Siméon est l’ « Homme « pauvre », homme de l’attente, homme de l’Esprit », explique le cardinal Gianfranco Ravasi ; « c’est en raison de ces dons que Siméon est aussi prophète au sens biblique de connaisseur du mystère de Dieu et révélateur de sa parole ».
En ce temps liturgique de Noël, le président du Conseil pontifical de la culture propose une méditation sur le personnage de Siméon dans l’évangile de saint Luc. Elle est publiée dans l’édition italienne de L’Osservatore Romano du 28 décembre 2012.
Voici des extraits de cette méditation:
« Cette année, le temps de Noël est rythmé, pour de nombreux lecteurs, par le livre de Benoît XVI, consacré aux évangiles de l’enfance de Jésus. Nous ne voulons pas, par conséquent, nous superposer à sa lecture des 180 versets des deux premiers chapitres des évangiles de Matthieu et de Luc. Nous avons simplement pensé extraire une scène à première vue un peu marginale du chapitre 2 de Luc, et tisser une réflexion de caractère spirituel, une sorte de lectio divina. Le choix est tombé sur l’épisode où Jésus, le nouveau-né, est présenté rituellement au temple de Jérusalem, en mettant l’accent surtout sur la figure de Siméon. Nous savons que le parcours dramatique de Job a abouti à une étonnante profession de foi : « Je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mes yeux t'ont vu » (42, 5). Simon atteint le même but lorsqu’il rencontre Jésus au temple et qu’il s’exclame : « mes yeux ont vu ton salut » (Lc 2, 30). Le passage se transforme donc dans l’histoire d’une attente et d’une rencontre surprenante […].
Siméon, comme la figure successive d’Anne, appartient au peuple des anawim, les « pauvres du Seigneur » ; en fait, il est décrit comme « juste et pieux » (2, 25). Sa caractéristique fondamentale est donc sa foi profonde, sa confiance, son abandon à Dieu. Il est semblable à Joseph d’Arimathie qui est décrit comme « un homme droit et juste » (Lc 23, 50) et qui accueillera entre ses bras le corps mort du Christ. Siméon, lui, prend dans ses bras l’enfant Jésus et l’art des icones le représentera comme le Theodòchos, « celui qui accueille Dieu ». Siméon est aussi l’homme de l’attente, un peu comme tous les personnages de l’évangile de l’enfance : « il attendait la consolation d’Israël » (2, 25) comme tous les fidèles du Seigneur qui « attendaient la délivrance de Jérusalem « (2, 38). On dit aussi de Joseph d’Arimathie qu’il « attendait le Royaume de Dieu » (Lc 23, 50).
[…] Homme « pauvre », homme de l’attente, homme de l’Esprit : c’est en raison de ces dons que Siméon est aussi prophète au sens biblique de connaisseur du mystère de Dieu et révélateur de sa parole. Sa prophétie s’exprime dans un cantique et dans un double oracle. Le cantique est le Nunc dimittis, un hymne très bref, presque jaculatoire, non pas de résignation mais de confiance, prononcé par un homme qui sent arrivé pour lui un déclin qui préludera à une aube à venir et il n’a donc pas peur. C’est pour cette grâce sereine et apaisée que depuis le Vème siècle le psaume de Siméon est devenu la prière du soir, le cantique des Complies. Et même, certains sont allés jusqu’à faire l’hypothèse que c’était le chant funèbre pour un fidèle juste, proclamé par l’assemblée chrétienne dans l’esprit du patriarche Jacob : « Pour lors, je puis mourir, après que j'ai vu ton visage » (Gn 46, 30). […].
Mais le cantique de Siméon n’est pas un adieu mélancolique parce que la charge confiée est désormais conclue, c’est au contraire une salutation joyeuse à la Parole de Dieu qui s’accomplit maintenant. Ses sentiments sont ceux de la béatitude de Luc, 10, 23-24 : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car je vous dis que beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez et ne l'ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l'ont pas entendu ! ». Un chant de foi et d’espérance, certes, non pas un rêve mélancolique et c’est cela le sens de l’existence chrétienne.
[…] Le Nunc dimittis est aussi le chant du salut universel. Dans des phrases telles « salut que tu as préparé à la face de tous les peuples » (2, 31-32), se concentre tout le cheminement de l’Ancien Testament qui, à partir de l’élection d’Israël, est parvenu à pressentir l’alliance universelle pour laquelle à Jérusalem tous les peuples pourraient se retrouver comme citoyens (Ps 87 ; Is 2, 2-3). « Tous les confins de la terre ont vu le salut de notre Dieu » (Is 52, 10). A son serviteur messianique, le Seigneur dit : « Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre » (Is 49, 6). « Alors la gloire du Seigneur se révélera et toute chair, d'un coup, la verra » (Is 40, 5). « Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu » (Ps 98, 3). « Des nations nombreuses s'attacheront au Seigneur en ce jour-là : elles seront pour lui un peuple » (Zc 2, 15).
[…] Siméon prononce ensuite un double oracle (2, 34-35) qui est presque la partie obscure du cantique de salut du Nunc dimittis. Salut et jugement, acceptation et refus, foi et incrédulité sont quasiment un diptyque qui assume les multiples événements de l’histoire. Le Christ est le lien de ce diptyque parce que le choix se porte sur lui. La première prophétie de Siméon est un oracle de « division » : « cet enfant doit amener la chute et le relèvement d'un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la contradiction, afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs ». Un jour Jésus dira : « Pensez-vous que je sois apparu pour établir la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien la division. Désormais en effet, dans une maison de cinq personnes, on sera divisé, trois contre deux et deux contre trois :on sera divisé, père contre fils et fils contre père, mère contre sa fille et fille contre sa mère » (Lc 12, 53). L’oracle de Siméon hérite du symbolisme de la pierre d’achoppement et de la pierre angulaire appliquée, dans l’Ancien Testament, à Dieu lui-même : « il sera… un rocher qui fait tomber, une pierre d'achoppement pour les deux maisons d'Israël » (Is 8, 14) ; « La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle » (Ps 118, 22).
(A suivre, mercredi 2 janvier 2013)
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat