P. Piero Gheddo
Traduction d’Océane Le Gall
ROME, mercredi 12 décembre 2012 (ZENIT.org) – « Amener la personne à faire l’expérience de Dieu, de Jésus Christ dans sa propre vie … si vous voulez ramener à l’ordre et à la société de braves jeunes qui se sont égarés » : tel est le premier conseil donné par le père Pietro Belcredi, missionnaire à l’Institut pontifical des missions étrangères (PIME) après 6 années de présence en Amazonie brésilienne.
Père Belcredi exerce à la paroisse de Barreirinha, à 900 km de Belem et 250 kms de Manaos, dans diocèse de Parintins (fondée par les missionnaires du PIME en 1955).
Il lui parle de sa paroisse et des merveilles que l’Esprit Saint continue de susciter, à notre époque aussi.
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Père Belcredi, parlez-nous de votre paroisse…
Le Pime est présent à Barreirinha depuis 1956. Avant il n’y avait pas de prêtres résidants mais des missionnaires itinérants qui baptisaient tout le monde. Ma paroisse couvre un rayon de 100 km. Pour la parcourir d’un bout à l’autre je mets 7 heures de bateau à moteur. Puis commence la zone indigène, mais qui est confiée au père diocésain Rivaldo, qui habite avec moi mais est toujours en ballade parmi les indios.
Quand je suis arrivé à Barreirinha, en 2006, les jeunes formaient des bandes qui se battaient entre elles, jusqu’à s’entretuer. Que dois-je faire? A Parintins il y avait un prêtre local, le père Dilson, qui suivait les jeunes et organisait des rencontres en utilisant la méthode charismatique. Il insistait beaucoup sur le kérygme, la première annonce de l’Evangile, pratiquée par Pierre à Jérusalem quand se sont converties 3.000 personnes. La première rencontre consiste à convertir au Christ. Il faut amener la personne à faire l’expérience de Dieu, de Jésus Christ dans sa propre vie, de manière intellectuelle mais émotionnelle aussi, affective, qui prend toute la vie. La foi, ce n’est pas seulement croire en la Vérité du Credo, mais une rencontre d’amour avec une Personne divine, Jésus-Christ.
J’ai essayé de faire cette première annonce. Je me suis fait aidé par le père Dilson, qui avait un caractère difficile mais un grand charisme, et j’ai su que dans les paroisses où je suis allé il y avait des jeunes qui suivaient sa ligne même après son départ. Le Seigneur m’a aidé. J’ai suivi sa méthode et les résultats obtenus furent presqu’incroyables.
A mon premier cours, est venue une jeune fille qui était la fiancée du chef d’une des deux bandes de jeunes qui terrorisaient Barreirinha à coups de vols, bagarres, actes de force. Cette jeune fille a été très touchée et elle a ramené avec elle le chef de bande avec cinq ou six jeunes qui faisaient peur à regarder. Ce sont des jeunes pleins de forces et d’ambitions, dans une situation où ils n’ont aucune possibilité. Il n’y a pas de travail si ce n’est dans l’agriculture et la pêche, ils vont à l’école mais n’ont aucun débouché, et leurs familles n’ont rien à leur offrir si ce n’est de survivre. Des hommes désormais de 18-20 ans condamnés à devenir des criminels si on ne les arrêt pas tout de suite. L’annonce du Christ à ces jeunes, si vous priez et les amenez avec vous pour aider les pauvres qui ont besoin de tout, obtient de bons résultats.
Que faisaient ces jeunes dans la vie?
C’était pour ainsi dire des étudiants, mais ils en faisaient voir de toutes les couleurs. Si l’un d’eux était pris et jeté en prison, il était fier de cela, il se sentait grand, comme digne d’aller en tôle. Ce chef de bande disait lui-même ce qu’ils avaient fait et se vantait d’avoir passé quelques jours ou quelques mois en prison. Après le cours charismatique, je pensais: qui sait ce qu’ils feront maintenant! Au contraire ils ont donné un témoignage merveilleux. Ils avaient finalement compris ce qu’est la vie, que Dieu existe vraiment, que Dieu les aide, que Dieu pardonne et qu’Il aime tout le monde. Bref, ils ont commencé à venir m’aider à l’église. A l’un d’eux, qui était passionné de musique et chantait bien, je lui ai appris à jouer et c’est maintenant mon organiste.
