Famille: "Ce qui s'est passé à Milan est une mine précieuse "

Bilan de Mgr Paglia, président du dicastère romain pour la famille

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« Ce qui s’est passé à Milan est une mine précieuse « , estime Mgr Paglia. Le président du Conseil pontifical pour la Famille, Mgr Vincenzo Paglia, a présenté ce matin au Vatican un bilan de la Rencontre mondiale des familles de Milan, en juin dernier, et la perspective de la prochaine rencontre de Philadelphie.

Voici la première partie de notre traduction intégrale de l’intervention de Mgr Paglia, en italien.

Milan 2013: bilan de Mgr Paglia (1ère partie)

La rencontre de Milan a représenté une étape importante tant sur le plan de la réflexion que sur celui du témoignage rendu au mariage et à la famille. Et pour moi personnellement, qui ai été appelé par Benoît XVI, quelques semaines après, à présider le Conseil pontifical pour la famille, ce qui s’est passé à Milan pendant ces journées est une mine précieuse d’indications.

L’événement, entre autres du fait de la participation de nombreuses familles, a montré la force vitale que représentent les familles dans l’Eglise et dans la société. On peut dire, avec raison, que les « prophètes de malheur » qui prévoyaient, ou mieux, qui souhaitaient l’extinction de la famille, ont été démentis. Dans les années soixante-dix, on affirmait la « mort de la famille » et on disait que l’on s’acheminait vers une société « sans pères ». Certes, les problèmes qui concernent le mariage et la famille sont nombreux, mais nous ne devons pas oublier, données en main, que la famille reste encore aujourd’hui la « ressource » fondamentale de nos sociétés. C’est ce que l’on a vu et ce que l’on a expliqué à Milan. La famille résiste encore, en raison de sa force intrinsèque et de son enracinement dans l’humanité.

Du reste, les données statistiques sont unanimes à relever que la famille se positionne en première place comme lieu de sécurité, de refuge et de soutien pour la vie de chacun, et qu’elle reste en tête des désirs de la très grande majorité des jeunes. En Italie, par exemple, environ 80% des jeunes déclarent qu’ils préfèrent le mariage (civil ou religieux), et seulement 20% optent pour la cohabitation. Parmi ces 20%, il semble que seulement 3% considèrent la cohabitation comme un choix définitif, les 17% restant pensent que cette situation est transitoire, dans l’attente du mariage. En France, les sondages relèvent que 77% des personnes interrogées désirent construire une vie de famille en restant avec la même personne pour toute leur vie. Le pourcentage atteint les 84% pour les jeunes de 18 à 24 ans.

En somme, ni l’extraordinaire accélération des processus historiques dont notre génération fait l’expérience, ni la forte opposition culturelle qui entoure la famille ne sont parvenus, pour le moment, à couper l’enracinement profond de celle-ci a dans le cœur des gens. En ouvrant le synode des évêques, Benoît XVI a déclaré : « Le mariage constitue en soi un Evangile, une bonne nouvelle pour le monde d’aujourd’hui ». D’ailleurs, le besoin d’une famille est inscrit dans le cœur de l’homme depuis que Dieu a dit : « Il n’est pas bien que l’homme soit seul, faisons-lui une aide qui lui sera assortie » (Gn 2, 18). Adam était vivant, il  venait à peine d’être créé, et pourtant il lui manquait quelque chose de vital, justement une compagne, une compagnie. Seul, l’homme n’est rien ; pour lui, tout se joue dans l’interdépendance, sans laquelle on n’existe pas et on n’est pas libre.

2. Cette vérité profonde, qui marque si radicalement la vie humaine, est comme malmenée par une culture qui lui est opposée. L’idéal que l’homme contemporain cherche à atteindre est celui de l’autonomie individuelle, c’est-à-dire le fait de ne dépendre de personne. En fait, nous assistons à un effort incroyable pour édifier une société faite d’individus séparés les uns des autres, où le je prévaut sur le nous, le singulier sur la société, et donc les droits de l’individu sur ceux de la famille. Cette course à l’individualisme est en train de détruire la famille, tout comme elle détruit les diverses formes de société. C’est pourquoi la destruction de la famille est le premier problème de la société contemporaine, même si sont ceux qui s’en rendent compte sont peu nombreux, au point que l’on continue de faire des choix, y compris politiques et législatifs, qui mettent la société au bord du précipice comme l’annonçait, il y a quelques décennies, Hans Jonas à propos des choix concernant l’écologie, eux aussi privés de la conscience nécessaire.

