre eux saints et bienheureux, ont témoigné par leur vie et ont travaillé efficacement en se mettant au service des jeunes, des familles, des plus pauvres.

A toutes les époques de l’histoire, les Semaines sociales des catholiques italiens ont été providentielles et précieuses, et elles le sont encore aujourd’hui. Celles-ci  se  présentent en effet comme une initiative culturelle et ecclésiale de haut niveau, capable d’affronter, et si possible d’anticiper, les interrogations et les défis parfois radicaux, que pose l’évolution actuelle de la société.

C’est pourquoi, il y a 25 ans, l’Eglise qui est en Italie a voulu les reprendre et les relancer, comme des moments d’écoute et de recherche, d’échange et d’approfondissement très importants tant pour la communauté ecclésiale elle-même, pour son service d’évangélisation et de promotion humaine, que pour les chercheurs et les professionnels du monde culturel et social (cf. Nota Pastorale CEI du 20 novembre 1988). Les Semaines sociales sont donc un instrument privilégié à travers lequel l’Eglise en Italie apporte sa contribution pour la recherche du bien commun du pays (cf. Conc. Oecum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, 26). Cette tâche, qui incombe à toute la communauté dans ses différentes articulations, appartient, comme nous le rappelions, de manière spécifique aux laïcs et à leur responsabilité.

Le thème de cette Semaine sociale est « La famille, espérance et avenir pour la société italienne ». Je tiens à dire combien j’apprécie ce choix, et le fait d’avoir associé à la famille l’idée d’espérance et d’avenir. C’est tout à fait ça! Mais pour la communauté chrétienne la famille est bien plus qu’un « thème » : celle-ci est « vie », « tissu quotidien », « marche » des générations qui se transmettent la foi, et avec elle l’amour et les valeurs fondamentales, elle est « solidarité concrète », « fatigue », mais aussi « projet », « espérance », « avenir ». Tout ce que vit la communauté chrétienne à la lumière de sa foi, qui n’est jamais gardé pour soi, mais devient chaque jour « levain » dans la pâte de la société tout entière, pour son bien commun le plus grand (cf. ibid., 47).

L’espérance et l’avenir supposent « mémoire ». La mémoire de nos ancêtres est un soutien pour avancer sur nos chemins. L’avenir de la société, et concrètement celui de la société italienne, est enraciné dans les personnes âgées et dans les jeunes: ces derniers, parce qu’ils ont la force et l’âge pour faire avancer l’histoire ; les autres parce qu’ils représentent la mémoire vivante. Un peuple qui ne prend pas soin de ses personnes âgées et des enfants n’a pas d’avenir, car il maltraite la mémoire et la promesse.

C’est dans cette perspective que s’inscrit cette 47ème Semaine sociale, et le document préparatoire qui l’a précédée. Celle-ci entend offrir un témoignage et proposer une réflexion, un discernement, sans préjugés, le plus ouvert possible, attentif aux sciences humaines et sociales.

Tout d’abord comme Eglise nous offrons une conception de la famille qui est celle du Livre de la Genèse, de l’unité dans la différence entre l’homme et la femme, et de sa fécondité. En plus, dans cette réalité, nous reconnaissons un bien pour tous, la première société naturelle, telle que reçue aussi dans la Constitution de la république italienne. Enfin nous voulons réaffirmer que la famille, ainsi comprise, reste le premier et le principal sujet constructeur de la société et d’une économie à taille humaine, et que comme telle elle mérite d’être concrètement soutenue.

Les conséquences, positives ou négatives, de choix de nature culturelle, d’abord, puis politique, concernant la famille, touchent aux divers domaines de la vie d’une société et d’un pays: à partir du problème démographique – qui est grave pour tout le continent européen mais grave tout particulièrement pour l’Italie -, jusqu’aux autres questions relatives au travail et à l’économie en général, à la croissance des enfants, jusqu’à celles qui touchent à la vision anthropologique qui est à la base de notre civilisation (cf. Benoît XVI, Enc. Caritas in veritate, 44).

Ces réflexions ne concernent pas seulement les croyants mais toutes les personnes de bonne volonté, tous ceux qui ont à cœur le bien commun du pays, comme c’est le cas pour les problèmes de l’écologie environnementale, qui peut beaucoup aider à comprendre ceux de l’ « écologie humaine » (cf. Id, Discours au Bundestag, Berlin, 22 septembre 2011). La famille est une école privilégiée de générosité, de partage, de responsabilité, une école qui éduque à surmont
er cette mentalité individualiste qui s’insinue dans nos sociétés. Soutenir et promouvoir les familles, en mettant en valeur leur rôle fondamental et central, c’est œuvrer pour un développement équitable et solidaire.

Nous ne saurions ignorer la souffrance de tant de familles, due au manque d’emploi, au problème de la maison, à l’impossibilité concrète de réaliser ses propres choix d’éducation; souffrance due aussi aux conflits internes à la famille, aux échecs de l’expérience conjugale et familiale, à la violence qui, hélas, se niche et provoque des dégâts à l’intérieur même de nos maisons. Nous devons et voulons être particulièrement proches de tous, avec respect et un vrai sens de la fraternité et de la solidarité. Mais nous voulons surtout rappeler le témoignage simple, mais beau et courageux de tant de familles qui vivent leur expérience du mariage et d’être parents  avec joie, éclairés et soutenus par la grâce du Seigneur, sans la peur d’affronter aussi les moments de la croix qui, vécue en union avec celle du Seigneur, n’est pas une entrave à l’amour, mais le rend au contraire plus fort et plus complet.

Puisse cette semaine sociale contribuer de manière efficace à mettre en évidence ce lien qui unit le bien commun à la promotion de la famille fondée sur le mariage, au-delà des préjugés et idéologies. Ceci est une dette d’espérance que tout le monde a vis-à-vis du pays, et tout particulièrement  vis-à-vis des jeunes, auxquels il faut offrir des espoirs d’avenir. A vous, cher Frère, et à la grande assemblée de la semaine sociale de Turin je garantis mon bon souvenir par la prière et, alors que je demande de prier aussi pour moi et pour mon service à l’Eglise, j’envoie de tout cœur la bénédiction apostolique.

Du Vatican, 11 septembre 2013

Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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