Salvatore Cernuzio

Traduction d’Océane Le Gall

ROME, vendredi 21 décembre 2012 (ZENIT.org) –  À l’approche des fêtes, le Bureau des communications sociales du vicariat – diocèse - de Rome met au pied de l’arbre des passionnés d’art un beau cadeau : une nouvelle rencontre sur le dialogue entre les arts  dans l’optique de la foi et de la transcendance, dont la première édition, l’année dernière, avait rencontré un grand succès.

La rencontre, intitulée « Une porte vers l’Infini »,  a été inaugurée hier, jeudi 20 décembre, dans la superbe Salle de la Conciliation du Palais Apostolique de Latran.

Zenit a rencontré le jeune directeur artistique du projet, Francesco d’Alfonso, qui après avoir parlé des nouveautés de l’édition 2013, a évoqué son amour pour l’art et l’importance d’une telle discipline dans un monde comme le nôtre, n’hésitant pas à faire quelque critiques et à donner quelques conseils aux jeunes qui ont décidé de côtoyer ce bel univers.

Zenit - Pourquoi un bureau du vicariat de Rome qui s’occupe de communication s’intéresse-t-il depuis deux ans déjà à un événement de culture et d’art?

Francesco d’Alfonso - Dans les Statuts d’art des peintres siennois du XIVème siècle on lit ceci: «Nous sommes  ceux qui manifestent aux hommes qui ne savent pas lire, les choses miraculeuses opérées par vertu, et en vertu de la sainte foi ».  On déduit de cette vieille définition que l’art est une puissante forme d’expression et de communication des dogmes de la foi. En effet, le christianisme a été transmis, oui, à travers des formules dogmatiques, mais il s’est répandu et il a été compris grâce aussi à des formules iconographiques. L’art a toujours été un outil extraordinaire de communication pour transmettre la foi.

L’art est donc important pour l’individu?

Absolument, je crois même qu’il doit être à la base de la formation de l’être humain. L’art, surtout s’il est cultivé dès le plus jeune âge, est fondamental pour faire grandir la sensibilité de l’individu. Mon fils de 3 ans respire l’art dès sa naissance : à 4 ans il a assisté à la Sonate en si mineur de Liszt! J’ignore s’il aura un jour des velléités artistiques dans sa vie, mais ces choses contribuent surement à faire de lui une personne plus sensible, plus profonde qui saura regarder plus loin grâce au substrat que l’art est en train de créer en lui.  C’est une question d’habitude à la beauté. Et si vous êtes habitué au beau, vous ferez aussi de bonnes choses. L’éthique et l’esthétique ne sont pas deux voies parallèles qui ne se rencontrent pas, mais plutôt deux perpendiculaires qui se croisent.

C’est pour cela qu’il a été choisi dans ce projet de porter de grandes œuvres de musique sacrée de Brahms ou Vivaldi, dans des quartiers de la périphérie, à des personnes qui n’ont jamais eu la possibilité d’aller au théâtre ?

Oui, parfaitement. Souvent dans les grandes villes, les personnes vivent en réalité « de ciment », dans des cadres urbains qui sont des aberrations de l’architecture. Porter dans ces contextes une soirée « de beauté » est fondamental. Il n’est pas important que tous deviennent, tout  coup, des passionnés de musique classique ou d’art, mais que tous puissent profiter de ces fragments de beauté qu’on leur offre.

La collaboration avec le Théâtre de l’Opéra est donc très important...

Grâce à ce projet ce ne sont plus les personnes qui vont vers l’art, mais l’art qui vient vers elles. L’Opéra de Rome sort de son siège historique, le Théâtre Costanzi, ce n’est plus un monument, il va sur le territoire.

Et quelle a été la réponse du public?

L’impact a été incroyable, surtout aux concerts. Pour beaucoup de gens, un événement comme une « première » à la Scala, comme une « grande soirée «  à l’Opéra, est un événement lointain. Avec Une Porte vers l’Infini, au contraire, beaucoup ont pu vivre en acteurs un grand événement, en restant « chez eux »: à la paroisse. Et en plus en écoutant non pas la Bohème ou la Traviata, mais le grand répertoire sacré qui est une partie fondamentale de l’histoire de la musique et de la culture italienne.

Vous êtes un passionné d’art, un grand amateur de musique classique, sacrée et d’opéra. En quoi votre personnalité et vos passions sont présentes dans ce projet?

Inutile de le nier, lorsqu’un directeur artistique fait des choix, il met beaucoup de lui-même, de ses expériences, de ce qu’il a lu, vu, écouté. Et cela a été le cas pour ce projet. En particulier, je tiens beaucoup à la rencontre de la série des « Fragments de beauté » avec Franco Battiato. Je peux dire d’avoir vraiment grandi avec sa musique. C’est un chanteur auteur compositeur que j0aime particulièrement pour sa musique et ses textes extraordinaires, et puis parce qu’il représente un profil d’artiste contaminé par tous les genres musicaux: classique, légère, rock, pop. Ce que j’apprécie aussi chez  Franco Battiato, c’est cette recherche permanente de spiritualité que l’on perçoit dans toute sa musique.

Souvent les jeunes qui voudraient se lancer dans une carrière artistique sont découragés car l’art est considéré comme une « perte de temps ». Quel est votre avis?

L’artiste, au-delà de l’image poétique que l’on peut en avoir, est avant tout un travailleur. Souvent on ne voit que l’aspect ludique de l’art, et on oublie qu’il est au contraire un cheminement fatigant et sélectif. La télévision ne nous montre que des exemples de succès facile, alors que le vrai artiste c’est celui qui étudie toute la vie, dans un esprit de sacrifice aux limites de l’abnégation.

 Je me souviens d’une interview il y a quelques années avec la très grand soprano Renata Tebaldi, très peu de temps avant sa mort, où celle-ci disait que sa carrière avait beau être finie depuis 30 ans, elle continuait à étudier tous les jours. L’art est en effet une habitude à la discipline : c’est pourquoi il y a beaucoup de jeunes qui voudraient être artistes, mais ils sont peu à y arriver.