Evidemment, le fait que la société ait désormais assimilé des choix et des tendances culturelles, comme beaucoup l’affirment pour justifier ce qui se passe, n’est pas rassurant. Il est vrai qu’une grande partie de l’histoire occidentale contemporaine a été conçue comme une libération de tout lien : liens avec les autres, et donc au sein de la famille, dans la responsabilité envers l’autre. Et il est tout aussi vrai que les liens ont parfois opprimé la subjectivité. Mais aujourd’hui, le vertige de la solitude avec le culte du « je », détaché de tout lien, même de Dieu, risque de tuer toute subjectivité en entraînant dangereusement tout le monde vers le bas. Dans cette situation, les liens affectifs, sexuels, sont compris et vécus dans l’horizon privé de la solitude. Et le dépaysement provoqué par la globalisation, accentue encore davantage le repliement sur soi et la tentation du particulier.

Dans une société de plus en plus individualisée, il est devenu facile – trop facile – de mettre en discussion tant le mariage que la famille, en en élargissant peut-être la signification au point de faire disparaître la signification même des termes. En fait, on en arrive à ne plus reconnaître dans le mariage, la racine de la famille, ni dans celle-ci le fondement de la société, renversant ainsi une anthropologie séculaire qui faisait dire à Justinien : le mariage est l’union de l’homme et de la femme (« matrimonium est viri et mulieris coniunctio ») et à Cicéron : la famille est le principe de la cité, et en quelque façon la semence de la république (« familia est principium urbis e quasi seminarium rei publicae »).

L’Eglise, qui a recueilli l’antique hérédité du mariage et de la famille, les a enrichis dans leurs contenus jusqu’à en faire le fondement de la société. Benoît XVI disait : « La famille naturelle, en tant que profonde communion de vie et d’amour, fondée sur le mariage entre un homme et une femme, constitue « le lieu premier d’‘humanisation’ de la personne et de la société », le « berceau de la vie et de l’amour ». Aujourd’hui, l’Eglise est préoccupée, parfois dans la solitude, par la crise que traversent le mariage et la famille, parce qu’elle est consciente que l’un et l’autre sont un Evangile, une bonne nouvelle pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui, souvent seuls et privés d’amour, de paternité, de soutien. La superficialité avec laquelle l’Eglise est accusée de conservatisme est d’autant plus surprenante. Il ne s’agit pas de soutenir des institutions dépassées, mais de penser à l’avenir de la société humaine. Au pire, on pourrait dire que nous sommes des « conservateurs de l’avenir », précisément de l’avenir de la société.

L’Eglise, « experte en humanité », connaît bien, par ailleurs, le grand devoir qui revient à la famille. Et elle connaît le prix élevé des fragilités de la famille, qui est surtout payé par les enfants (ceux qui naissent, et ceux qui ne voient pas le jour), par les personnes âgées, par les malades. Elle connaît aussi ces fragilités dont on ne parle jamais parce que l’attention n’est portée que sur certaines questions et non sur
d’autres, peut-être plus sérieuses et plus fondamentales. La famille signifie la maison, la stabilité, la croissance, l’avenir. Aux différentes époques historiques, l’institution familiale a connu des transformations parfois aussi profondes, mais jamais on n’a touché à son « génome », à sa dimension profonde, qui est d’être une institution formée d’un homme et d’une femme, avec des enfants. C’est pourquoi il est urgent de promouvoir une réflexion culturelle attentive et une défense plus vigoureuse de la famille pour que celle-ci soit mise, et rapidement, au centre de la politique, de l’économie et de la culture, dans les pays comme dans les autres instances internationales, avec l’implication des croyants d’autres traditions religieuses et d’hommes de bonne volonté. C’est une frontière qui concerne les fondements mêmes de la société humaine. D’où l’immense intérêt de l’Eglise, surtout en cette période historique.

(à suivre)

Traduction de Zenit: Hélène Ginabat

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Vincenzo Paglia

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