Le pape François invite les chrétiens à « vivre avec plus de courage et de générosité » l’accueil des réfugiés « dans les communautés, dans les maisons »: les couvents vides ne doivent pas « être transformés en hôtels pour gagner de l’argent » car ils sont « pour la chair du Christ que sont les réfugiés ». Il souligne que l’accueil du pauvre et la promotion de la justice ne sont pas seulement l’affaire des “spécialistes”.
Le pape a rendu une visite privée au Centre Astalli, centre d’accueil des réfugiés et demandeurs d’asile du Service des jésuites pour les réfugiés (JRS – Jesuit Refugee Service) à Rome, près de l’église du Gesù, ce mardi 10 septembre 2013.
Le pape a rejoint le centre à 15h30, aux heures d’ouverture de la structure. Il s’est rendu au réfectoire, saluant les réfugiés et bénévoles qui étaient en train de servir le repas. Puis il s’est entretenu avec un groupe d’une vingtaine de personnes.
Après une brève halte dans la chapelle du Centre, le pape a rejoint, à travers un couloir interne, l’église du Gesù, où l’attendaient quelque 500 personnes, hôtes, employés, bénévoles et amis du centre.
Le cardinal-vicaire Agostino Vallini et Mgr Matteo Zuppi, évêque auxiliaire, le P.Carlo Casalone S.J., provincial d’Italie des jésuites, le P. Joachin Barrero S.J., assistant du père général des jésuites pour l’Europe méridionale, et le P. Peter Balleis S.J., responsable du JRS international, étaient présents.
Après le mot d’accueil du P. Giovanni Lamanna S.I., responsable du Centre, et le discours d’Adam et Carol, réfugiés du Soudan et de la Syrie, le pape a prononcé à son tour une allocution.
Ne pas avoir peur des différences
« Chacun de vous, chers amis, porte une histoire qui parle de drames, de guerres, de conflits… mais chacun de vous porte surtout une richesse humaine et religieuse, une richesse à accueillir, non pas à craindre », a-t-il déclaré.
« Nous ne devons pas avoir peur des différences ! La fraternité nous fait découvrir qu’ils sont une richesse, un don pour tous ! Vivons la fraternité ! ».
Le pape a souhaité que Rome soit « la ville qui permette de retrouver une dimension humaine, de recommencer à sourire », remerciant les employés, bénévoles, bienfaiteurs du Centre et de tous les services d’accueil, « qui ne donnent pas seulement du temps, mais qui cherchent à entrer en relation avec les demandeurs d’asile et les réfugiés en les reconnaissant comme personnes, en se consacrant à trouver des réponses concrètes à leurs besoins ».
« Gardez vive l’espérance ! » les a-t-il exhortés : « Aidez à retrouver la confiance ! Montrez que l’accueil et la fraternité peuvent ouvrir une porte sur l’avenir ».
Ne pas avoir peur de se salir les mains
Le pape a donné aux jésuites et à leurs collaborateurs trois mots d’ordre : servir, accompagner, défendre.
Servir, a-t-il expliqué, c’est « accueillir la personne qui arrive avec attention… tendre la main sans calcul, sans crainte… établir des relations humaines, de solidarité ».
Le pape a appelé à cet examen de conscience : « est-ce que je me penche sur les personnes en difficulté ou bien ai-je peur de me salir les mains ? Suis-je fermé sur moi-même ou est-ce que je vois celui qui a besoin d’aide ? Est-ce que je sers moi-même ou bien les autres ? »
Les pauvres, a-t-il poursuivi, sont des « professeurs privilégiés de notre connaissance de Dieu ; leur fragilité et simplicité démasquent nos égoïsmes, nos fausses sécurités… et nous conduisent à l’expérience de la tendresse de Dieu ».
Dans l’accompagnement – deuxième mot d’ordre – l’accueil ne suffit pas : « il ne suffit pas de donner du pain s’il n’est pas accompagné de la possibilité d’apprendre à marcher avec ses propres jambes. La charité qui laisse le pauvre comme il est n’est pas suffisante. La vraie miséricorde exige que le pauvre trouve la voie pour ne plus l’être ».
Le pape a plaidé pour « le droit à vivre et à travailler, à être pleinement personne » et « le droit à l’intégration », à « être une part active de la société » d’accueil.
« Je suis là : comment puis-je aider ? »
« Défendre » enfin, le troisième terme du programme, signifie « se mettre du côté de celui qui est plus faible ». « Combien de fois, a déploré le pape, nous élevons la voix pour défendre nos droits, mais nous sommes indifférents aux droits des autres ! »
« Il est important que dans l’Église, l’accueil du pauvre et la promotion de la justice ne soient pas confiés seulement à des “spécialistes” », mais bénéficient de l’attention de « toute la pastorale, de la formation des futurs prêtres et religieux, de l’engagement normal de toutes les paroisses et mouvement ecclésiaux », a-t-il souligné.
Le pape a invité « de tout son cœur » les instituts religieux à lire « avec responsabilité » ces signes des temps : « le Seigneur appelle à vivre avec plus de courage et de générosité l’accueil dans les communautés, dans les maisons, dans les couvents vides… Très chers religieux et religieuses, les couvents vides ne servent pas à l’Église pour être transformés en hôtels et gagner de l’argent. Les couvents vides ne sont pas à nous, ils sont pour la chair du Christ que sont les réfugiés ».
Pour cela il faut du « courage », a-t-il poursuivi, encourageant à « faire plus » et « dépasser la tentation de la mondanité spirituelle pour « être des communautés solidaires qui vivent l’amour de façon concrète ».
Les files de personnes qui attendent des repas disent à tous « qu’il faut faire quelque chose, maintenant, c’est possible : il suffit de frapper à la porte et de dire: “je suis là : comment puis-je donner un coup de main ?” », a conclu le pape.
La rencontre s’est conclue aux environ de 17h, par une prière composée par le P. Alfonso Nicolas, général des jésuites, et par un hommage au P. Pedro Arrupe, fondateur du JRS, qui repose dans l’église du Gesù. C’est la seconde visite à la tombe du père Arrupe, après sa venue au Gesù pour la fête de saint Ignace de loyola, le 31 juillet dernier.