Un réseau de media chrétiens dans l'ancienne URSS

Jose Correa, fondateur du « Catholic Radio and Television Network »

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Propos recuillis par Mark Riedemann

Traduction d’Hélène Ginabat

ROME, vendredi 14 décembre 2012 (ZENIT.org) – « Ce dont nous avons le plus besoin, ce n’est pas de l’argent ou des médicaments… Nous avons besoin de l’Eglise, de la présence de l’Église. Nous avons besoin de la radio » : ce sont ces paroles, prononcées il y a plus de vingt ans par un jeune Lituanien persécuté, qui ont changé la vie de Jose Correa et l’ont poussé à lancer une radio catholique destinée à émettre derrière le rideau de fer.

Mark Riedemann a rencontré Jose Correa, journaliste et fondateur du Catholic Radio and Television Network et actuellement directeur de L’aide à l’Eglise en détresse au Brésil, pour l’émission radio-télévisée hebdomadaire Là où Dieu pleure, en collaboration avec L’Aide à l’Eglise en Détresse.

Mark Riedemann – Pouvez-vous nous parler de votre premier contact avec la Russie ?

Jose Correa – Mon premier contact avec la Russie remonte aux années 80. Je travaillais pour une agence d’informations brésilienne qui m’a envoyé en Union soviétique faire un reportage sur la vie des gens là-bas ; en effet les médias était remplis d’analyses et de rapports sur la situation politique. Ils étaient curieux de voir comment les gens vivaient. Mon idée était d’interviewer des gens différents de divers secteurs de la vie, des travailleurs, des étudiants, des jeunes et des personnes âgées. J’ai aussi pensé que je devais interviewer des chrétiens parce qu’ils étaient persécutés à cette époque, en Union soviétique, pour voir comment un chrétien survit dans un environnement athée. En bref, j’ai opté pour un chrétien, un jeune catholique, Julius Sasnauskas, qui était étudiant en médecine à Vilnius, en Lituanie, qui faisait alors partie de l’Union soviétique…

N’était-ce pas dangereux pour cette personne d’être en contact avec vous ? Pour des chrétiens vivant dans la clandestinité, un journaliste venu de loin pour les rencontrer…

Bien sûr, mais j’étais tellement naïf ! Je ne savais pas tout cela. Je suis allé chez lui à Vilnius et j’ai frappé à la porte. Sa mère était absolument terrifiée quand elle a vu cet étranger demandant à voir son fils. Il venait de rentrer de cinq ans de camp de concentration en Sibérie. Il avait été arrêté et torturé parce qu’il avait formé un groupe de prière à l’université et ils voulaient connaître les autres membres de son groupe de prière. Il n’a pas révélé les noms. L’une des tortures était de lui taper sur les genoux avec des barres de fer. Aujourd’hui, il ne peut pas marcher correctement en dépit de diverses interventions chirurgicales à la suite de ces tortures.

Il a quand même accepté de vous rencontrer ?

Non, à cause de la situation, je n’ai pas pu prendre de rendez-vous. Comme je l’ai dit, je suis arrivé là-bas et j’ai frappé à la porte. Sa mère était terrifiée. Elle m’a fermé la porte au nez. Alors je suis parti. C’était un appartement dans un de ces immeubles soviétiques. J’étais dans la rue, désemparé. Que devais-je faire maintenant ? Je ne comprenais pas ce qui n’allait pas. Puis un jeune homme barbu s’est discrètement approché de moi et m’a demandé : « Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous attendez de Julius ? ». Je lui ai raconté mon histoire. Il m’a dit que nous pouvions le rencontrer dans la forêt parce que c’était dangereux d’être vu avec des étrangers en ville. Il était suivi et il devait se déguiser pour échapper à la police secrète. Nous nous sommes donc rencontrés le lendemain dans une forêt hors de la ville.

Quelle a été votre première impression de Julius ?

Il était impressionnant ; pour moi qui venait du Brésil, où les gens sont très joyeux et ouverts parce que nous n’avons pas beaucoup de soucis, il était très, très grave. Immédiatement, dès ses premiers mots, j’ai vu que c’était un homme qui avait une foi profonde et il m’a beaucoup impressionné. Je l’ai interrogé sur son expérience. Il m’a parlé de la torture et de la vie en prison et il m’a dit qu’il avait failli mourir plusieurs fois à cause de la faim et du froid extrême. Il était dans ce qu’on appelait un « camp de la mort », au centre de la Sibérie, parce que beaucoup y mouraient à cette époque. De nombreux chrétiens et martyrs sont morts là-bas. Après environ 30 minutes de conversation, il a terminé en disant : « Jose, excusez-moi, je dois mettre fin à notre conversation aujourd’hui. Vous souvenez du groupe de prière dont je vous ai parlé ? Eh bien, pendant mon absence, lorsque j’étais dans le camp de concentration, ils ont continué à se rencontrer. Ils vont se retrouver pour une réunion de prière dans une autre partie de la forêt. Il faut que j’y aille ».

