Le patriarche maronite d’Antioche Béchara Boutros Raï a coordonné, à la demande de Benoît XVI, la rédaction des méditations du Chemin de Croix du Colisée – en mondovision - pour ce Vendredi Saint, 29 mars 2013.
Le patriarche analyse les réactions à l’élection du pape dans différents milieux au Moyen-Orient.
Comment l’élection du pape François a-t-elle été accueillie parmi les chrétiens du Moyen-Orient ?
Patriarche Béchara Raï - La nouvelle de la fumée blanche a été suivie aussi en direct par toutes les chaînes de radio et de télévision du Liban et d’un certain nombre d’autres pays arabes. Le nouveau pape s’est aussitôt acquis la sympathie et a éveillé l’enthousiasme dans le cœur des chrétiens libanais. Et aussi chez ceux des pays arabes, qui espèrent un leader capable d’intervenir auprès des instances internationales en faveur de la paix et de la coexistence fraternelle et pacifique entre toutes les composantes de leurs pays respectifs (en particulier en Syrie, en Égypte et en Irak) qui vivent aujourd’hui des moments de grande épreuve.
Et parmi les musulmans du Moyen-Orient ?
La nouvelle du choix du pape François a été accueillie positivement, tant par les musulmans modérés du Liban que par leurs semblables dans les pays arabes sans distinction entre sunnites, chiites ou druzes. Bien qu’ils ne le connaissent pas encore, les musulmans, comme les chrétiens, espèrent beaucoup dans le nouveau pape et voient dans le chef de l’Église une personne charismatique qui inspire respect et confiance, parce que les deux visites des derniers papes au Liban et dans certains pays arabes ont laissé une excellente impression et ont eu un impact positif dans l’esprit des musulmans. En effet, ils ont constaté que le pape est un homme pacifique, qui invite seulement à la réconciliation, au dialogue, à la prière et au respect de la dignité de l’homme et qui dénonce ouvertement toute forme de violence, de guerre et de destruction.
Comment le nom de François a-t-il été accueilli ? Suscite-t-il confiance, espérance ? Rappelle-t-il encore, d’une certaine façon, la rencontre entre François d’Assise et le sultan Malik-al-Kamil, en 1219, près de Damiette, en Égypte ?
En entendant et en lisant les explications qui ont été données sur la signification du nom de François, qui fait référence à saint François d’Assise, la grande partie des musulmans (comme des chrétiens) ont beaucoup apprécié ce choix. Il indique clairement le programme du pontificat, particulièrement centré sur l’attention aux pauvres, aux plus démunis et à ceux qui sont en marge de la société, ainsi que sur le dialogue islamo-chrétien. François est un nom qui évoque une grande ouverture au dialogue avec le monde musulman, à l’exemple du saint d’Assise qui a rencontré le sultan en Égypte pour proposer une voie pacifique de dialogue fraternel dans la recherche d’une solution aux conflits. Saint François est aussi déjà connu dans le monde musulman grâce aux rencontres interreligieuses d’Assise, promues à l’initiative du bienheureux pape Jean-Paul II. Il est sûr que le programme du pontificat du nouveau pape, ainsi marqué dès le début par le nom de François, suscite la confiance et beaucoup d’espérance.
Dans son discours du vendredi 22 mars au Corps diplomatique, le pape François a notamment déclaré : « Il est important d’intensifier le dialogue entre les différentes religions, je pense surtout au dialogue avec l’islam, et j’ai beaucoup apprécié la présence, durant la messe du début de mon ministère, de nombreuses autorités civiles et religieuses du monde musulman. » Pensez-vous que ces paroles seront suivies d’actes concrets dans le but de valoriser ce qui unit plutôt que ce qui divise ?
La présence remarquable de chefs d’État et de délégations du monde musulman à la messe du début du pontificat est un reflet clair de leur volonté d’ouverture à l’Église en général et à la politique de paix du Vatican, désormais bien connue dans le monde musulman. D’autre part je fais confiance au pape pour faire suivre ces paroles d’actes concrets et j’ai tout autant confiance dans les réactions positives des musulmans modérés à toute initiative de dialogue et de compréhension mutuelle. Le pape François donnera certainement une nouvelle force et une nouvelle dimension au Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.
Certains jeunes Libanais ont rédigé, sous votre conduite, le texte du Chemin de croix de cette année au Colisée. Le texte parle aussi constamment des souffrances des populations du Moyen-Orient : peut-on espérer que de nombreux jeunes du Moyen-Orient dépasseront les haines ancestrales et prendront le chemin de la paix ? Ou est-ce une illusion ? Les jeunes générations libanaises sont-elles sur la bonne voie du dialogue et d’une coexistence fondée sur ce qui est commun ou bien manifestent-ils encore leurs rancœurs et leur méfiance ?
Dans la rédaction du texte du Chemin de croix, les jeunes Libanais se sont exprimés et ont avoué leurs préoccupations et les souffrances de leur pays et des pays du Moyen-Orient, mais ils ont également manifesté leurs espérances dans l’avenir parce qu’il n’y a pas de mort sans résurrection pour ceux qui se confient dans le Seigneur. Tous les jeunes Libanais chrétiens et musulmans, grâce à Dieu, ont mûri une bonne expérience en parcourant la voie de la coexistence pacifique sur ce qui est commun et ce qui unit. Ils sont déjà sur le bon chemin après tout ce qu’ils ont dû souffrir pendant la guerre du Liban : ils sont désormais en mesure de dépasser toute rancœur et toute méfiance. Espérons que l’avenir et la politique n’étoufferont pas ces espérances nées dans le cœur des jeunes, par des projets de guerre, de destruction et de division.
Un groupe de 45 jeunes Libanais est arrivé à Rome, pour participer au Chemin de croix guidé par le Saint-Père au Colisée. Leurs méditations ont été publiées dans un livret en arabe et en français pour être utilisées dans nos paroisses le Vendredi saint.