Jane Adolphe
Traduction d’Hélène Ginabat
ROME, mercredi 11 décembre 2012 (Zenit.org) – « L’orientation sexuelle » et « l’identité de genre » sont devenus l’objet d’une Résolution non contraignante du Conseil des droits de l’homme (CDH).
Jane Adolphe, professeur associée de droit à l’Ecole de droit Ave Maria, de Naples, en Floride, analyse un nouveau rapport, publié par le Haut commissariat aux droits de l’homme en septembre 2012, intitulé « Nés libres et égaux ».
Voici notre traduction de ce quatrième volet de cette réflexion.
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Le Haut commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a publié un nouveau rapport non contraignant intitulé « Nés libres et égaux », (« Born free and equal ») qui s’appuie sur son rapport précédent établi en application de la Résolution 17/19 du Conseil des droits de l’homme.
Le nouveau rapport affirme que « la possibilité d’étendre aux lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) les mêmes droits que ceux dont jouissent tous les autres n’est ni radicale ni compliquée. Elle repose sur deux principes fondamentaux qui sous-tendent le droit international des droits de l’homme : l’égalité et la non-discrimination » (p. 7) A l’appui de cette affirmation, le rapport cite, en partie, l’art. 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». De cette façon, le rapport nie le fondement du droit international des droits de l’homme basé sur la dignité inhérente à la personne humaine, par nature douée de raison et de conscience, ayant le devoir d’agir envers les autres dans un esprit de fraternité. De manière créative, il fait également de deux principes, l’égalité et la non-discrimination, le fondement même des droits de l’homme.
Le rapport promeut cinq obligations fondamentales des Etats de protéger les droits fondamentaux des personnes LGBT. A ce stade, l’accent est mis moins sur « l’orientation sexuelle » ou « l’identité sexuelle » et davantage sur les droits du groupe LGBT. Ce rapport se fonde sur le rapport non contraignant du HCDH et sur le document, également non contraignant, élaboré par un groupe d’individus qui se sont rendus à Yogyakarta pour préparer un document sur le thème de « l’orientation sexuelle » et « l’identité de genre » et les droits de l’homme.
Les cinq principes de base sont les suivants: 1) protéger les individus contre la violence homophobe et transphobe – plutôt que d’affirmer que toutes les personnes doivent être protégées contre la violence, 2) prévenir la torture et tout traitement cruel, inhumain et dégradant de personnes LGBT – plutôt que d’affirmer que toutes les personnes doivent être protégées contre la torture et les autres mauvais traitements; 3) dépénaliser l’homosexualité – plutôt que de prier instamment les Etats d’examiner et d’évaluer leurs lois pénales en tenant compte de l’effet causé par des changements dans la loi, les coutumes et les traditions éprouvées, les droits et devoirs des communautés religieuses, la protection de la famille naturelle, les problèmes d’application et les obligations de l’Etat envers le bien commun; 4) interdire toute discrimination fondée sur « l’orientation sexuelle » et « l’identité de genre » – plutôt que d’interdire la discrimination fondée sur la race, la religion, la langue et le sexe contre toute personne, et 5) respecter la liberté d’expression, d’association et de rassemblement pacifique des personnes LGBT – plutôt que de respecter la liberté d’expression, d’association et de rassemblement pacifique de toute personne humaine, en tenant compte des limites reconnues par le droit international.
Il est à noter qu’il ya eu un changement global d’argumentation. Le droit à la vie privée a été la principale justification utilisée pour dépénaliser les actes sexuels privés consensuels entre adultes du même sexe. Cependant, puisque le mariage est une institution reconnue publiquement, l’argument de l’égalité est devenu l’argument clé pour défendre le mariage entre personnes de même sexe. « Mais pour prendre au sérieux l’argument de l’égalité, dans le développement de la jurisprudence du mariage dans le domaine des relations homosexuelles », le professeur Robert Araujo, SJ., soutient qu’« il faut surmonter la difficulté physique à assimiler les relations entre personnes de même sexe à des relations entre personnes de sexe opposé » (Araujo, 2010, p. 31). Il affirme que « la seule façon d’accomplir cette tâche consiste à s’appuyer sur une compréhension de « l’égalité » qui n’est pas basée sur les faits et sur la raison, mais sur un positivisme juridique exagéré » (id.).
Il poursuit : « Pour que toute prétention à l’égalité soit authentique, sincère et juste, son contenu et sa pratique doivent refléter avec exactitude la nature de la personne humaine, car c’est cela qui rend les gens semblables entre eux, à certains égards, et différents les uns des autres à d’autres égards » (ibid.). L’argument est le suivant. Fondamentalement, tous les hommes sont égaux, mais à d’autres égards, ils ne sont pas. Le professeur Araujo, S.J., donne quelques exemples : « Si la plupart des gens aiment la musique, nous ne sommes pas tous l’égal de Mozart. Ou encore, si la plupart des gens aiment le sport, nous ne sommes pas l’égal des plus grands athlètes du monde » (Araujo, 2012). Quand il s’agit de mariage, poursuit-il : « nous ne sommes pas égaux à cet égard non plus. Si la race humaine a la capacité d’explorer et de coloniser des planètes lointaines, et si un groupe composé de couples hétérosexuels va sur la planète Alpha et qu’un autre groupe constitué de couples homosexuels va sur la planète Beta, et si aucun de ces groupes ne maitrise la technologie de la procréation assistée, laquelle des deux planètes sera encore colonisée dans un siècle ? La logique voudrait que la planète Alpha existe encore, mais que la planète Beta ait disparu. L’argument pour l’égalité du mariage entre personnes de même sexe échoue à cet endroit. Les couples ne sont tout simplement pas les mêmes ». (Araujo, 2012)
Et c’est ce qu’ont voulu dire les rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme quand ils déclarent que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». Comme nous l’avons indiqué dans notre deuxième partie, le terme « né » à l’art. 1 est une référence à la naissance morale, qu’aucun individu ou entité ne pourra jamais accorder. Cette interprétation est compatible avec le fait que les personnes humaines sont fondamentalement les mêmes, mais elles sont aussi différentes et physiquement nées dans des circonstances inégales.
Dans le débat pour les droits des LGBTI, en particulier sur la question du mariage homosexuel, « la loi est incitée à ne pas tenir compte des faits et à les remplacer par une fiction juridique fragile » qui rend « égal ce qui ne peut l’être à cause de la réalité de la nature humaine » ; la réponse, alors, exige « une application rigoureuse de la logique » (Araujo, 2010, p 31). Le même conseil s’applique pour l’argument de la discrimination qui a été discuté dans la deuxième partie.