Il avait donc été arrêté et torturé, il avait failli mourir à cause de sa participation à un groupe de prière. Et pourtant à peine libéré, la première chose qu’il faisait était de rejoindre un groupe de prière. N’avait-il pas peur ?

C’est exactement la question que je lui ai posée ; je n’arrivais pas à comprendre. Mais il m’a dit : « José, bien sûr que non. Je suis catholique. Je suis avec Dieu. Je n’ai peur de rien ». Je lui ai répondu : « Quand même, vous devez avoir peur. Vous étiez avec Dieu et regardez ce qui vous est arrivé ! ». Je dois dire qu’à cette époque, je n’étais qu’un catholique tiède. Je n’étais pas très pratiquant et pour moi, voir une telle foi était surprenant. Je ne pouvais pas comprendre, avec ma logique.

Et quelle a été sa réponse?

Il a dit : « Peut-être que vous, au Brésil, vous vivez une situation différente. C’est difficile pour vous de comprendre, mais pour nous, si nous nous consacrons à Dieu, il ne peut nous arriver que quelque chose de bon. Que pourrait-il m’arriver de pire, maintenant que je suis revenu ? Ils me découvriront  et me tueront. Est-ce grave ? Je serai un martyr de Dieu. J’irai droit au ciel. Je serai un exemple pour ma famille, mes amis, mon peuple et pour toute l’Eglise. C’est parfait. Et au ciel je pourrai faire tout le bien que je voudrai pour ma famille, mes amis, pour mon peuple. C’est très bien. Ce que le monde voit comme quelque chose de terrible, pour nous catholiques, c’est excellent ». Et il a ajouté : « Sinon, quoi d’autre ? Je serai découvert. Je serai arrêté et je souffrirai à nouveau comme j’ai déjà souffert. Est-ce grave ? Bien sûr que non, parce que je me suis consacré à Dieu. Toutes mes souffrances lui sont offertes. Il les utilisera pour aider d’autres personnes. Et en camp de concentration, vous ne pouvez pas imaginer le bien que vous pouvez faire. A l’intérieur des prisons, vous pouvez être un exemple pour les autres prisonniers. Vous pouvez les évangéliser. Vous pouvez même être un instrument de Dieu pour les convertir. Alors ce que le monde voit, encore une fois, comme quelque chose de terrible, cela peut être merveilleux. Et enfin, si je ne suis pas pris, je continuerai à faire ce que je fais, ce qui signifie que je ferai tout le bien qui est à ma portée, ce qui est aussi excellent. Vous voyez ? Si vous vous consacrez à Dieu, il ne peut vous arriver que du bien.

Quelle a été votre réaction ?

J’étais absolument stupéfait. A ce moment je me suis dit que je voulais être un chrétien comme ça parce que je voyais qu’ils étaient heureux, profondément heureux. Je voulais être comme eux. Je pouvais voir Dieu vivant en eux. Et je voulais faire la même chose. A ce moment-là, j’ai donc décidé de faire ce que pouvais pour aider ces chrétiens persécutés et je lui ai demandé : « Que puis-je faire pour vous aider ? ». Il m’a répondu : « Vous êtes j
ournaliste : ce dont nous avons le plus besoin, ce n’est pas de l’argent ou des médicaments, rien de tout cela. Nous avons besoin de l’Eglise, de la présence de l’Église. Nous avons besoin de la radio.

Vous avez commencé alors
Radio Blagovest («Un appel à la prière»), puis Info Blagovest (l’agence de presse catholique et russe orthodoxe la plus ancienne et la plus respectée en Russie), Blagovest médias (l’unique studio de production  de TV catholique et russe orthodoxe en Russie) et Catholic Radio and Television Network. Tout cela existe-t-il encore aujourd’hui?


Oui, tout dans le but de promouvoir la réconciliation entre les Eglises.

Les relations et le rapprochement entre l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe continuent de progresser. Quel est votre espoir pour la Russie et pour la ré-évangélisation de l’Europe par la Russie?

J’ai été très heureux d’entendre récemment que plusieurs évêques et personnalités importantes dans l’Eglise orthodoxe disent qu’il faut faire une alliance stratégique entre l’Eglise catholique et orthodoxe pour défendre nos valeurs chrétiennes fondamentales qui font l’objet d’attaques agressives de la part de la laïcité. Je pense que c’est d’une importance capitale pour l’avenir du monde. Tout nous unit, peu de choses nous divisent. Nous devons travailler ensemble pour une nouvelle évangélisation du monde, qui en a besoin. Je prie beaucoup pour cela, et petit à petit, étape après étape, cela commence à se produire.

L’histoire est révélée?

L’histoire se déroule sous nos yeux. Et toutes les personnes qui prient à cette intention et qui aident les organisations qui travaillent dans ce sens sont des outils dans la main de Dieu pour la réalisation d’un nouvel avenir qui sera fantastique et où le Christ sera de nouveau au cœur de nos sociétés.

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ZENIT Staff

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