L’autre groupe de voyous, voyant ce que faisaient leurs « ennemis », est venu au bout de quelques temps me parler. Leur chef, que l’on surnommait « Mau Mau », faisait presque peur à regarder, mais c’était un grand gaillard qui avait grandi sans famille, sans valeurs et sans foi, il faisait de la peine mais il était en même temps touchant. Il arrive avec ses cheveux longs et l’air insolent, accompagné lui aussi de ses gardes du corps! Je lui ai parlé d’homme à homme, lui disant la vérité sur sa vie, dans un esprit fraternel et respectueux. Les miracles de l’Esprit Saint sont vraiment grandioses. Imaginez. Quelques mois plus tard je me suis vu à l’église, au premier rang, les deux chefs de bande qui auparavant se détestaient. Ils étaient maintenant là tous les deux en train de prier et d’écouter mes sermons! Dites-moi si ça ce n’est pas un miracle de la grâce de Dieu.
Ces chefs de bande sont pleins de qualités, intelligents, charismatiques eux aussi à leur façon, ils savent commander, ils sont forts, astucieux, et ainsi de suite. Mais n’ayant reçu aucun idéal en famille et dans la société, ils utilisent ces dons de Dieu pour s’affirmer en jouant de leur force et commettant de mauvaises actions. Si vous leur présentez Jésus-Christ comme un héros à suivre, aimer, imiter, et si la grâce de Dieu les touche au cœur, ils deviennent peu à peu de braves chrétiens.
J’ai réussi à mettre un terme à ces groupes de malfaiteurs, ramenant à l’ordre et à la société de braves jeunes qui s’étaient égarés. Près de 2500 personnes sont passées par ces cours charismatiques, et toutes ne réagissaient pas bien de la même manière. Mais sur le territoire, à l’intérieur du pays aussi, beaucoup de personnes de ces groupes et communautés vivent l’idéal chrétien grâce à la méthode charismatique qu’ils ont en général bien intégrée.
Comment sont ces cours ?
Le premier s’appelle Nova Vida et c’est le Kérygme, la première annonce du Christ, l’expérience et l’amour de Dieu dans notre vie, ce que veut dire aimer Dieu, prier, aimer et imiter Jésus Christ, changer de vie. Je dois dire qu’entrer dans cet aspect intime de la foi m’a converti moi aussi. En effet, vous ne pouvez pas prêcher la conversion au Christ, si vous ne vous êtes pas vous-mêmes converti. Pour parler avec enthousiasme et émotion de Jésus Christ, vous devez y croire vraiment vous aussi.
La seconde rencontre est sur la Parole de Dieu, l’Evangile, la Bible, qui devient le Livre que tout le monde doit avoir. La plus grosse dépense est l’achat d’une Bible pour chacun. Je vends les bibles, je ne les donne pas gratuitement, excepté à celui qui ne peut pas payer. Les autres payent. La Bible coûte environ 15 Euro. Ils y tiennent beaucoup. Ils mettent ensuite leur Bible dans un endroit réservé, noble de la famille, la lisent, l’amènent partout avec eux. Elle devient leur référence dans la vie. Et puis dans ce deuxième cours on parle de la communauté des disciples du Christ, autrement dit de l’Église.
Ces deux cours sont indispensables et fondamentaux. Puis il y a les cours spécifiques, les fiançailles, le mariage, l’honnête dans la société, à l’école et dans le travail. Le but es
t de former des évangélisateurs. Aujourd’hui dans les communautés j’ai des « prédicateurs » qui font des homélies sur l’Evangile. Quand j’ai besoin ils viennent prêcher et tenir des cours dans la paroisse à Barreirinha. Le prêtre ne peut pas vivre et travailler correctement s’il n’a pas des dizaines de laïcs et laïques, bien préparés et animés.
Avant de venir en Amazonie, vous avez été 17 ans missionnaire en Afrique (Guinea Bissau). D’après vous, qu’est-ce que les jeunes Eglises peuvent enseigner aux prêtres des Eglises de longue tradition?
Chez moi, de l’autre côté du Po, à Pavie (Italie), il y a de jeunes prêtres africains, indiens et autres, qui sont très biens. La tentation de l’embourgeoisement est partout, mais nous devons réagir en priant et en menant une vie austère et vouée à Dieu. Ou vous acceptez vraiment cette relation intime avec le Christ, en vous consacrant entièrement à l’apostolat pour porter Jésus à tous, ou bien vous tombez dans l’embourgeoisement, et dans la chasse à l’argent pour être bien et toujours mieux.